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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 00:38
ZEVS - NOIR ECLAIR - De "La Dépêche" à Télérama..on en parle!

La production puis le départ de l'oeuvre en bronze représentant Louis XIV a été un vrai petit évènement, et la presse a relayé notre visite!

http://www.ladepeche.fr/article/2016/08/27/2407494-la-larme-de-bronze-du-roi-soleil.html

http://www.ladepeche.fr/article/2016/08/31/2409151-le-buste-du-roi-soleil-a-quitte-arrien-en-bethmale.html

 

Et puis on parle aussi de Noir Eclair dans Télérama, sélectionnée parmi les 30 expos de la rentrée à voir!

 

http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/zevs-noir-eclair,222442.php

http://www.telerama.fr/sortir/les-30-expositions-a-voir-a-paris-pour-la-rentree-2016,146760.php

 

 

 

 

 

 

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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 21:02

Comme chaque année, le quartier de Saint-Germain des Près devient un des plus grand salon d'Art Premier du monde, à ciel ouvert.

La Galerie Schoffel-De Fabry présente cette année une exposition particulière et exceptionnelle, "Au delà du masque", accompagné d'un ouvrage dont je signe la préface.

Depuis les années 60, la galerie bénéficie d'un rayonnement international, et a contribué à l'élaboration d'importantes collections, aussi bien privées qu'institutionnelles comme la Fondation Dapper, le Musée du Louvre, le Musée du Quai Branly et plus récemment, le Louvre Abu Dhabi. 

 

Rendez-vous du 6 au 11 septembre 2016 pour le Parcours des Mondes et rue Guénégaud, pour la Galerie Schoffel- De Fabry.

 

Masque Kipong - Photographie: Jean-François Chavanne

Masque Kipong - Photographie: Jean-François Chavanne

Présenter des masques peut paraître au premier abord une évidence, tant celui-ci constitue, pour le grand public, le parangon de l'objet d'art premier.
Pourtant, aujourd'hui comme hier, peu d'objets produits de la main de l'homme génèrent un tel degré de fascination, jamais démentie, et même visibles tels que nous les connaissons maintenant, dans l'atmosphère feutrée – dirions-nous "désincarnée""? - des galeries et des musées.
Leur "message", écrivait Claude Levi-Strauss, "reste si violent que l'isolement prophylactique des vitrines ne parvient pas, aujourd'hui encore, à prévenir sa communication (...) Même à présent , il nous faudrait faire effort pour reconnaitre en eux le tronc mort et pour rester sourd à leur voix étouffée." (1) Dans l'ouvrage, essentiel dans le corpus ethnologique de Levi-Strauss, dont est tirée cette phrase, celui-ci s'essaie ici et là à des considérations esthétiques, voire stylistiques, laissant entendre qu'il puisse y avoir, indépendamment ou au-delà de la fonction rituelle et sacrée du masque, une dimension plastique voire, comme on pourrait le dire aujourd'hui du travail d'un artiste contemporain, un "geste plastique", c'est-à-dire, une volonté proprement plastique de l'auteur.
Cette idée d'une qualité d’invention plastique, propre à un auteur, et non à un type social anonyme, n'est pas si ancienne et évidente qu'elle ne méritât plus d'être prise en considération comme une manière originale d'aborder la question du masque.
De la même manière que, transcendé par sa mission, le porteur d'un masque se voit à son tour désincarné, on en oublierait presque qu'il y a, devant le masque, un artisan – un artiste- puis un public et derrière le masque, un homme qui le fait exister, justement dans l'acte de disparaitre sous lui.


C'est sous cet angle que cette proposition d'exposition. Intitulée « Au delà du Masque » cherche à déborder l'appréhension du masque comme cet écran interposé entre deux mondes, matérialisation ou extériorisation des forces présentes, mouvantes et agissantes dans la nature et moyen de manifester ou d'évoquer cette présence. Outil d'anonymat universellement usité, ouvrant à une "métaphysique de la présence", le masque, au delà de sa présence rituelle sensible, opère certes comme un médiateur spirituel mais aussi, peut-être, interhumain.
Ainsi, au travers d'une sélection rigoureuse de masques en provenance d'Afrique, d'Océanie ou encore d'Indonésie, l'exposition se propose de nourrir une réflexion sur cette dialectique peu souvent évoquée, mais puissante symboliquement, des relations entre l'artiste, le masque, et le porteur.


