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21 juin 2021 1 21 /06 /juin /2021 12:11
No longer mine, La France, 2020 Livre (Guide la Bretagne mystérieuse, Ed.Les Guides Noirs, 1966), broderie, béton 31 cm x 41 cm + 150 cm de fils Courtesy Brankica Zilovic et Galerie Laure Roynette, Paris

No longer mine, La France, 2020 Livre (Guide la Bretagne mystérieuse, Ed.Les Guides Noirs, 1966), broderie, béton 31 cm x 41 cm + 150 cm de fils Courtesy Brankica Zilovic et Galerie Laure Roynette, Paris

Brankica ZILOVIC

No longer mine, La France, 2020 - Livre (Guide la Bretagne mystérieuse, Ed.Les Guides Noirs, 1966), broderie, béton- 31 cm x 41 cm + 150 cm de fils - Courtesy Brankica Zilovic et Galerie Laure Roynette, Paris

Cette oeuvre délicate de l’artiste serbe Brankica Zilovic opère la rencontre de la carte et du fil, ouvrant à un univers propice au rêve, à la poésie.
La relation de Brankica Zilovic avec les cartes et les territoires commence à l’orée de «La Pangée» (son premier «planisphère», 2011) et se poursuit depuis, inlassablement. En parfois très grands formats ou de manière, comme ici, plus intime, elle explore les frontières, les fractures, les schismes, les rifts, les mers et les territoires. Comme d’autres artistes contemporains, et malgré Google Maps, la carte agit sur elle comme un objet de question et de représentation, non pas tant du réel que d’un espace mental, d’une projection de l’ordre de la mémoire, de l’imaginaire et du désir. Autrement dit, la carte fait toujours rêver.
Cette vision sélective, subjective, et poétique du monde pourrait s’appréhender comme une riposte à l’abstraction et à la dématérialisation du monde contemporain. Elle rend un territoire, fusse-t-il fictionnel, mais visible, à un monde paradoxalement en invisibilité, «sans corps ni visage» (N. Bourriaud).

Le Grand Tour - Visite guidée - Salle 1, Voyage, voyage - Brankica ZILOVIC

Ces cartes-là parlent d’un monde ouvert, et multiple, un «Tout Monde», comme le définissait Edouard Glissant, penseur auquel elle aime se référer. Sa réflexion, comme sa pratique, prend appui sur cette idée d’interpénétration des cultures et des imaginaires, d’un monde qui perdure et/mais qui change, d’où son vif intérêt pour les images d’ici et d’ailleurs, les cartes et les livres, son insatiable curiosité de tout, qu’elle
assouvit dans ses voyages, histoire de vérifier que la terre est bien «en partage pour tous». Ses oeuvres sont à l’image de ce monde-là, mouvantes, chaotiques. Par le travail de la broderie et des fils, les éléments s’y croisent, se rencontrent, surgissent, disparaissent, se transforment. Et en brodant des livres anciens de cartes, laissant s’échapper du bleu de la mer des fils pareils à des torrents, elle les réactive d’une certaine manière. Objets de savoir et d’imaginaire en passe de disparaitre dans le vortex numérique, ils persistent et redeviennent, par l’art, objet d’une transmission et d’une histoire.

Le Grand Tour - Visite guidée - Salle 1, Voyage, voyage - Brankica ZILOVIC

Brankica Zilovic travaille à partir de matériaux issus de l’univers du textile, lesquels donnent lieu, au moyen d’installations et de configurations picturales, à des pièces mêlant biographie individuelle et collective. Marquée par les paysages enneigés des Alpes dinariques de son enfance aussi bien que par le contexte et l’histoire de la Serbie, elle coud, tisse ou brode des compositions réticulaires qui prennent l’allure de
paysages mentaux. Ses travaux s’inscrivent ainsi à la croisée de considérations individuelles et de préoccupations historiques voire politiques. Depuis plusieurs années, elle développe un travail parfois monumental et parfois plus intime autour de la cartographie dans lequel elle développe une sorte de sémantique du fil. Elle expose régulièrement en France et à l’étranger.
Parallèlement à sa pratique artistique, elle dispense des cours dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur, à Paris et aux Beaux- Arts d’Angers.
Née en 1974 en Serbie, Brankica Zilovic vit et travaille à Paris.

 

LE GRAND TOUR

Exposition collective du 19 mai au 25 juillet 2021
H2M - Espace d’art contemporain, 5, rue Teynière à Bourg-en-Bresse
Entrée libre et gratuite, du mercredi au dimanche
de 13 h à 18 h (pas de réservation nécessaire
pour visiter l’exposition).

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16 juin 2021 3 16 /06 /juin /2021 16:27
Le monde nomade #1, 2006 - Courtesy Marco Godinho / 49 Nord 6 Est FRAC Lorraine

Le monde nomade #1, 2006 - Courtesy Marco Godinho / 49 Nord 6 Est FRAC Lorraine

Dans sa simplicité et son évidence, cette oeuvre de Marco Godinho, dont il nous a autorisé la reproduction pour l'affiche de l'exposition, rencontre succès et interrogations de la part des visiteurs.

Pour moi, c'est devant la carte que commence le fantasme du voyage et celle de Marco Godinho invite à une réflexion en mise en abîme à propos du mouvement et du nomadisme.

Le monde nomade #1, 2006 - Courtesy Marco Godinho / 49 Nord 6 Est FRAC Lorraine

Le monde nomade #1, 2006 - Courtesy Marco Godinho / 49 Nord 6 Est FRAC Lorraine

Marco Godinho

Le monde nomade #1, 2006
Planisphère découpé en 60 bandes verticales
150 cm de long, autres dimensions variables
Courtesy Marco Godinho / 49 Nord 6 Est
FRAC Lorraine

«Le monde nomade», c’est le monde en mouvement, et le mouvement sur le monde, l’appel au départ, au voyage et à la découverte, un idéal de mobilité dans un monde mobile!
Une mappemonde en papier a été découpée en soixante bandes verticales individuelles, correspondant à la mesure du temps, en secondes et en minutes, comme autant de fuseaux, de longitudes, arbitraires. Les minces bandes, qui s’enroulent sur elle-mêmes, se déroulent lentement selon la température et composent une cartographie mouvante, changeante, et un portrait éphémère du monde.
Ce dessin d’un monde en transit, en transition,est lui-même nomade, car l’oeuvre peut aussi se transporter, enroulée dans un petit étui, significatif du mode de vie, et du mode de vie des oeuvres, de Marco Godinho. Ce simple détournement suscite autant d’appels au voyage et à l’imaginaire que de réflexions possibles sur
l’état du monde et les conséquences nées de ces télescopages fictionnels.

