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7 octobre 2015 3 07 /10 /octobre /2015 18:17
GRAFFITI: Peintres et Vandales, un documentaire de Amine Bouziane

Diffusé cette semaine sur France 4 (puis sur TV5 Monde), cet intéressant documentaire signé Amine Bouziane, une approche des réalités contrastées des mondes du graffit et du street art, est encore visible en replay durant 6 jours ici:

 

http://pluzz.francetv.fr/videos/graffiti_peintres_et_vandales_,129000565.html

 

On y voit, entre autres, des actions et une conversation avec ZEVS.

 

Intéressant aussi, cet entretien avec Amine Bouziane:

 

http://thegrifters.org/graffiti-peintres-et-vandales-entretien-avec-amine-bouziane/

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29 septembre 2015 2 29 /09 /septembre /2015 12:09
Nikki spinning, NYC, 2007- Cibachrome marouflé sur Dibond – 69,5 x 101, 6 – 2007 – Courtesy Galerie Guy Bärtschi, Genève – N° Inv. GB04646

Nikki spinning, NYC, 2007- Cibachrome marouflé sur Dibond – 69,5 x 101, 6 – 2007 – Courtesy Galerie Guy Bärtschi, Genève – N° Inv. GB04646

«Pour moi, la photographie est le contraire du détachement.

C'est une façon de toucher l'autre: c'est une caresse»

Nan Goldin

 

Cette photographie pourrait étonner ceux qui ne connaissent de l'oeuvre de Nan Goldin que l'exploration des milieux nocturnes et de la contre-culture depuis la fin des années 70.

Pourtant, depuis 25 ans, la photographe américaine n'a eu de cesse de photographier les enfants de sa famille, de ses amis. Cette joyeuse Nikki spinning (Nikki tournoyant) fait ainsi partie d'un ouvrage, Eden and After, paru récemment* et rassemblant 300 clichés de l'enfance, de la naissance à l'adolescence, réalisés entre 1977 et 2013. «Les enfants», dit Nan Goldin «viennent d'une autre planète, ils savent des choses que nous ignorons.»**Dans ces images, elle s'attache à montrer l'expression de leurs émotions les plus profondes, de la colère à la joie, de la tristesse à la surprise, cherchant à saisir «ce côté sauvage qui existe chez les enfants et qui est détruit quand ils grandissent."**Eden and After renvoie, selon elle, à ce paradis perdu que chacun garde en secret, à une liberté qui s'évanouit avec l'âge adulte. «L’enfant est un sauvage. Mais je n’associe pas la sauvagerie à la violence. Ici, on parle de liberté. » La spontanéité, l'absence de censure des enfants lui font penser à celle des drag queens qu'elle a si souvent photographié. «Les enfants sont comme les drag-queens, ils n’imitent pas, ils sont. Entre 18 et 21 ans, à Boston, j’ai vécu avec des drag-queens. Ils avaient leur propre identité et je ne les ai jamais perçus comme des hommes habillés en femmes. C’est très important de vivre dans les zones grises, dans cet entre-deux… Là est le vrai courage. Et les enfants l’ont instinctivement.»***

 

"J’ai commencé à prendre des photos à cause du suicide de ma soeur. Je l’ai perdue et je suis devenue obsédée par l’idée de ne plus jamais perdre le souvenir de personne.». En 1968, Nan Goldin a 15 ans et dans l'école de Boston qu'elle fréquente, elle découvre la photographie qui dit-elle, l'a sauvée."Pour moi, qui ne parlais plus depuis des années, cet appareil a permis de nouer des liens avec les gens, de m'exprimer." Puis, elle entre à l’école des beaux-arts de Boston et commence à côtoyer le milieu des travestis, de l'underground, de la nuit, dans lequel elle vivre durant de nombreuses années. Les photographies de sa "tribu" (amis, artistes, amants...)sont révélatrices de l'intimité de ses modèles, témoins de leur solitude et de leur fragilité, avec une puissance éotionnelle et visuelle intense et sensuelle. « Ce qui m’intéressait le plus c’était de photographier le comportement physique des gens, leur sexualité".Pendant 16 ans, jusqu'en 1985, elle va ainsi travailler à son oeuvre phare, The Ballad of Sexual Dependency, constituée de plus de 800 diapositives, qui la rendra célèbre. De cette tribu des années 80, à New-York, la plupart a été emportée par la drogue ou le sida et Nan Goldin, qui aura accompagné ses amis dans la maladie et jusqu'à la mort, se voit comme une survivante de cette époque.