Ce faisant, au delà de la beauté des objets présentés ici, cette volonté d'incarnation ou de "ré"incarnation du masque ouvre à une nouvelle dimension, presque une dimension fictionnelle, une "autre magie" qui célèbrerait le génie humain, par laquelle, soudain, nous apercevrions derrière le masque l'ombre, la trace, d'un homme de chair, de sang et d'histoire, d'un artiste produisant un objet qui bientôt sera porté et dansé par un autre homme.
Il faudra bien alors que le masque, aussi porteur d'une charge mystique soit-il, puisse lui convenir!
Ainsi, ce grand Masque Kuyu, objet d'une très grande rareté (on n'en dénombrerait que trois dont un au Museum für Volkerkunde de Berlin et un autre au musée Dapper, à Paris), témoigne de cette nécessité pratique d'ajustement. Ce très mystérieux casque-heaume en provenance du Nord-Congo, que Charles Ratton acheta à Aristide Courtois, inspire, au-delà de sa grande puissance esthétique, une certaine émotion lorsque l'on constate qu'il a été retravaillé, peut-être plusieurs fois, pour s'adapter à différents danseurs. En effet, explique Anne-Marie Bénézech, spécialiste de la tribu Kuyu (2), ce casque-heaume, objet de pouvoir, pouvait être transmis d’un chef à un autre, des hommes qui, sans doute, ne faisaient tout simplement pas la même taille…


La manière d'aborder cet objet illustre tout à fait ce refus de l'"idéologie de l'anonymat" qui longtemps prévalut dans le monde de l'art primitif, étant désormais acquis que les sculpteurs de ces masques ne manquaient ni de créativité ni de personnalité artistique. Certes, l'objet fabriqué est le produit de la tradition d'un village ou d'une tribu, qui détermine de manière générale les formes et les motifs, mais sa beauté ressort aussi des capacités artistiques propre à l'artiste.
Le très expressif masque Tschokwe présenté ici, par exemple, en figurant Pwo (l'ancêtre féminin), transcende probablement les normes formelles traditionnelles par un esprit et une inspiration qui lui sont propres, offrant à l'objet une intensité, une intériorité uniques.
De même le masque Guere Wobe, donnant à voir un travail exceptionnel de zoomorphie, montre à quel point cette « manière de voir l'homme et le monde » a durablement marqué la vision et l'esthétique de la modernité, marquée par la naissance du cubisme par des artistes – Braque, Picasso-, pour qui nous savons combien l' « art nègre » fut une découverte fondamentale.
Et on a le sentiment, en observant un masque Sepik (Nouvelle-Guinée) ou ce masque Kanak à la facture peu commune et au « regard » particulièrement puissant, qu'une telle expressivité, voire "théâtralité", ne peut s'atteindre par seul souci d'exécution mais requiert aussi une forte volonté d'interprétation. Ces masques, à l'attirance ambigüe, font écho à une pratique de représentation répandue partout, depuis les mascarons de l'art antique, à la fonction apotropaïque , jusqu'au XXe siècle en Europe, et particulièrement en Italie -en témoignent ces masques dits "tordus", que l'on trouvait il y a quelques décennies encore, sur le seuil des maisons calabraises, pour en éloigner les mauvais esprits-. Ici on ne peut résister à imaginer la liberté avec laquelle l'artiste a interprété les traits d'un visage pour en accentuer les expressions, à la manière d'un caricaturiste, et comment il a pu s'approprier les règles d'un art codifié, tout en s'accordant la distance suffisante pour exprimer la force de sa créativité.
Ici encore, observer le revers d'un masqué porté, y apercevoir traces et marques, laissées par le sculpteur à l'intention du porteur, laissées par les porteurs au cours du temps, ne peut que renforcer la conscience de la profonde humanité de son destin.