Le Grand Tour - Visite Guidée - Salle 1, Voyage, voyage - Marco GODINHO

En quête permanente de nouveaux horizons, Marco Godinho est un explorateur du monde, de ses marges et de ses seuils – géographiques, politiques et philosophiques – dans lesquels lui-même évolue. La mer, les migrations, le déplacement, la vie nomade, sont au coeur de son travail, qui déploie un univers singulier et poétique sur la subjectivité de notre expérience du temps et de l’espace. Il aborde avec sensibilité une pratique post-conceptuelle, les questions d’exil, de mémoire et de géographie inspirées par sa propre expérience de vie nomade, suspendue entre différentes langues et cultures et nourrie par la littérature et la poésie. À partir d’installations et de vidéos, en passant par ses écrits et oeuvres collaboratives, son travail forme une carte d’un monde façonné par des expériences personnelles et le multiculturalisme.

Son travail est montré partout dans le monde et il a représenté le Luxembourg à la dernière Biennale de Venise.
Né à Salvaterra de Magos (Portugal) en 1978, il vit et travaille entre Luxembourg et Paris.

LE GRAND TOUR

Exposition collective du 19 mai au 25 juillet 2021
H2M - Espace d’art contemporain, 5, rue Teynière à Bourg-en-Bresse
Entrée libre et gratuite, du mercredi au dimanche
de 13 h à 18 h (pas de réservation nécessaire
pour visiter l’exposition).

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14 juin 2021 1 14 /06 /juin /2021 17:04
MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm -  Courtesy Monk

MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm - Courtesy Monk

MONK

Série "VISIT" - Visit Lesbos, Visit Phuket, Visit Rio, Visit Borneo, Visit Bagdad , 2016
Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm
Courtesy Monk

Les affiches touristiques naissent avec l’invention de la lithographie à la fin du 19ème siècle, et connaissent leur apogée dans les années 30, avec l’émergence des congés payés. Compagnies de chemin de fer, en plein essor, et de navigation deviennent les premiers commanditaires de ces affiches, instruments de promotion idéaux pour susciter le désir de villégiature des potentiels voyageurs. Il s’agit de mettre en avant à la fois le pittoresque et le chic de destinations dans une approche esthétique spécifique, presque contemplative, valorisant l’idée même de voyage, et l’enchantement de l’ailleurs, de la « French Riviera » aux plages de Deauville, du tourisme d’hivernage à Alger au safari en Congo belge.

MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm -  Courtesy Monk

MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm - Courtesy Monk

Les créations graphiques de l’artiste belge Monk sont présentées ici pour la première fois en format «affiche», à l’instar des affiches touristiques dont elles sont inspirées, et se déploient dans l’escalier montant vers les salles d’exposition, comme une invitation au voyage...
Mais sous des allures colorées et graphiques, la critique du tourisme de masse, de l’exploitation de la nature comme de la misère humaine, sous la pression de la mondialisation, tant libérale que touristique, amplifiée par les crises économiques ou sociétales, n’en apparaît que plus criante.
Pour cette série, Monk a puisé son inspiration dans un poster de 1936 de Franz Krausz, «Visit Palestine», conçu pour encourager l’immigration en Israël, plus de dix ans avant sa «création» et devenu depuis, un symbole de résistance.

MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm -  Courtesy Monk

MONK - Série "VISIT" - Tirage sur papier affiche - 100 cm x 75 cm - Courtesy Monk

(On retrouve ensuite, dans la salle 4, deux affiches de Monk, "Visit Lesbos", faisant écho à l'installation d'Esmeralda Kosmatopoulos dans la salle précédente, et "Visit Phukhet", évoquant le tourisme pédocriminel, et faisant écho aux oeuvres de Dinh Q Lê et de Reiner Riedler sur le tourisme sexuel)

De «Visit Lesbos», qui dresse le portrait de deux types de voyage inconciliables (celui du touriste rêvant de sable fin et d’eau turquoise, celui de l’exilé, jeté mort ou presque sur la grêve, s’il a eu la chance d’être rescapé des naufrages quotidiens), à « Visit Phuket », illustrant de manière implicite le fléau du tourisme
pédocriminel, en passant par Bornéo déforesté, ou Rio étouffant sous la violence, Monk s’approprie les codes de l’affiche touristique et les détourne pour présenter de manière frontale et grinçante un envers du décor, une autre réalité que celle mise en vitrine par l’industrie touristique mondiale.


Monk est un street-artiste, graphiste et pochoiriste belge, vivant et travaillant à Bruxelles. Artiste engagé, Monk se veut citoyen du monde et crée des propositions graphiques toujours critiques et chargées de sens.

Le Grand Tour - Visite guidée - Escaliers - MONK

Monk est un street-artiste, graphiste et pochoiriste belge, vivant et travaillant à Bruxelles. Artiste engagé, Monk se veut citoyen du monde et crée des propositions graphiques toujours critiques et chargées de sens.

Le Grand Tour - Visite guidée - Escaliers - MONK

Ce que dit "Visit Phukhet", Série VISIT

En Thaïlande, comme dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est, la prostitution, bien qu’officiellement réprimée, est un véritable argument touristique. Au-delà de la prostitution « traditionnelle », le tourisme pédocriminel constitue un fléau masqué, mais bien présent. Dans les hôtels, depuis 2017, les touristes se voient remettre un dépliant rappelant que les relations sexuelles avec les enfants constituent un crime, pourtant des études menées par l’ONG ECPAT, estiment le nombre des victimes à plus de 40 000, e t les mineurs constitueraient 40% des prostitués en Thaïlande. Ultime forme marchande du loisir, illustration de l’exploitation de la misère, le tourisme sexuel ne cesse de s’étendre sous la pression de la mondialisation, tant libérale que touristique, amplifiée par les crises économiques ou sociétales. De (rares) études montrent que, sur un milliard de touristes internationaux chaque année, 10% environ choisiraient leur destination vacancière en fonction de l’offre sexuelle locale. Et si le tourisme sexuel est un phénomène planétaire, l’Asie reste le continent le plus touché.

 

LE GRAND TOUR

Exposition collective du 19 mai au 25 juillet 2021
H2M - Espace d’art contemporain, 5, rue Teynière à Bourg-en-Bresse
Entrée libre et gratuite, du mercredi au dimanche
de 13 h à 18 h (pas de réservation nécessaire
pour visiter l’exposition).

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10 juin 2021 4 10 /06 /juin /2021 11:42
Série Remains of th day, 2011- 2020 - Courtesy Arnaud Cohen

Série Remains of th day, 2011- 2020 - Courtesy Arnaud Cohen

Allez, c'est parti pour la grande visite guidée "virtuelle" du Grand Tour. On ouvre l'exposition dès l'entrée, au bas de l'escalier 18e, avec cet ensemble d'oeuvres d'Arnaud Cohen, entre tourisme vintage et archéologie du futur.