En 2001, son oeuvre fait l'objet d'une rétrospective au Centre Pompidou et en 2014, elle subjugue le public parisien avec  l'exposition Soeurs, saintes et sybilles, présentée à la chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, et qui revisite l'histoire de sa soeur Barbara, suicidée à 18 ans.

A l'instar de Diane Arbus, Nan Goldin est devenue une des photographes incontournables du 20ème siècle.

 

* Eden and After - Nan Goldin, Guido Costa – Ed. Phaïdon, 2014

**Interview au Guardian, 2014

***Entretien avec Clément Ghys et Brigitte ollier, Libération, Avril 2014

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28 septembre 2015 1 28 /09 /septembre /2015 15:52
Dirk and Phyllis – Photograp C-Print – 120 x 95 – 2008  Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing, Paris

Dirk and Phyllis – Photograp C-Print – 120 x 95 – 2008 Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing, Paris

Dirk and Phyllis – Photograp C-Print – 120 x 95 – 2008

Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing, Paris

 

Dirk and Phyllis, enlacés, figurent l'amour et la tendresse du couple, dans une atmosphère d'étrangeté indissociable du trouble qu'inspire toute relation, tout don de soi à l'autre.

« Parcourir les photographies de l’artiste suédoise Susanna Hesselberg, c’est entrer dans un monde fait d’ambivalences et d’inquiétante étrangeté. A travers son œuvre, nous pénétrons un univers hybride, où l’être humain est au centre de l’épreuve pathétique de notre regard. Toujours mis en scène dans des positions incongrues et étranges, l’être que nous présente Susanna Hesselberg semble toujours jouer sur la limite. Limite entre le naturel et le singulier, entre le poétique et le monstrueux, le miracle et la fatalité, ou encore la liberté et l’enfermement. Toutes ces thématiques révèlent la complexité de l’existence humaine »*

 

Norvégienne, Susanna Hesselberg est née à Uppsala en 1967 et vit et travaille à Malmö, en Suède. Ses photographies, minutieusement théâtralisées, construisent des scènes où se mêlent humour et absurde, dans lesquelles l'homme se retrouve souvent en prise avec la nature et l'ordre des choses, et amènent le spectateur à faire avec l'artiste un pas de côté, hors du réel ordinaire. Produisant peu, elle élabore son œuvre avec lenteur, "offrant à chaque pièce un temps d’élaboration plus proche de la littérature que de la photographie."**

*D'après un texte de Flora Katz

** D'après un texte de François Bernard

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18 septembre 2015 5 18 /09 /septembre /2015 20:56
"L'auberge" - Estelle LAGARDE- Le livre

Dans les années 50, à Saint-Yrieix-le -Déjalat, village au cœur de la Corrèze, sur le plateau de Millevaches, il y avait cinq cents habitants, et une auberge, un bar-hôtel-restaurant familial, que les propriétaires rénovèrent peu après son acquisition, au lendemain de la guerre. Aujourd'hui, l'auberge a fermé ses portes aux clients, seuls les héritiers s'y retrouvent parfois, le temps d'une fête familiale, faisant revivre pour quelques heures le bar en zinc, les tables en bois sombre, et les papiers peints d'époque, surannés mais à peine défraîchis, les mêmes qu'en 1951.

 

Liée par des souvenirs d'enfance à ce lieu atypique, Estelle Lagarde y a posé son objectif, convié des personnages, à jouer, ou à rejouer, pour nous et avec nous, l'histoire rêvée de cette auberge, portrait d'un aspect de la France qui n'existe plus, celle des voyageurs en pension et des familles en vacances, mélange joyeux et nostalgique d'une certaine douceur de vivre et d'une époque sans doute révolue.