Dans le même temps, l'artiste qui produit l'objet le fait pour un porteur, qui va animer, au sens propre et figuré le masque. Il se joue donc une sorte de relation triangulaire entre l'artiste, le masque et le porteur, comme si le masque constituait non seulement un objet transitionnel rituel mais aussi relationnel. Cela parait d'autant plus essentiel peut-être que le porteur devra s'abstraire de son identité, et agir, dans le silence de sa propre parole, à l'abri du masque, hors des regards.
Car le masque ne prend-il pas sa pleine signification que lorsqu'il s'anime par le corps de ses porteurs? Telle est peut-être l'essence même du masque, de quelque culture, que de s'incarner spécifiquement pour exprimer sa réelle dimension rituelle. Le grand metteur en scène européen Georgio Strelher (3), spécialiste de Goldoni et qui mit en scène par sept fois son "Arlequin serviteur de deux maîtres" disait ainsi : « Le masque n’accepte pas le concret du geste quotidien – son esprit est rituel », évoquant la fonction par essence du masque. Mais si le masque "est" l'esprit, et non seulement son représentant, s'il est lieu du sacré, il est possible qu'il ne trouve son accomplissement que lorsqu’il est joué, ou ici, dansé. C’est à ce moment-là qu’il se “ réveille ”. Au Japon, on dit que le masque que l’on pose, qui n'est pas porté, est "terasu", “ en sommeil ”(4). Le masque serait donc aussi objet d'incarnation, donnant vie aux mythes en les insérant dans la réalité des vivants, par le biais du danseur, qui, de son côté, sous son costume de fibres ou de feuilles, s'efforce d'aller au-delà de lui même pour produire leur message. Sans doute le porteur prêtant son souffle pour investir et animer le masque est-il doté provisoirement d'une énergie supérieure à la sienne. Présentant un dieu, un ancêtre, un esprit de l'au-delà, il entre dans un état « autre » en s'introduisant dans le masque, il est le support de cet "autre".

 

Dans "La voie des masques" (1), Claude Levi-Strauss écrivait que, pas plus que les mythes, "les masques ne peuvent s'interpréter en eux mêmes, et par eux mêmes, comme des objets séparés." Séparés d'un processus de production, d'une incarnation, d'un jeu, élément d'un ensemble complexe dans lequel les chants, la danse, le masque-costume, la profération, la chorégraphie, la musique et les sons, l'occupation de l'espace...sont indissociables.
De tout cet arrière-fonds mêlant mystique, tradition, histoire, naissent sans doute la sensation de beauté intrinsèque et l'intensité de nos émotions face au masque. Voici aussi probablement pourquoi nous apparait si essentielle l'authenticité de l'objet, la nécessité qu'il eût bien un usage, sacré ou profane, au sein de la communauté dont il est issu, que cette dialectique de l'artiste au masque, du masque à l'esprit, de l'esprit au porteur, eût bien existé.
Et que le masque, témoin passeur de ces liens, poursuivant son oeuvre, nous emporte "au-delà" dans une humaine et commune aventure.

 


(1) Claude Levi-Strauss – La voie des masques – 1975 – Ed.Skira
(2) Auteur de « Lʼart des Kouyou- Mbochi de la République Populaire du Congo" - Paris I Sorbonne, 1989.
(3) Giorgio Strelher (1921-1997) est un des plus importants metteurs en scène et théoricien du théâtre européen du 20ème siècle. A la tête du Piccolo Teatro de Milan durant cinquante ans, il fut spécialiste de Goldoni, de Brecht et de Shakespeare et mit également en scène les plus grands opéras dans les lieux les plus prestigieux du monde.
(4) D'après Erhard Stiefel, in "Rencontre avec Erhard Stiefel et Ariane Mnouchkine" - Entretien réalisé par Béatrice Picon-Vallin, au Théâtre du Soleil, le 29 février 2004.

 

Texte publié dans l'ouvrage "Au delà du masque", septembre 2016 - Disponible à la Galerie Schoffel-Valluet

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 22:55

Une exposition comme "Noir Eclair", dans laquelle la plupart des oeuvres sont créées pour l'exposition, demande de longs mois de préparation, de travail, de discussions, de déplacements, de réunions...

Une épopée en quelques images...

Et pendant ce temps, à Berlin...

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NOIR ECLAIR - ZEVS - Work in progress (4)
Et pendant ce temps, à New-York...

Et pendant ce temps, à New-York...

Et quelque part en Ariège...