Arnaud COHEN

Remains of the day #1, 2011 - Aluminium, fibre de verre, et résine - h 103 cm x 67 cm x 125 cm- Remains of the day #2, 2011 - Aluminium, fibre de verre, et résine - h 94 cm x 105 cm x 105 cm - Remains of the day #3 - Le Fantôme du Stylite (a - former tribute to Rauschenberg), 2011-2020 - Aluminium, fibre de verre, et résine
h 259 cm x 105 cm x 105 cm - Courtesy Arnaud Cohen

 

Trois colonnes de style antique, évoquant un de ces sites archéologiques prisés des touristes, accueillent le visiteur au bas de l’escalier menant aux salles d’exposition. Echo de souvenirs d’enfance de l’artiste, ils rappellent aussi à tous les férus d’art et d’histoire leurs propres souvenirs d’excursions ensoleillées en Grèce,
en Italie, ou en Tunisie... Pourtant, à y regarder de plus près, si ces ruines épousent bien une forme identifiable, elles ressemblent davantage à des bouteilles de Coca-Cola®, tronquées, qu’à des colonnes doriques...Ces vestiges, alors, ne seraient-ils pas ceux de notre civilisation plutôt que d’un ancien monde ? Ne serions-nous pas devant les traces d’une archéologie du présent ou, autrement dit, devant les vestiges -déjà- de notre société de consommation parvenue à bout de souffle de sa décadence ?
Comme dans un roman ou un film d’anticipation, nous voici touristes du futur, découvrant au détour d’un monument, ces vestiges d’un temple dont les marchands ont fui. Ou, à l’instar du Capitaine Taylor, dans la dernière scène du film « Planet of Apes » (« La Planète des singes », Franklin Schaffner,1968), découvrant sur la plage, horrifié, les vestiges à moitié ensevelis de la statue de la Liberté, devant les restes d’un monde qui doit disparaître...
Un étrange animal hybride, mi chèvre mi léopard, joue le stylite, la vigie, le phoenix, le gardien de la mémoire du site ou l’annonciateur d’un monde nouveau...


 

Le Grand Tour - Visite guidée - Ouverture de l'exposition, escaliers - Arnaud COHEN

L’oeuvre d’Arnaud Cohen aborde le sujet de la responsabilité individuelle dans l’édification de destins collectifs. Il puise ses références autant dans les pratiques situationnistes que dans les mythes et allégories. Sa pratique, relevant souvent de l’appropriation, le porte vers des formes sociales et esthétiques diverses,
depuis des objets identifiés tels que sculptures ou installations jusqu’à des « objets » plus iconoclastes, comme une fondation, une piste de danse ou une émission de télé-réalité. Son travail, entre Histoire et fiction, est régulièrement présenté dans des évènements internationaux, tels que les Biennales de Dakar, de Venise, d’Amérique du Sud, du Caire, et en France, au Palais de Tokyo, au Mémorial de la Shoah, en résidence au Musée de la Chasse et de la Nature.
Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles, notamment au Musée Synodal de Sens, à Berlin, à Cologne, et cette année, au Musée National d’Art Contemporain de Bucarest ainsi qu’à la biennale de Kampala.
Né en 1968, Arnaud Cohen vit et travaille entre Palma de Majorque, en Espagne, et son île-usineatelier
du Poitou.

 

Le Grand Tour - Visite guidée - Ouverture de l'exposition, escaliers - Arnaud COHEN

LE GRAND TOUR

Exposition collective du 19 mai au 25 juillet 2021
H2M - Espace d’art contemporain, 5, rue Teynière à Bourg-en-Bresse
Entrée libre et gratuite, du mercredi au dimanche
de 13 h à 18 h (pas de réservation nécessaire
pour visiter l’exposition).

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3 mai 2021 1 03 /05 /mai /2021 12:13
Visuel de l'affiche : "Le monde nomade", Marco Godinho, courtesy Marco Godinho et 49 Nord 6 Est / FRAC Lorraine

Visuel de l'affiche : "Le monde nomade", Marco Godinho, courtesy Marco Godinho et 49 Nord 6 Est / FRAC Lorraine

C'est avec un plaisir qu'il me serait impossible de dissimuler que je peux aujourd'hui annoncer l'ouverture de l'exposition Le Grand Tour, au Centre d'Art H2M, à Bourg-en-Bresse.

L'exposition, qui devait se tenir du 7 novembre 2020 au 21 février 2021 se tiendra finalement du 19 mai au 25 juillet 2021!

Mes remerciements premiers vont à la Ville de Bourg-en-Bresse et à l'équipe de H2M, qui ont souhaité maintenir coûte que coûte l'exposition jusqu'au terme possible de la programmation.

Cette exposition, qui dispose au voyage, et réfléchit aux enjeux du tourisme, et de l'industrie touristique de masse, avait été conçue bien avant la pandémie. A ce moment-là, rien n'indiquait que l'exposition, partie intégrante, à sa manière, de l'industrie touristico-culturelle, subirait le sort de la fermeture et du silence, et qu'un évènement mondial viendrait requestionner le sens de l'exposition.

Le premier volet de ce projet, intitulé tout simplement Touriste!, devait prendre place à l'Espace d'Art de Mitry-Mory. J'y avais, deux ans avant, réalisé une exposition intitulée Venus Vesper, autour du féminisme et des féminités , et j'avais alors remarqué l'incessant ballet des avions au dessus du centre d'art, dû à la présence de l'aéroport de Roissy tout proche. Faire ce premier volet d'une exposition critique sur le tourisme de masse à deux pas de Roissy et sous les vombrissements des avions me semblait tout indiqué.

Las, après une semaine d'ouverture, l'exposition ferme, c'est le premier confinement, et plus un seul avion décolle de ni n'atterrit à Roissy. Situation totalement inédite donc...Sans autre solution pour faire exister un peu l'exposition, qui ne rouvrira jamais, j'en égrène les photos, les oeuvres, au fil des jours, sur ce blog. Un petit catalogue reste publié, et l'affiche reste un choix d'anthologie, avec deux des trois Untel en touriste for ever.

Le Grand Tour / La Grande Ouverture dans le monde d'après...

Heureusement, pensais-je, un second volet est prévu. Une deuxième exposition, reprenant en partie l'exposition de Mitry Mory et enrichie de nouvelles oeuvres, est prévue au centre d'art H2M de Bourg-en-Bresse, en novembre 2020. Sous le nom de "Le Grand Tour", clin d'oeil à la tradition aristocratico-bourgeoise des voyages d'éducation et d'humanité des siècles passés qui, d'une certaine manière, ont participé au développement du "tourisme" puis du tourisme de masse, le Grand Tour élargit le propos et les propositions artistiques.

Las encore, jusqu'au dernier jour de montage, nous aurons cru pouvoir ouvrir..en novembre, puis en décembre...puis en janvier...bref..des mois durant, l'exposition , prête à vivre, exposition fantôme dans le silence, attend son hypothétqiue tour.