Car d'emblée il règne dans cette série photographique une atmosphère particulière, une certaine vision d'une vie « d'avant ». On est transporté par le charme désuet des lieux, par cette ambiance populaire d'une France d'après-guerre, cherchant à profiter enfin des congés payés, tentant de revivre après les drames, et affleure une nostalgie, peut-être fantasmée, de ces années 50 où l'espoir était à nouveau permis, et la modernité balbutiante.

 

Pour la première fois sans doute, Estelle Lagarde a ici opté pour une certaine fraîcheur, une légèreté, qui lui est inhabituelle. Et les textes qui accompagnent les images, bien que laissant toute possibilité narrative ou fictionnelle aux photographies, ouvrent à une poésie gouailleuse et décalée, et nourrissent la fantaisie de ce projet photographique, dont l'humour flirte parfois avec l'absurde.

Tout cela, cette liberté de ton, comme délesté, semble nouveau dans le travail d'Estelle Lagarde, dont on a connu des travaux plus sombres et plus inquiets. Cependant, il ne s'agit pas d'une simple variation, ou d'un revers, d'un retournement, car on y retrouve assurément son vocabulaire formel et une correspondance certaine avec ses séries précédentes. Et une réflexion, plus subtile encore, sur la question essentielle de la temporalité.

Parmi les éléments récurrents dans son œuvre : le choix d'un lieu à l'abondon - ici cet hôtel-restaurant resté « dans son jus », avec ses papiers peints et ses nappes à fleurs-, une dramaturgie précise des images, habitées par d'étranges et fantomatiques présences, absentes, comme des songes ou des ombres, des traces, des souffles...Car il y a toujours chez Estelle Lagarde, même sous les dehors les plus légers, comme ici, quelque chose de fragile et d'intranquille, et les images de « L'auberge » ne dérogent pas à cette nécessité intérieure, fil conducteur de toute son œuvre, cette conscience aigue du temps qui passe et de la disparition.

Oui, la mort rôde toujours, celle de ceux qui un jour passèrent par là, y burent, mangèrent et dormirent, aimèrent maris, femmes et enfants...que sont-ils devenus ? On entendrait presque, comme un écho lointain, aussi attendrissants que mélancoliques, les cris et les rires, l'orchestre d'un mariage célébré ici, tous évanouis dans les limbes de l'irréversible et des étés perdus. On se prend à se remémorer au fil des images « les rencontres sans lendemain et toutes les premières-dernières fois perdues dont notre route est semée. »*. Car qu'est-ce que la nostalgie sinon la conscience de quelque chose d'autre, d'un ailleurs, d'un contraste entre passé et présent ? Et cette nostalgie n'est-elle pas provoquée essentiellement par l'irréversibilité du temps, le flux insaisissable de la temporalité? « Un voyageur peut toujours revenir sur ses pas. Mais sur l'axe du temps, il n'y a pas de retour en arrière. Ce qui est perdu l'est à tout jamais »* L'objet de la nostalgie, ce n'est pas tel ou tel passé, mais le fait même du passé, dont la relation avec la conscience d'aujourd'hui, justifie que le charme inexprimable des choses révolues ait un sens.*

Pourtant, de même que l'Ulysse déçu de son retour à Ithaque, décrit par Jankelevitch, inutile d'espérer trouver ici quelque chose d'une véritable et authentique histoire (res)sortie du passé. Le voyage dans le temps est un impossible voyage. Estelle Lagarde l'a compris, contournant l'écueil de la reconstitution, de l'évocation passéiste. Ses mises en scène offrent sans détour ce « décalage » qui dit : rien ne pourrait jamais être semblable à ce qui fût, aussi, voici autre chose, une autre histoire...Personne, pas même ceux qui y vécurent, ne revient à l'auberge de Saint-Yrieix-le -Déjalat, et ne retrouve ici les images de ce passé. Estelle Lagarde construit bien autre chose, une fantasmagorie de la nostalgie : telle est la force de cette série qui affirme, paradoxalement, que rien n'est « déjà-là ».

Alors Estelle Lagarde peut-elle se saisir pleinement de la liberté de la fable, jouer du fantastique et de l'onirique, écrire un poème ou un conte de fée parfois réjouissant, parfois angoissant, et la présence menaçante ou déjà trépassée des animaux – corbeaux noirs et autres gallinacées- renforce cet affleurement permanent de l'éphémère et de la mort.