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27 août 2016 6 27 /08 /août /2016 12:15

Une exposition comme "Noir Eclair", dans laquelle la plupart des oeuvres sont créées pour l'exposition, demande de longs mois de préparation, de travail, de discussions, de déplacements, de réunions...

Une épopée en quelques images...

Visite et tests chez Traphot, un de nos mécènes et partenaire.

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Cent fois sur la machine remettre l'ouvrage...

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Le sublime bronze de Louis XIV prend forme

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Réunion de préparation avec l'équipe de Beaux-Arts, pour la sortie de l'encart spécial prévu dans le numéro "spécial FIAC"

Réunion de préparation avec l'équipe de Beaux-Arts, pour la sortie de l'encart spécial prévu dans le numéro "spécial FIAC"

Arrivée au Château des "premières oeuvres"!

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On cherche la bonne nuance d'or pour une oeuvre...

On cherche la bonne nuance d'or pour une oeuvre...

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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 17:31
Robe-manteau de la collection été 2008, une de mes pièces fétiches

Robe-manteau de la collection été 2008, une de mes pièces fétiches

Adieu Sonia Rykiel, grande dame du vêtement et de la culture.
Ceux qui me connaissent un peu savent ma tristesse de la disparition de ma créatrice préférée. Mon armoire et mes tiroirs regorgent de ses vêtements, de ses sacs, de ses bijoux...

j'ai aimé ses livres aussi, et l'univers qu'elle avait su créer.

Une femme qui aimait les femmes, toutes les femmes, presque autant qu'elle aimait les hommes!

J'ai aimé son sourire la dernière fois que je l'ai croisée.

J'ai une pensée pour sa fille, Nathalie, à qui j'avais offert un exemplaire du catalogue "A l'ombre d'Eros", en échange de son dernier livre.

En espérant que la marque perdure - sinon, qu'est-ce que je vais acheter?- dans l'esprit de liberté et de sensualité qui a fait sa renommée.

Merci Sonia et bon voyage.

ADIEU SONIA
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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 12:09

Une exposition comme "Noir Eclair", dans laquelle la plupart des oeuvres sont créées pour l'exposition, demande de longs mois de préparation, de travail, de discussions, de déplacements, de réunions...

Une épopée en quelques images...

 

Test pour l'oeuvre "Machination"

Test pour l'oeuvre "Machination"

Amine Bouziane en profite pour tourner quelques images pour le futur documentaire

Amine Bouziane en profite pour tourner quelques images pour le futur documentaire

Exhumation à la Galerie Patricia Dorfmann d'une oeuvre iconique de l'artiste: la valise du "Kidnapping visuel", qu'il faudra restaurer

Exhumation à la Galerie Patricia Dorfmann d'une oeuvre iconique de l'artiste: la valise du "Kidnapping visuel", qu'il faudra restaurer

Et l'otage est toujours là!

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Les ateliers de moulage de la RMN sont fascinants!

Les ateliers de moulage de la RMN sont fascinants!

çà tourne!

çà tourne!

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23 août 2016 2 23 /08 /août /2016 12:00

Une exposition comme "Noir Eclair", dans laquelle la plupart des oeuvres sont créées pour l'exposition, demande de longs mois de préparation, de travail, de discussions, de déplacements, de réunions...

Une épopée en quelques images...

Première visite à la fonderie qui réalisera le bronze de Louis XIV liquidé, en Ariège

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Premiers tests pour la réalisation des fresques sur le glacis des douves, en "graffiti propre"

Premiers tests pour la réalisation des fresques sur le glacis des douves, en "graffiti propre"

NOIR ECLAIR - ZEVS - Work in progress (1)
Première visite au Four Solaire d'Odeillo, Font-Romeu, vaillants, artiste et co-commissaire..sous la neige!

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Visite à l'atelier de moulage de la RMN-Grand Palais, partenaires de l'exposition

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Stéphane Chatry, mon co-commissaire, à la rechercher des tourets idéaux pour l'oeuvre monumentale en extérieur

Stéphane Chatry, mon co-commissaire, à la rechercher des tourets idéaux pour l'oeuvre monumentale en extérieur

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19 août 2016 5 19 /08 /août /2016 21:42
NOIR ECLAIR - ZEVS: le site!