Pendant ce temps, dans le monde, l'industrie du tourisme s'est arrêtée net: plus de paquebot de croisières, d'avions, de charters, de club vacances ni de musées. Cet arrêt subit et massif du tourisme et de tout ce qu'il génère conduit à se questionner à nouveau sur le sens de l'exposition. Si elle n'était pas en soi une exposition complètement  à charge contre le tourisme - on y évoque aussi, l'imaginaire du voyage et le paysage-, cette exposition, dans ce contexte de sortie de crise sanitaire ayant conduit à l'arrêt total de l'industrie du tourisme, peut-elle avoir le même sens qu'avant la crise? S'il nous parait absurde d'appeler à l'arrêt de l'activité touristique - on a vu non seulement comment nombre d'économies (et l'économie, ce sont aussi des gens qui vivent grâce à ...) sont dramatiquement impactées, mais aussi comme la possibilité du voyage est une nourriture émotionnelle, intellectuelle, nécessaire-, on peut légitimement aspirer à une sorte de tourisme raisonné, et devenu raisonnable, par la force de la loi - les paquebots enfin interdits à Venise-, ou par de nouvelles habitudes de consommation. Mais tous, qui avons été privés de cette liberté de pouvoir potentiellement partir, n'avons nous pas comme une folle envie de prendre le premier avion venu? Ne sont peut-être pas seulement Cassandre ceux qui prédisent un retour encore plus puissant, et dévastateur, du tourisme de masse dans les années qui viennent.

Aussi, l'exposition Le Grand Tour, les questions qu'elle pose et les artistes qui en parlent , restent-ils pleinement, et plus que jamais d'actualité, entre nos envies - bien légitimes- de partir enfin! et ce que la pandémie nous aura appris...ou non.

Les oeuvres choisies auront sans nulle doute une saveur nouvelle dans ce contexte unique dans notre histoire, et c'est donc avec grande joie que je vous invite à venir les découvrir dès le 19 mai. 

Je serais sur place, plusieurs jours, Les 21 et 22 mai, puis en juin et juillet, pour vous conduire dans l'exposition et vous raconter Le Grand Tour. N'hésitez pas à revenir vers moi pour que je vous informe sur ces dates (mdeparisyafil@gmail.com)

une petite image en avant-première, avec le coin "documentation" façon salle d'attente d'agence de voyage, avec une affiche "Visit Lesbos " de Monk, et deux photogrpahies de Sophie Bachelier

une petite image en avant-première, avec le coin "documentation" façon salle d'attente d'agence de voyage, avec une affiche "Visit Lesbos " de Monk, et deux photogrpahies de Sophie Bachelier

LE GRAND TOUR

DU 19 MAI AU 25 JUILLET 2021
PREMIERE VISITE GUIDEE PAR LE COMMISSAIRE: JEUDI 22 MAI

H2M - espace d’art contemporain
Hôtel Marron de Meillonnas
5, rue Teynière
01000 Bourg-en-Bresse
04 74 42 46 00
Entrée libre et gratuite – ouvert du mercredi au dimanche de 13 h à 18 h

 

Avec

Slim Aarons (US), Pilar Albarracin (Espagne), Jean-Paul Albinet (France), Pierre Ardouvin (France), Sophie Bachelier (France), Fayçal Baghriche ( France-Algérie), Yancouba Badji (Sénégal), Pauline Bastard (France), Becquemin & Sagot (France), Delphine Bedel (France- Pays-Bas), Catherine Burki (France), Arnaud Cohen (France), mounir fatmi (Maroc), Gaelle Foray (France), Marco Godinho (Luxembourg - Portugal), Paolo Iommelli (Italie), John Isaacs (Grande-Bretagne), Sylvie Kaptur-Gintz (France), Farah Khelil (Tunisie), Esmeralda Kosmatopoulos (Grèce), Dinh Q Lê (Viet-Nam), Shane Lynam (Irlande), Monk (Belgique), Martin Parr (Grande-Bretagne), Bogdan Pavlovic (Serbie), Sadek Rahim (Algérie), Philippe Ramette (France), Emmanuel Régent (France), Reiner Riedler (Autriche), Lionel Scoccimaro (France), Laurent Tixador (France), UNTEL (France), Zevs (France), Brankica Zilovic (Serbie- France)


Un immense remerciement aux artistes et aux prêteurs qui tous, ont accepté la prolongation des prêts. Merci à eux!


10 Chancery Lane Gallery, Honk Hong - 49 Nord 6 Est / FRAC Lorraine – Carpenters Workshop Gallery, Paris / Londres / New-York / San Francisco - H Gallery, Paris – Galerie In Situ-Fabienne Leclerc, Romainville - Galerie Bertrand Grimont, Paris - Jane Lombard Gallery, New- York - Mfc- Michèle Didier, Paris – New Galerie, Paris - Galerie Jérôme Poggi, Paris - Galerie Praz-Delavallade, Paris / Los Angeles - Galerie Laure Roynette, Paris - Studio mounir fatmi, Paris – Studio John Isaacs, Berlin – Galleria Officine dell'immagine, Milan - Galerie Vallois, Paris – Galerie Xippas, Paris

 

 

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4 septembre 2020 5 04 /09 /septembre /2020 16:42
LE TEMPS QU'ELLE FAIT - Francine FLANDRIN à la Galerie L'Oeil Histrion, Caen - Save the date 18 septembre!

Je suis ravie d'ouvrir cette saison "si particulière" avec ce texte rédigé pour "Le temps qu'elle fait",  la première exposition solo de Francine FLANDRIN à la Galerie L'Oeil Histrion, à Caen.

Vernissage vendredi 18 septembre: j'y serai!

Working -  huile sur jean, cloche en verre soufflé, bois, laiton gravé. H 53 cm, ø 23 cm.

Working - huile sur jean, cloche en verre soufflé, bois, laiton gravé. H 53 cm, ø 23 cm.

FRANCINE FLANDRIN  - «Le temps qu'elle fait»

 

 

«Là où on croyait voir du sublime, on découvre seulement la dérision»

Sarah Kofman, à propos de Nietzsche

Pourquoi rit-on?

Editions Galilée, Paris,1986

 

Pour sa première exposition personnelle à la Galerie L'Oeil Histrion, l'iconoclaste Francine Flandrin déploie toute la mesure d'un travail dont l'esprit hétérodoxe frappe dès le premier regard. Peintures et dessins, sculptures et objets réunis en cabinets de curiosité (ou en plus désinvoltes «chambres des merveilles»), qui rendent sans aucun doute la vie plus intéressante que l'art : l'art de Francine Flandrin est un palimpseste habité d'un inassouvi appétit d'images et de mots qui tous convergent vers l'impossible conjonction du temps qui passe et de la liberté qui fuit.

Voilà pourquoi, sonate plutôt profane ou pièce en trois actes, se déploie, se noue et se dénoue le «temps qu'elle fait». Cette approximation syntaxique polysémique, clin d'œil à la fusion des genres, dévoile d'emblée l'intention de se laisser submerger par delà l'anodin en même temps que par une réappropriation ludique de l'ordinaire, passé aux filtres et ravages de sa créativité, de son humour et de son sens de la dérision, dans la glorieuse lignée de Dada et Fluxus. «Le temps qu'elle fait» est une totalité, un manifeste à l'intense foisonnement, moins démiurgique qu'il n'en a l'air - Francine Flandrin ne fait ni la pluie ni le beau temps -, mais plus réjouissant pour l'œil et l'esprit que notre épidémique horizon.