 

Cette allusion à la mort se tient aussi probablement dans la substantielle présence de la nourriture qui ponctue les images, ainsi de l'impressionnante « Venus barbaque », sorte d'autoportrait vorace et étonnant. C'est que le point de départ du projet de « L'auberge » était intimement lié à une réflexion sur la nourriture, au rapport que nous entretenons avec elle. Or quel lieu plus évident qu'une auberge, dont la dimension triviale est le principe même, dès son apparition au Moyen Age ? Car à l'auberge depuis toujours, on vient pour satisfaire les besoins les plus primaires, manger, boire, dormir...d'où cette espèce de sensualité presque rabelaisienne, qui ressort de ce travail, tant par les images, faisant la part belle à cette dimension prosaïque de la nourriture, que dans les textes accompagnant les images, les jeux de mots, et l'utilisation d'expressions populaires prises poétiquement «Tu me saoûles» ou encore « Je vais te manger », prononcé par une mère amoureuse à son bébé, posé sur la table dans une marmite !...

Et justement, cette sorte de voracité, ce lien charnel et organique, au corps et à ce qui le nourrit s'inscrit tout autant sinon davantage comme une apologie de la vie, de ce qui tient en vie mais aussi de ce qui relie. Car la question de la nourriture, au delà de sa dimension organique, fonctionne, et l'auberge là encore, dans son histoire, le confirme, comme lien social (la salle à manger, le bar), familial (le repas de famille), évoquant le couple, l'enfance, la domesticité...qui peut n'être pas exempt des petites misères de la vie conjugale, comme en attestent par exemple le vieux couple des « Botanistes », celui des « Improbables », les « Tapettes » ou encore la pièce montée déjà en péril de « La cerise sur le gâteau ».

« L'auberge » excite ainsi tout un imaginaire fertile autour de l'hôtel, des histoires qui s'y vivent, des voyageurs qui s'y croisent, entrelacant ainsi leurs destinées, puis disparaissent, incarnant le lieu idéal pour matérialiser ce souci de l'histoire et du vécu. Car il y a peu de lieux aussi chargés que ces chambres où dormirent tant de personnes, lieu de passage, abri transitoire, théâtre de drames et de joies, espace anonyme**, que cette salle à manger dont les murs portent fantasmatiquement l'empreinte invisible des fêtes, mariages et anniversaires qui s'y déroulèrent, que le bar où s'accoudèrent tant de gens venus noyer leurs soucis et leurs chagrins, ou rire, ensemble, à la croisée de l'intime et du collectif...Toutes ces vies mêlées, perdues, effacées, ce concentré du monde, cette comédie humaine oscillant perpétuellement entre l'évidence du drame et l'éphémère plénitude d'un moment de grâce.

 

* Vladimir Jankélévitch, L'Irréversible et la Nostalgie, Éd. Flammarion, 1983

** d'après Nathalie H. de Saint Phalle, Hôtels littéraires, Ed. Quai Voltaire, 1991

 

Texte pubié dans l'ouvrage"L'auberge" d'Estelle Lagarde - Exposition itinérante en 2015 et 2016

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10 septembre 2015 4 10 /09 /septembre /2015 20:49
"Time of Fury"- Ilias SELFATI à la Galerie Shart, Casablanca

« L'ère du sublime »

 

 

« (…)

L’anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l’innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises.

(...) »

W.B. Yeats – The Second Coming (1919)

(Traduction Yves Bonnefoy)


 

« Time of fury », exposition monographique d'Ilias Selfati, se présente comme une sorte de rétrospective de son travail depuis un peu plus de cinq années. Se déclinant en trois lieux de la ville, elle montre des oeuvres récentes, complétées par des rappels d'oeuvres remontant jusqu'en 2009.

Il faudra donc se déplacer, déambuler d'un lieu à l'autre pour saisir un panorama du travail de l'artiste tangérois, qui, au cœur de sa ville, donne ainsi à regarder son art, non comme une monade, enfermé dans les murs de la galerie, mais d'une certaine manière, physiquement, ouvert, reconnecté avec la réalité du monde, de la ville telle qu'elle est aujourd'hui.