Le site dédié à l'exposition est en ligne!

http://www.zevs-noireclair.fr

Bonne visite!

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17 avril 2016 7 17 /04 /avril /2016 19:38
"SPLASH!" - Yassine BALBZIOUI à la Galerie Shart, Casablanca
"SPLASH!" - Yassine BALBZIOUI à la Galerie Shart, Casablanca

Splash! L'onomatopée, suggérant le jaillissement autant que l'éclaboussure, qui sert de titre à la troisième exposition personnelle de Yassine Balbzioui à la galerie Shart sonne comme le signal d'une plongée dans un univers hors norme, au coeur d'une peinture "jetée à la face du public"(1) à l'énergie fauve perceptible. Convoquant tour à tour la fiction, l'image cinématographique, l'absurde et l'insolite, quelque chose de mystérieux et d'enfantin parfois, la puissance vitale de cette peinture ne se dément jamais.
Loin des piscines bleues placides de David Hockney, les oeuvres de Yassine Balbzioui promettent d'être de bien plus "bigger splashes", et bien qu'éloignées aussi de l'abstraction de l'action painting, les toiles de Yassine Balbzioui se manifestent, à leur manière, comme autant d'arènes dans lesquelles il agit et se débat, pour reprendre le mot de Harold Rosemberg.(2) "Summer splash", justement, une série de quatre oeuvres, nous donne d'emblée quelques pistes: il s'agit de scènes de plage, vues sous un angle subjectif, comme de l'oeil d'un estivant sur le sable, apparaissant tels des splashes de peinture sur fond noir, ou à l'inverse comme si on avait essuyé grossièrement une surface couverte de peinture noire...Manière d'affirmer, peut-être, que c'est la peinture qui fait advenir l'image, que d'elle surgit la couleur et la vie, et le monde, y compris dans sa banalité, recelant toujours suffisamment de bizarre, si on l'observe assez longtemps, pour retenir l'attention. La peinture, semble ainsi dire Yassine Balbzioui sort de l'obscurité un double monde , le monde de la toile et de la représentation, et le monde réel. A l'instar de ses "summer splash" le peintre semble opérer comme un renversement des profondeurs, des hiérarchies des surfaces. Et au fond, c'est bien de cela qu'il s'agit dans l'oeuvre de Yassine Balbzioui: un monde renversé, pas tant finalement "sens dessus dessous" qu' un monde vu sous un autre prisme, comme saisi de derrière un miroir sans tain, pas très loin de celui d'Alice et d'un univers carrollien.(3)


Dans l'oeuvre de Balbzioui, dans laquelle cohabite poésie et non sens, l'exploration d'un envers possible, d'une doublure du monde et des êtres, eux-mêmes dans cette hybridation aux confins de l'humain et de la bête, met à jour l'étrangeté au coeur même d'un monde simple et a priori ordinaire, quelque chose de cette rupture toujours possible, de ce basculement hors de la rationalité rassurante de la vie quotidienne: le Unheimlich freudien, c'est -à dire quelque chose de dérangeant, de décalé, d'intranquille voire d'inquiétant, bien que familier.(4) L'imagination de Yassine Balbzioui s'entend particulièrement bien à saisir dans la simplicité apparente de son environnement quotidien, des scènes qui, en devenant tableaux, dévoileront leur indicible Unheimlich. « Rien autant que le banal ne peut être le support pour l’insolite» écrivait le poète Henri Michaux.(5)


Insolites donc, et souvent déconcertantes, les peinturesde Yassine Balbzioui s'inscrivent clairement dans un processus de fiction, de dramatisation presque cinématographique: certaines pourraient être une image isolée sortie d'un story-board, ou le still d'une scène dont nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants. Ceci offre une grande liberté de champ d'interprétation, dans lequel "chacun peut se faire son film". Il y a depuis toujours, chez l'artiste, une volonté clairement affichée de limiter les indices d'appréhension de son oeuvre, autant par inclination pour le non sens que pour libérer de toute entrave trop conceptuelle l'expérience sensible du spectateur.
Ce déficit volontaire d'indices explique sans doute pourquoi il est si périlleux d'analyser l'oeuvre de Yassine Balbzioui et combien celle-ci semble résister, finalement, aux catégories.