Le temps qu'elle fait I - Le temps qu'elle fait c'est d'abord le temps qu'elle prend. Le temps de l'œuvre comme on dit, celui, incompressible - cet espace dans l'espace de l'atelier - dans lequel l'artiste cherche, tâtonne, essaie, se confronte aux matières, aux matériaux et aux questions techniques à résoudre pour produire l'œuvre qu'elle a en tête. Chez Francine Flandrin, il y a cette démarche, partagés par de nombreux artistes contemporains, de multiplier les médiums pourvu que l'idée prenne forme. Et chez elle, cela va de la sculpture au moulage pâtissier, de la céramique au chocolat, de l'ex-voto à la peinture de grand format, de la photographie au dessin, de l'entomologie au jeu de société… Puisque «tout est art», tout est bon à prendre dans les objets d'un quotidien passé ou présent qui tous peuvent, par glissement pratique ou sémantique, devenir autres, dire quelque chose de nouveau, ou dont, plus exactement, elle s'ingénie à donner  /  masquer un sens, dans cet écart permanent, qui est un peu sa marque de fabrique, entre le visible et le signifié.

De ses origines familiales elle garde un sens aigu du travail, non pas la glorification du travail - police que condamnait Nietzsche mais celle du travail agissant sur le réel, qui prend chez l'artiste la forme de la poïétique. Ainsi par exemple le triptyque Painting - Performance - Working (2018) : sa tenue de travail, une peinture détruite, et les restes d'une performance, emballés ficelés façon globes de mariée 19ème, «capsules», dit-elle, «de temps et d'énergie». Forces créatrices que Francine Flandrin dépense sans compter.

Mulholland Dive -  xylocope violet, céramique émaillée platine, ivoire. L 22 x P 13,5 x H 33 cm, 2020

Mulholland Dive - xylocope violet, céramique émaillée platine, ivoire. L 22 x P 13,5 x H 33 cm, 2020

Le temps qu'elle fait II - Le temps qu'elle fait signe sa liberté, tandis que la rigoureuse érudition qui sous tend la plupart de ses œuvres ne masque jamais le souffle dionysiaque qu'elle entend leur donner.

Chez Francine Flandrin, l'invention est toujours au service d'une audace, que l'on retrouve autant dans ses actions performatives (Portier de Nuit pour Accessoires Indispensables (2012), Parachutée, une performance dégonflée qui tombe à pic (2013), Marseille à tous points de vue (2013), Légendaires Apostrophe(s) (2017)) que dans, par exemple, l'inattendue L'Ecce Homo (2012), sein de faïence surmonté d'un téton de chocolat blanc, déclarée première sculpture léchable et rechargeable, se promenant librement entre détournement à l'esprit Dada, sculpture éphémère très Fluxus, et Eat Art.

Francine Flandrin ose. Faire du cul un bijou pour les mains (et par la même occasion ravager en trois lettres le discret charme bourgeois d'un innocent jeu de Scrabble®) avec son désormais célèbre Mot compte triple (depuis 2012) qu'elle n'hésite pas à proposer en version (poule) de luxe, en or et ivoire gravé.

Sorte de Clara Tice de notre temps, la voici se lançant dans un commentaire tout personnel, à la gouache, d'illustrations érotiques des années 30, hors textes d'un mystérieux et bien nommé (!) Jean-Martinet, auteur d'ouvrages aussi pertinents que "Matée par le fouet" et "Venez ici, qu'on vous fouette !" (Quand je fais mon Lavier BDSM : Flandrin /  Martinet, 2020)

Elle ose, donc, les sauts sémantiques les plus improbables au premier regard, l'incorrect, les oxymores et les ellipses, dans lesquels sens réel et sens métaphorique, sens et non sens se confrontent et se répondent, et il semblerait qu'elle ne craigne jamais les jeux de mots, jeux d'esprit et calembours.

Les mots justement. De son Manifeste Hue Dada - redoublant la référence historique et l'absurde -, aux titres soigneusement choisis de ses œuvres, Francine Flandrin joue de l'histoire de l'art comme d'un alphabet. Mais au delà, on retrouve souvent chez elle quelque chose de cette jouissance immédiate et enfantine du bruit des mots (ce qui fit dire que Tzara avait choisi ce mot, «dada», pour mimer le balbutiement d'un enfant - mais aussi ce qui place Flandrin quelque part aux côtés des lettristes). Entre Rrose Sélavy et Charles Dreyfus, l'innocence est feinte (son C.U.L en apporte la preuve) mais le jeu, fut-il hermétique, règne. DIY poetry (2015), coffret précieux rempli de pâtes alphabet, se présente tout à la fois comme un hommage à la poésie tout entière (et en particulier, donc, à Stéphane Mallarmé («Un coup de dé jamais n'abolira le hasard»)) et comme un défi ludique: il y a dans ce coffret de quoi écrire quelques vers éphémères, jetons en une poignée sur la table pour voir si un poème est possible...

Ouvrir ce coffret rempli de lettres qui ne demandent qu'à signifier, c'est un peu soulever le couvercle de la boîte de Pandore, découvrir ce que les mots recèlent de sens inconscients. Une des peintures présentées dans l'exposition intitulée Un pot de fleurs / Un flot de pleurs : lapsus (2019) lève le voile sur cette partie du travail de Flandrin. Elle explique «Je lis “Les Enténébrés” de Sarah Chiche, quant, à la page 205, je lis et relis à quatre reprises «un pot de fleurs coula de la serrure» au lieu de «un flot de pleurs coula de la serrure». Alors en pleine dépression, je nie l'évidence de la tristesse et de la mélancolie, je comprends mon lapsus... Éclat de rire... J'ai envie de peindre cet éclat». Cette anecdote montre combien sa pratique de la peinture, à la différence du reste de son travail qui relève d'un sérieux champ de réflexion, constitue une activité pour elle directement connectée à son inconscient, dans un élan de «lâché prise». Liberté que l'on retrouve autant dans le geste, ample et déstructuré (ce qui pourrait justifier le titre de la série : «Les explosives»), que dans la diversité des sujets traités, qui n'opèrent aucun continuité apparente, si ce n'est ce fil psychanalytique du lapsus ou du jeu d'image et de mot. N'a-t-elle d'ailleurs pas peint le divan de son psychanalyste menacé d'une imminente et très symbolique explosion (Nan, nan, je t’assure ça va très bien. (2019)) ?

Du lapsus au mot d'esprit, du mot d'esprit à l'ironie, il n'y a qu'un pas que Francine Flandrin, Freud ou Lacan à ses côtés, franchit allègrement, s'il est vrai que le recours aux mécanismes de la dérision reste une efficace dynamique de création.

Ainsi ose-t-elle encore manier l'hommage et l'irrévérence, lorsqu'elle s'approprie Dada pour inventer «Hue dada», sorte de baseline personnelle qui signe son univers, et pour lequel, avec un bel esprit de sérieux de pacotille, elle aura produit le Manifeste, proclamé la République et dont chacun peut devenir citoyen si toutefois on promet allégeance à ses principes et préceptes.