Dans cet ensemble d'oeuvres, présenté à la Galerie Mohamed Drissi, à la Galerie Dar d'Art mais aussi au Musée de la Kasbah, on retrouve les techniques et médiums récurrents dans le corpus de l'artiste - l'encre noir, sur carton, papier, élargis à une pluralité de techniques et de supports : acrylique, fusain, peinture à l'huile ou pastel, sur papier encore mais aussi, plus étonnant, sur textile, tissu d'origine militaire, entrant en résonance avec le sujet de ses œuvres. En outre, ici, la couleur est introduite de manière d'autant plus inattendue que le contexte sémantique se dessine plus sombrement que jamais. Ilias Selfati est connu pour son art du noir, sa manière de traiter motifs et formes dans une palette minimale -noir et gris, noir et blanc, noir et or...- ou encore, dans ses motifs floraux, pour l'usage modéré de leur vivacité. Pourtant, malgré un choix chromatique pour la première fois plus contrasté, les sujets abordés n'ont jamais été aussi graves, et le moment plus délicat que ce temps de fureur dont l'artiste tente de dessiner les formes.


 

En 2009, avec l'exposition « Funérailles de guerre », Ilias Selfati avait montré ses premières oeuvres liées à l'actualité, et la prégnance de la mort. Dès lors, il a peu à peu abandonné la représentation de la nature, animale et végétale, à laquelle il s'est cependant consacré plusieurs années. Il y avait probablement dans cet attachement l'expression d'une certaine utopie, à la fois celle d'une « liberté primitive », sauvage sans intention, sauvagerie domptée par ailleurs lorsque l'animal devient compagnon humain (le cheval qu'il a souvent représenté), et celle d'une nature comme principe de permanence, s'opposant en quelque sorte au flux incertain, au chaos, dans sa violence et son impermanence, de la société humaine et du monde que nous avons construit. Les présentant parfois ensemble (1), comme les deux faces possibles d'un même monde, il s'est concentré sur un traitement plastique quasi minimal de l'image d'actualité, tentant là encore d'en extraire une sorte de permanence, d'essentialité. Etait-ce l'intention de dire l'invariable évidence de la violence dans l'histoire humaine, une manière de s'extirper du vortex d'images médiatiques dans lequel nous sommes aspirés quotidiennement, pour s'efforcer de n'en retenir à chaque fois que l'essentiel, ou pour en refuser le caractère éphémère ? Il semble qu'il y ait chez Selfati cette volonté claire d'inscrire sa démarche dans le temps, dans la transversalité des temps, dans une forme d'historicité, psychologique -une manière d'être dans le monde- ontologique – une manière réflexive de s'engager dans la temporalité – historique -une manière de dire quelque chose de son temps. Ainsi, à l'instar de Goya en son époque, il s'agit quoiqu'il en soit de déployer son vocabulaire plastique dans la contemporanéité, d'écrire et de décrire, à sa manière, ses propres désastres de la guerre. Dans ces dessins et peintures sans euphémismes, renforcés pafois de prolongements cryptographiques ou verbaux, Ilias Selfati ouvre davantage encore cet « espace silencieux » qui existe entre les mots et autour d'eux, dans les images, et qui prononce pour lui sa parole en ces signes.(2)

Rien n'occulte donc plus désormais la nature politique du travail de l'artiste, quoiqu'il en soit de sa force esthétique et du renouvellement de son expression.


 