On peut toujours s'appuyer sur sa forte dimension expérimentale, non pas au sens conceptuel du terme mais d'une manière plus sensible, comme s'il avançait dans le monde, par touches, essais, fictions nourries de visions fugitives, images dont le sens n'est pas clairement dessiné et saisi...quelque chose de l'ordre de l'indéterminé, du flou, du pas fini, de l'indécis, de l'inachevé, d'un monde décentré, excentrique au sens propre avant que de l'être au figuré. Ses personnages, dont l'artiste lui même, qui n'hésite jamais à se mettre en scène, semblent se débattre avec les éléments, avec l'impossible, le physiquement impossible, et cela relève sans doute davantage de cette appréhension du monde à tâtons, dont le burlesque est l'expression, que d'une tentative conceptuelle, et moins d'un genre de body art cruel que d'une manière d'expérimenter le monde comme si c'était la première fois, avec une sorte de simplicité quasi enfantine, d'innocence, de spontanéité, de naïveté, ou plus exactement, comme si Yassine Balbzioui, s'efforçait à revenir à une naïveté primitive: un véritable travail...

Cette attitude ne va pas sans une claire inclination pour l'absurde et le non sens, éléments véritablement génétiques de son oeuvre, que l'on trouve cette fois de la manière la plus évidente dans l'ensemble de vidéos présentées ici.
Dans cette série de "vidéos-miniatures", inspirées des Fables de Bidpaï du "Panchatantra" (6), découvert lors d'un récente résidence en Inde - fables connues dans le monde arabe sous le nom de Livre de Kalila et Dimna –, il se livre à une série d'actions plus ou moins cohérentes, censées illustrer l'épopée iniatique des deux héros animaliers. "L'obsession du chacal", titre de l'oeuvre, tient à la fois de la performance et de la pantomime, du burlesque et de la mascarade, de la fatrasie médiévale et de Fluxus. Ce mouvement, né notamment en France dans les années 60, refusait lui aussi de se soumettre à quelque définition, cultivant un rapport à la fois immédiat et distancié à la vie et à l'art. Et l'on trouve chez Yassine Balbzioui, comme chez Fluxus, ce décalage contre l'esprit de sérieux et le pontifiant, l'absence de morale contre toute conclusion, et certaines de ses performances n'auraient pas dépareillé avec les actions que Ben mena lors du Fluxus Festival of Total Art, en 1963, comme « faire du vélo dans les airs en hurlant » - point-.

Dans son ouvrage Archéologie du présent. Manifeste pour une esthétique cynique (7), le philosophe Michel Onfray construit l'hypothèse d'un art contemporain se développant, après Marcel Duchamp, de manière cynique, non au sens usuel, et amer, du terme mais en référence avec le "geste cynique", celui de l'antique Diogène de Sinope qui, en agissant à l'envers des manières habituelles (8), aurait auguré d'une attitude artistique contemporaine aujourd'hui très soutenue: action performative, retournement, détournement, décalage, réhabilitation des matières viles, et toute une gamme de procédés relevant de l'"idiotie"(9)... Or, depuis Diogène, jusqu'à Dada, Duchamp, Fluxus et d'autres encore, nous le savons, ce cynisme est une sagesse, une manière d'imposer dans l'espace public une transgression, une transvaluation, d'échapper à l'autorité, de filer entre les mailles d'un discours par trop réducteur, une sagesse de la liberté, donc, tournée vers le grand large, à laquelle souscrit définitivement Yassine Balbzioui.

 

(1) Selon une phrase lancée dans le public du Troisième salon de l'automne au Grand Palais, à Paris, en 1905,
pour qualifier la nouvelle peinture que le critique d'art Louis Vauxcelles appelera « peinture de fauve », d'où le
« fauvisme ».