Elle sait manœuvrer pour qu'explosent en douce les prohibitions et que se démasquent les mythes. Car l'humour et l'ironie ici à l'œuvre sont souvent sous-tendus d'une dimension politique. Si, à l'instar de Fluxus, il s'agit toujours, par le renversement ou le n'importe quoi, de garder l'œil révolutionnaire ouvert sur les dérives et les aliénations de la «société du spectacle», son Rikiki Brother, son passeport Hue Dada ou son L'Ecce Homo abordent l'air de rien quelques uns des enjeux du monde contemporain, à l'heure de la surveillance numérique, des drames migratoires ou du renouveau du combat féministe.

Si elle choisit parfois d'être frontale, son travail s'écrit le plus souvent dans une sorte de rhétorique de l'esquive, stratégie qu'elle reconnaît emprunter aux érudits libertins dont la lecture la passionne, s'emparant du politique, ou de l'existentiel par l'investissement symbolique des objets. Ainsi par exemple de l'œuvre Entre la poire et le fromage (2014), sculpture en or et faïence émaillée qui sous l'allure d'un emprunt à une austère et tranquille nature morte «à la Morandi» fait écho pour elle à une réflexion sur le corps, sa dimension forcément politique et sa fragilité, que souligne ce couteau prêt à choir.

Car ce mystère de la chute qui vient, dont sourd l'urgence d'un Carpe Diem : tout est là.

LE TEMPS QU'ELLE FAIT - Francine FLANDRIN à la Galerie L'Oeil Histrion, Caen - Save the date 18 septembre!

Le temps qu'elle fait III- Le temps qui la traverse n'est pas tant celui de la chronologie que celui de la durée, une durée malmenée, compressée, disjointe, comme dirait Derrida reprenant la célèbre phrase d'Hamlet «The time is out of joint»*. Semblable au roi assassiné qui hante et dérange la vie d’Hamlet en errant sur les remparts d’Elseneur, le temps convoque les fantômes, le passé poursuit le présent de ses questions, et tous nous nous assignons à questionner la persistante présence de ce qui n'est plus. Cette condensation du temps / des temps qui «disjoint» l'ordre chronologique est bien ce qui est à l'œuvre dans la série de dessins de grand format que présente Francine Flandrin dans l'exposition. Elle a ressorti des cartons des photos de famille et en redessine l'image sur des papiers de grand format. En 1961, Jacques et Rose filaient le parfait amour, après qu'il lui ait volé un baiser dans le noir. L'histoire familiale en eut-elle été différente si Tinder avait existé ? Et l'oncle Christian, perdu par la fureur de la guerre, aurait-il su davantage qui il était s'il avait connu Grindr ? En rajoutant sur le dessin le logo d'une de ces applications qui font aujourd'hui notre quotidien, l'artiste souligne combien celles-ci s'incrustent dans nos trajectoires de vie à tel point que la vie de nos aïeux, et la notre par là même, auraient été autres... si elles avaient existé à l'époque. A quoi tiennent les destins ?

Ce n'est guère un hasard si Flandrin s'est longtemps passionnée pour les Vanités, et leurs versions contemporaines, ni qu'elle en appelle si souvent au texte de l'Ecclésiaste. Vapeur, buée, fumée... Car en deçà de l'apparente légèreté de son travail, se trame une conscience - conquérante mais forcément inquiète - de l'irréversible et de la disparition. Cette intime et puissante conscience du temps qui dévore et consume traverse bien la plupart de ses œuvres, qu'elle compile ici des objets du passé (ses ex-votos), pose là un insecte sur sa langue (l'autoportrait sculptural Mulholland Dive, 2019), produise une œuvre destinée à disparaitre sous les coups de langue (L'Ecce homo)...

Cette conscience aigue de la temporalité, la conviction d'être «de passage», et la certitude de l'absurde ne peuvent alors conduire qu'à une seule injonction : celle de l'Ici et maintenant. C'est Maintenant, œuvre datée du 26 septembre 2013, jour de l'anniversaire de l'artiste, maintenant ou jamais, maintenant pour toujours, comme un talisman, un serment, une promesse. Car puisqu'aucune conjuration n'est possible, il ne reste donc qu'une seule chose à faire : jouir, dans la mesure du possible. Rire, dans la mesure du possible. «Si le “patatras” est inévitable», écrit-elle, «et que la catastrophe sera fatale, l’ironie se révèle bien plus qu’un simple déclencheur, plutôt une arme absolue, un démultiplicateur de jouissance.»

 

Francine Flandrin est bien plus sage qu'on ne le pense, car il n'y a probablement rien de plus sage que de s'efforcer de jouir de la vie et de se saisir du jour présent.

Francine Flandrin est une artiste frivole. Mais la frivolité est un état sérieux. Au-delà des apparences, ce n'est, écrit le philosophe Alain, ni légèreté, ni insouciance, ni ignorance, ni naïveté. «Qui n'a pas chanté la nuit pour se donner du courage?»**

 

* W. Shakespeare- Hamlet (Acte 1, scène 5) – 1603, première publication

** Alain – Propos in La revue Libres Propos (1921-1924)

LE TEMPS QU'ELLE FAIT - Francine FLANDRIN à la Galerie L'Oeil Histrion, Caen - Save the date 18 septembre!

TEXTE PARU DANS LA REVUE TK 21 N°111 - https://www.tk-21.com/Le-temps-qu-elle-fait

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20 mai 2020 3 20 /05 /mai /2020 13:25
Autant en emporte le fil – Photos, collages, illustrations, broderies sur tissu – 260 x 180 cm – 2020 – Courtesy l'artiste (Présenté au cinéma Le Concorde)

Autant en emporte le fil – Photos, collages, illustrations, broderies sur tissu – 260 x 180 cm – 2020 – Courtesy l'artiste (Présenté au cinéma Le Concorde)

Sylvie KAPTUR-GINTZ

Autant en emporte le fil – Photos, collages, illustrations, broderies sur tissu – 260 x 180 cm – 2020 – Courtesy l'artiste (Présenté au cinéma Le Concorde)

 

Réalisée spécialement pour «Touriste!», et présentée dans le Hall du cinéma Le Concorde le temps de l'exposition, cette œuvre de Sylvie Kaptur-Gintz mêle broderies, et images de films tournés en de célèbres lieux. Certains de ces lieux ont été choisis par les cinéastes pour leur dimension touristique et immédiatement reconnaissable par les spectateurs, d'autres sont devenus célèbres grâce aux films qui y ont été tournés. Cinéma et tourisme font bon ménage depuis longtemps: ainsi le «ciné-tourisme», très en vogue depuis quelques décennies, désigne le déplacement touristique principalement motivé par l'objectif de retrouver les lieux ayant servi aux tournages. Outre la simple renommée, les retombées économiques de ce tourisme sont loin d'être négligeables engageant au contraire de nombreux enjeux financiers mais aussi, par l'effet de masse, des enjeux de préservation et d'écologie. Ainsi tandis que la Nouvelle Zélande se réjouit de recevoir les fans du Seigneur des Anneaux, que les habitants de certains villages du Sud de la Tunisie ont pris l'habitude de recevoir ceux de Star Wars, les autorités thaïlandaises ont fini par interdire l'accès à la plage où Danny Boyle filma Leonardo di Caprio...