Et le temps qu'il décrit est un temps de la fureur, de la colère, et du déchainement, de l'absurde aussi, peut-être. Celui de la guerre, celui du terrorisme, celui des armes devenus banales marchandises, des avions qui se crashent, de la détresse, des larmes, et des cris, et de la mort. Un temps contre lequel la tentation est grande de penser vaine la rébellion, et notre propre colère. Un temps dans lequel l'idée de progrès chère aux Lumières se voit pulvérisée par la décomposition des idéaux et le désenchantement du monde, conséquence du triomphe prédit par Marx ou Weber et désormais incontestable de la raison instrumentale (autrement dit, l'économie), et qui aura mis à nu le caractère ambigu des valeurs morales ou au moins humanistes. « L'homme contemporain — qu'on l'appelle moderne ou postmoderne — vit à la fois le retrait des dieux et le déchirement des valeurs. Or c'est un fait que l'homme supporte mal cette double blessure", écrit le philosophe Paul Ricoeur(3).Difficile alors d'espérer encore conjurer les forces mortifères de ce continent obscur qu'est la nature humaine, si, comme Selfati semble l'appréhender, dans la translation de ses réprésentations, la véritable sauvagerie n'est peut-être pas tant dans la nature naturelle que dans les rhyzomes les plus intimes du coeur humain. Car il n'est rien de plus humain que la possibilité de l'abjection, expression du mal radical, à la hauteur de notre liberté.

Un temps du paroxysme, celui de la violence et la guerre comme le paradoxal antidote à notre finitude, idée développée ily a longtemps déjà par Pascal, et dont tous nous avons l'intuition la plus profonde. Chacun sait la présence, aussi certaine qu'absente, de la mort, cet indépassable horizon qu'on ne peut ni éviter ni abolir, ni même "regarder en face", et contre laquelle chacun, vainement, et parfois par le choix de la plus folle violence, se débat avec l'énergie du désespoir, sans jamais pouvoir se soustraire à son destin funeste. Ces hommes armés, que dessine Ilias Selfati, silhouettes menaçantes sorties des Unes du jour, ne font jamais que produire un surplus d'absurdité, "pauvre(s) acteur(s), qui se pavane(nt) et s'agite(nt) une heure sur la scène et qu'ensuite on n'entend plus" dans une histoire, "pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien."(4)


 

Alors la fureur, quelle fureur? La nôtre ou celle de quelque dieu étendant son pouvoir coercitif sur cette humanité rebelle? On peut s'étonner de voir partout dans les oeuvres récentes des silhouettes en crucifixion, car même si on en extrait la dimension proprement chrétienne, il n'en est pas moins un sous-texte de l'ordre du mystique, du sacrificiel, ou d'un rapport de force nous dépassant certainement...

On pourrait voir dans ces crucifiements, à la manière de ceux de Bacon (5) une évocation (invocation) des Erynies, ces déesses infernales et persécutrices, appelées aussi Furies dans le monde latin, à qui, dans leur inépuisable soif de vengeance, on attribue parfois les disparitions, à la guerre ou par accident, des hommes subitement arrachés au monde des vivants. « Voici le chant de délire, le vertige où se perd la raison ; voici l’hymne des Érinyes, enchaîneur d’âmes, chant sans lyre, qui sèche les mortels d’effroi. » annonce Eschyle (6) comme une prophétie. Silhouettes en croix ici, ou chimères, elles incarnent la souffrance que l'on espère fuir, la mise à distance cathartique du mal, mais aussi la fascination pour l'immonde. Car certaines oeuvres de Selfati en appellent aussi à cette fascination pour le spectacle esthétique de la violence, du mal et de la mort, si, comme le note Kristeva "l"abject est bordé de sublime" (7), ce " délice des abîmes", entre étonnement -ravissement au sens propre- et effroi, dont la terreur définit, selon Burke, le principe (8). Le sublime n'est pas la beauté – ou alors la beauté brûlée vive comme le Pavillon d'or – il est autre ou au-delà, dans la démesure, la douleur de la tragédie, mais "sublimé" justement, dans cette esthétique de la distance qu'est l'oeuvre d'art.


 