(2) Harold Roseberg – The Tradition of the New - 1959
(3) Nous faisons ici allusion à l'univers développé par Lewis Carroll dans le roman Through the Looking-Glass, and What Alice Found There, ( “De l'autre côté du miroir”), 1871
(4) Sigmund Freud Essais de psychanalyse appliquée. Collection idées nrf. Editions Gallimard. Traduction Marie
Bonaparte. L'inquiétante étrangeté p163 à 210.
(5) Henri Michaux – En rêvant à partir de peintures énigmatiques – Ed, Fata Morgana, 1972
(6) Texte le plus diffusé après la Bible, le Pañcatantra, oeuvre indienne anonyme, est un art de gouverner à l'usage du prince. Les préceptes sont illustrés par des fables qui mettent en scène tout un bestiaire parlant à
comportement humain.
(7) Michel Onfray - Archéologie du présent. Manifeste pour une esthétique cynique, Ed. Grasset et Adam Biro,
2003
(8) Diogène de Sinope, philosophe grec père de l'école cynique vers -V AVJC, qui dormait dans une jarre (et non dans un tonneau), pouvait, par exemple, sortir d'un théâtre en marche arrière, traîner un hareng derrière soi, ou tenir en laisse un coq plumé, se masturber sur la place publique, manger du poulpe cru ou se promener lanterne à la main en plein jour...
(9) Jean-Yves Jouannais - L'Idiotie. Art. vie. politique - méthode, éditions Beaux-arts Magazine livres, 2003

 

Texte publié dans le catalogue de l'exposition, Avril - Mai 2016

"SPLASH!" - Yassine BALBZIOUI à la Galerie Shart, Casablanca
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1 avril 2016 5 01 /04 /avril /2016 15:14

Artiste franco-marocaine née à Erfoud, Majida Khattari s'est fait connaître internationalement, depuis 1996, grâce à ses « défilés-performances » dramaturgiques dans lesquels ses vêtements-sculptures- manifestes exprimaient l’aliénation des femmes entravées par les burqa, hijab et autres niqab. Majida Khattari fonde ainsi son travail sur une dialectique du visible et de l’invisible, de la présence et de l’absence, de l’interdit et du désir, et sur la dimension profondément politique du corps de la femme.

Luxe des étoffes, soies damassées et organzas, matières précieuses, raffinement des motifs floraux et des dentelles, extrême souci du détail et de la mise en scène, volupté  de jeunes femmes alanguies, dont on devine les corps sous les drapés et les voiles : tout concourt à développer une atmosphère sensuelle et finalement retenue, car à la manière des moucharabieh, les étoffes et les voiles se posent comme un écran et imposent une distance entre les corps dénudés et notre regard.

La dimension délibérément esthétique des photographies de Majida Khattari ne doit cependant pas éluder le caractère critique de son œuvre. Ce choix de la beauté est pour elle un enjeu essentiel, une stratégie, un piège visuel en même temps qu’une arme discursive. Ainsi, le recours aux étoffes les plus luxueuses ne se clôture pas à sa seule fin esthétique. Par elles, l'artiste rappelle combien les échanges entre Orient et Occident s'enracinent dans l'Histoire – au travers, ici notamment, du commerce textile depuis le Moyen-Age- mais aussi que durant des siècles, Damas, Bagdad, Mossoul ou Gaza évoquèrent bien davantage la luxuriance des soieries qui y étaient produites que la dictature, la guerre ou le terrorisme.

 

Depuis plusieurs années, l'artiste, au travers de son travail photographique, explore l'histoire de la peinture, et en particulier de l'orientalisme, cette fascination occidentale pour l’exotisme supposé de ces contrées nouvelles et lointaines, pour le fantasme de sensualité débridée qu’il distille -images de harems peuplés d’odalisques lascives, atmosphères d’oisiveté hédoniste- qui excitèrent les imaginaires romantiques des peintres, des poètes et des écrivains des siècles derniers. Elle pointe ainsi une certaine vision de l’Orient, déconstruite et relue politiquement par Edward Saïd, dont elle partage l'analyse. Car le « post-orientalisme » des photographies de Majida Khattari, inspiré de Delacroix ou de Gérôme, ne relève ni de la citation picturale, ni de l’exercice de style mais bien plutôt d’une tentative de retournement du regard occidental sur l’Orient : hier fascination romantique pour la «splendeur orientale» et ses promesses de volupté, pour reprendre le mot de Baudelaire, il se nourrit aujourd’hui d’un fantasme de violence et se fait synonyme de danger extrémiste et de terreur. Ici, imposant une autre vision, Majida Khattari fait se renvoyer dos à dos les préjugés occidentaux sur l’Orient en en mettant en lumière les paradoxes historiques.

 

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