Dans «Autant en emporte le fil» -clin d'oeil au film hollywoodien – Sylvie Kaptur Gintz a choisi de privilégier les lieux qui marquent le parcours de sa cinéphilie, un album de souvenirs de films et de voyages, à la fois intime et public: L'Alhambra de Grenade, L'Acropole (Zorba le grec), Venise ( Vacances à Venise), le «Jardin des Dieux» dans le Colorado ( La prisonnière du désert, Thelma et Louise) ou encore le Tori de Miyajima...Mosaïque d'images et broderies au point serré, comme une nébuleuse mémoire, cette œuvre nous embarque dans un délicat voyage cinématographique.

 

TOURISTE! Visite guidée 27...Outdoor avec Sylvie Kaptur-Gintz

Dans «Autant en emporte le fil» -clin d'oeil au film hollywoodien – Sylvie Kaptur Gintz a choisi de privilégier les lieux qui marquent le parcours de sa cinéphilie, un album de souvenirs de films et de voyages, à la fois intime et public: L'Alhambra de Grenade, L'Acropole (Zorba le grec), Venise ( Vacances à Venise), le «Jardin des Dieux» dans le Colorado ( La prisonnière du désert, Thelma et Louise) ou encore le Tori de Miyajima...Mosaïque d'images et broderies au point serré, comme une nébuleuse mémoire, cette œuvre nous embarque dans un délicat voyage cinématographique.

TOURISTE! Visite guidée 27...Outdoor avec Sylvie Kaptur-Gintz

L'oeuvre de Sylvie Kaptur Gintz est une oeuvre subtile, délicate et inspirée, aux confins de l'art et de l'artisanat, dans le lent et minutieux travail du fil, de la broderie, nourrissant en profondeur ses et nos errances les plus sensibles : l'histoire, toujours, la mémoire, ce qu'on vit, ce qui reste, ce qu'on garde, ce qui marque...des mots, des visages, des motifs. Chacune de ses oeuvres, l’artiste la veut emprunte de mémoire, saturée d’émotion vive, nourrie du sens aigue de l’altérité et de la transmission que Sylvie Kaptur-Gintz porte en elle depuis toujours.

Alors elle se saisit du fil, des tissus, des aiguilles, et s’approprie et transforme en gestes artistiques contemporains les gestes des « petites mains », de ses ascendants, tailleurs, maroquiniers, passant comme eux, avec eux, des heures dans sa maison-atelier à couper, coudre ou broder…Ces gestes, dit-elle encore, « je ne les ai pas appris, je les utilise d’une main malhabile », mais la transmission de ce vocabulaire, le souci de préserver et de nourrir le fil des filiations et des transmissions, d’une histoire, sont devenus la trame même de son travail.

Née à Paris en 1958 , Sylvie Kaptur-Gintz vit et travaille à Colombes, dans la banlieue parisienne.

 

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19 mai 2020 2 19 /05 /mai /2020 12:01
Emporter le paysage - Photographie, tirage sur papier affiche– 250 x 150 - 2012- Copyright Catherine Burki ( Présenté à l'Atalante)

Emporter le paysage - Photographie, tirage sur papier affiche– 250 x 150 - 2012- Copyright Catherine Burki ( Présenté à l'Atalante)

La seconde oeuvre formant le "dyptique" "Emporter le paysage", de Catherine Burki, était présentée dans le hall de la salle de spectacle l'Atalante. 

On remercie Christian et Jérôme, pour leur précieux travail de montage!

Et on espère pouvoir montrer à nouveau cette oeuvre bientôt...

TOURISTE! Visite guidée 26 - Outdoor...avec Catherine Burki

Catherine BURKI

Emporter le paysage - Photographie, tirage sur papier affiche– 250 x 150 - 2012- Copyright Catherine Burki ( Présenté à l'Atalante)

 

Qu'allons- nous chercher dans le voyage et surtout que remportons-nous avec nous ?

Autre façon d'emporter avec soi le paysage, le marquer sur son corps. Sur le dos d'Ivan, un palmier comme inscrit sur sa peau de vacancier, marque pour un temps son lien intime avec ce paysage étranger qu'il ramène avec lui, insolite souvenir de voyage.

TOURISTE! Visite guidée 26 - Outdoor...avec Catherine Burki

Les deux œuvres composant «Emporter le paysage» sont un peu à part dans le corpus d'oeuvres de Catherine Burki. Avec le dessin comme médium privilégié, son travail s'inspire entre autres du livre de la biologiste américaine Rachel Carson, «Printemps Silencieux», ouvrage qui, il y a plus de cinquante ans, alertait déjà sur ce qui est devenu aujourd'hui une urgence écologique. L' artiste entretient avec la nature une relation faite d'émotions, de retenues, de passions, et de questions, avec une fascination, une attention respectueuse pour le vivant et les formes que prend la vie. Renouer avec la nature, dans tout ce qu'elle est, y compris l'insignifiant, le minuscule, le presque rien, contribuer à une forme de réenchantement du monde, tels sont les desseins de Catherine Burki. Par son incessante et perspicace attention à son milieu, par sa volonté d'en partager la sensibilité, au travers de ses résidences, rencontres et projets collectifs, dans une simplicité de moyens, qu'il s'agisse de dessin, de peinture ou d'installation, Catherine Burki nous rappelle œuvre après oeuvre que «la terre que (nous foulons) n'est pas une masse inerte et morte» (H.D Thoreau) et contribue à l'élucidation d'une nouvelle écologie.

Née en 1976, Catherine Burki vit et travaille à Marseille, France

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18 mai 2020 1 18 /05 /mai /2020 15:35
Emporter le paysage - Cartons découpés, lumières - Dimensions variables – 2012 – Courtesy l'artiste

Emporter le paysage - Cartons découpés, lumières - Dimensions variables – 2012 – Courtesy l'artiste

Eh bien! Nous arrivons à la fin de la visite "virtuelle de l'exposition "Touriste!", prématurément disparue du fait d'une pandémie mondiale..une première...L'exposition ne rouvrira pas ses portes comme je l'avais appelé de mes voeux...Son rayonnement aura donc été plus que confidentiel..."Heureusement", il reste le catalogue, que l'on peut me demander

Une suite est prévue, où l'on retrouvera pour partie les oeuvres présentées ici ainsi que d'autres oeuvres et d'autres artistes; Cela s'appellera "Le Grand Tour" et sera visible à partir du 7 novembre à H2M , à Bourg-en-Bresse...

En attendant, découvrons ensemble la belle installation de Catherine Bürki, "Emporter le paysage", un très joli titre...

Il reste en outre 2 oeuvres à présenter: une seconde oeuvre de Catherine Burki qui avait été présentée à la salle de spectacle l'Atalante, fermée aussi bien sûr, ainsi que l' oeuvre de Sylvie Kaptur-Gintz, présentée au cinéma Le Concorde, qui 'n'est pas resté plus ouvert. Reste encore l'oeuvre finalement inédite de ZEVS, que j'espère pouvoir présenter en "première mondiale" à H2M cet automne...So long!

TOURISTE! Viste guidée 25  - Emporter le paysage... avec Catherine Burki

Catherine BURKI

Emporter le paysage - Cartons découpés, lumières - Dimensions variables – 2012 – Courtesy l'artiste

 

Avec une économie de moyen, quelques cartons et un peu de lumière, Catherine Burki donne à voir, avec l'installation «Emporter le paysage», l'expression d'une interrogation poétique sur le voyage. Qu'allons- nous chercher dans le voyage et surtout que remportons-nous avec nous ? Dans ces cartons venus du Vietnam, découpés de motifs propices au souvenir d'un voyage exotique, que reste-t-il? L'oeuvre garde ce mystère propre à cet attrait du lointain et matérialise en quelque sorte la dimension intangible du «vécu» ailleurs, de l'expérience exogène, sinon exotique, et d'un autre paysage, devenu mental.

TOURISTE! Viste guidée 25  - Emporter le paysage... avec Catherine Burki

Les deux œuvres composant «Emporter le paysage» sont un peu à part dans le corpus d'oeuvres de Catherine Burki. Avec le dessin comme médium privilégié, son travail s'inspire entre autres du livre de la biologiste américaine Rachel Carson, «Printemps Silencieux», ouvrage qui, il y a plus de cinquante ans, alertait déjà sur ce qui est devenu aujourd'hui une urgence écologique. L' artiste entretient avec la nature une relation faite d'émotions, de retenues, de passions, et de questions, avec une fascination, une attention respectueuse pour le vivant et les formes que prend la vie. Renouer avec la nature, dans tout ce qu'elle est, y compris l'insignifiant, le minuscule, le presque rien, contribuer à une forme de réenchantement du monde, tels sont les desseins de Catherine Burki. Par son incessante et perspicace attention à son milieu, par sa volonté d'en partager la sensibilité, au travers de ses résidences, rencontres et projets collectifs, dans une simplicité de moyens, qu'il s'agisse de dessin, de peinture ou d'installation, Catherine Burki nous rappelle œuvre après oeuvre que «la terre que (nous foulons) n'est pas une masse inerte et morte» (H.D Thoreau) et contribue à l'élucidation d'une nouvelle écologie.

 

Née en 1976, Catherine Burki vit et travaille à Marseille, France

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 15:23
Série Le dernier soleil – Aquarelles sur papier – Dimensions variables – 2016 – 2020 – Courtesy l'artiste

Série Le dernier soleil – Aquarelles sur papier – Dimensions variables – 2016 – 2020 – Courtesy l'artiste

Peut-être passerons nous l'été privés de la vision enchanteresse d'un beau coucher de soleil sur la mer...un été impossible, en quelque sorte.

Avant même la pandémie, l'oeuvre d' Emmanuel Régent pouvait déjà amener à une réflexion sur la "mythologie" esthétique du coucher de soleil, dans l'histoire de l'art mais aussi dans l'histoire de nos vacances réelles ou fantasmées - nos mythologies personnelles-, aux prises avec l'accidentelle et inaccessible beauté de l'essentiel.

TOURISTE! Visite guidée 24 - Emporter le paysage...avec Emmanuel Régent

Emmanuel REGENT

Série Le dernier soleil – Aquarelles sur papier – Dimensions varaibles – 2016 – 2020 – Courtesy l'artiste

Un beau coucher de soleil sur la Méditerranée est probablement un imparable argument pour un touriste en villégiature sur la Côte d'Azur. Emmanuel Régent, lui, vit et travaille face à ce paysage de carte postale, qui, d'éternelle source d'émerveillement, est aussi devenu source d'inspiration et de travail. S'engageant dans la tradition picturaliste de la peinture de motif, comme aurait pu le faire Turner ou un impressionniste, il s'installe face à l'Ouest, sur la terrasse de son atelier dominant la rade de Villefranche-sur-Mer, et durant une heure ou deux, peint de la manière la plus classique qui soit, à l'aquarelle, ses visions du soleil couchant. «Je travaille les teintes du ciel sans aucun détail, sans aucun autre motif ajouté aux variations de la couleur», dit-il. Il se confronte ainsi non seulement à un sujet récurrent dans l'histoire de l'art mais aussi et surtout à l'un des clichés populaires les plus éculés. Peut-on faire autre chose qu'un cliché de carte postale, ou qu'une aquarelle du dimanche, d'un millionième couché de soleil sur la Méditerranée? Dans le même temps, les clichés ont toujours une raison d'être, et il n'y a probablement rien de plus beau que cette vision chaque soir renouvelée. Il faut alors se confronter à l'insaisissable splendeur de ce paysage, de ce perpétuel «dernier soleil» du jour, dont l'essence échappera toujours, impossible.

Vaine tentative, défi perdu d'avance que manifeste le geste de l'artiste qui, le lendemain, choisit la plus belle des aquarelles de la veille et la déchire en morceau, comme un aveu d'échec, de l'artiste lui même, comme de l'art, à restituer l'indicible. « Déchirée », dit l'artiste, « dispersée et jetée au vent telle une lettre d'amour impossible.»

 

TOURISTE! Visite guidée 24 - Emporter le paysage...avec Emmanuel Régent

Cette déchirure, et les fragments qui en résultent peuvent être appréhendés comme «la marque de l'artiste, qui préfère le vide au plein, l'absence à la présence, l'effacement à l'affirmation». (P. Scemama) Connu pour ses impressionnants dessins au feutre noir, au rendu lacunaire (files d’attente, rochers de bord de mer, vestiges archéologiques ou villes en ruines...), faits de milliers de hachures et laissant une large place au blanc et à la réserve, Emmanuel Régent produit une oeuvre dans lequel le retrait prévaut toujours sur sur l'ajout, de ses «Nébuleuses»,, toiles poncées révélant la couleur sous le noir, jusqu'à ces fragments d'épaves -proches formellement de ses aquarelles de soleil- qu'il remonte du fond de la Méditerranée et expose sans y toucher. Dans un processus de révélation, d'apparition, mais aussi d'effacement, d'attente et de manque, son œuvre porte une dimension à la fois romantique et fragile. “J’essaie de construire des échappatoires, d’organiser des fuites, d’ouvrir des sorties par le blanc du papier, de construire des espaces de suppositions, de divagations, d‘égarements…”

Diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2001, Emmanuel Régent est lauréat en 2009 du Prix Découverte des Amis du Palais de Tokyo. Il expose régulièrement en France et à l'étranger.

Né en 1973 à Nice, il vit et travaille entre Villefranche-sur-Mer et Paris.

TOURISTE! Visite guidée 24 - Emporter le paysage...avec Emmanuel Régent

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