A moins que les Erynies – ces silhouettes, ces formes, qui peuplent le monde pictural d'Ilias Selfati - soient en nous, autour et par nous sorties des enfers, incarnées en les affres d'un monde en crise. "Crise de l’homme, crise de Dieu, crise de l’Homme-Dieu." (9), la fin de l'übermensch nietzchéen avant même l'heure de sa gloire. Le monde contemporain croit vivre une crise, politique, économique, spirituelle, sans précédent. Or la crise, comme moment paroxystique de l'histoire, est constitutive de cette histoire-même, depuis l'avènement de l'état de droit (un "accord pathologiquement extorqué" dira Kant (10)) jusqu'à la révolution, en passant par la guerre civile. Toute situation de conflit, de rupture est crise, propre au "courage d'exister". Pourtant, seul l'engagement – celui dont fait preuve l'artiste- peut faire réponse à la crise, qui, marquée du sceau de l'indécision et de l'incertitude, naît ainsi "au carrefour où l’engagement est en lutte avec la tendance à l'inertie, à la fuite, à la désertion (3)". Alors, la vision du monde que propose Ilias Selfati, si elle semble prendre des allures apocalyptiques, l'est peut-être, non pas tant comme eschatologie que comme dévoilement – le sens propre de l'apocalypse- et mode d'action, pour que la fureur se métamorphose en bienveillance (comme les Erynies en Euménides, triomphant d'elles-même et de nous comme sources du mal), et contre toute théorie du pire.

 

(1)- Exposition « Arrest », en 2013, à la Galerie Talmart, Paris

(2)- Ainsi, par exemple de l'inscription "Darkness covers Paris", en référence aux évènements terroristes de Janvier 2015, à Paris

(3) - Paul Ricoeur -

(4)- d'après William Shakespeare – Macbeth – (V, 5)

(5) - On pense naturellement à Three Studies for Figures at the Base of a Crucifixion – 1944

(6)- Eschyle – L'Orestie

(7)- Julia Kristeva - Les pouvoirs de l'horreur – Ed. Seuil, 1980

(8)- Edmund Burke - Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau – 1757 : « La terreur est en effet dans tous les cas possibles, d’une façon plus ou moins manifeste ou implicite, le principe qui gouverne le sublime »

(9)- Philippe Sollers - Les passions de Francis Bacon, Gallimard, 1996

(10) – Emmanuel Kant – Idée d'une histoire universelle du point de vue cosmopolitique – Prop. IV


 

Texte publié dans le catalogue de l'exposition, septembre 2015

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1 septembre 2015 2 01 /09 /septembre /2015 11:11
L'auberge - Un livre et une exposition d'Estelle Lagarde

Rendez-vous le 17 septembre à la Galerie Samy Kinge, Paris, pour fêter le lancement du nouvel ouvrage d'Estelle Lagarde, "L'auberge", publié aux Editions La Manufacture de l'Image. Une nouvelle série photographique, une exposition, et un livre, dont je signe la préface, avec également des textes de Liza Kerivel, Estelle Lagarde, Christophe Lambert et Alain (Georges) Leduc.

Vernissage le jeudi 17 septembre 2015 à partir de 18h30
Exposition présentée du 15 septembre au 3 octobre 2015
Galerie Samy Kinge
54, rue de Verneuil 75007 Paris

+ 33 (0)1 42 61 19 07 galeriebrissot@orange.fr mardi-samedi / 14h-19h / et sur RDV

«L’Auberge» sera présentée à la
Mathilde Hatzenberger Gallery à Bruxelles du 21 novembre au 19 décembre 2015

Le livre "L'Auberge" d'Estelle Lagarde
Publié par La Manufacture de l’Image
27 photographies accompagnées de textes, poèmes ou aphorismes signés Liza Kerivel, Estelle Lagarde, Christophe Lambert et Alain (Georges) Leduc.
Préface de Marie Deparis-Yafil
64 pages, 30 x 24 cm, relié 27 € / Septembre 2015

www.lamanufacturedelimage.com

ww.estellelagarde.com
www.agencerevelateur.fr
www.mathildehatzenberger.eu

Dossier de presse ici -> http://urlz.fr/2kI
 
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25 août 2015 2 25 /08 /août /2015 19:50
Gâteau nuptial – Résine, tulle, or – diamètre 60 x 50 cm – 2015 – Courtesy l'artiste et Centre Pompadour/Laboratoire néoféministe

Gâteau nuptial – Résine, tulle, or – diamètre 60 x 50 cm – 2015 – Courtesy l'artiste et Centre Pompadour/Laboratoire néoféministe

Gâteau nuptial – Résine, tulle, or – diamètre 60 x 50 cm – 2015 – Courtesy l'artiste et Centre Pompadour/Laboratoire néoféministe 

 

Artiste autrichienne et « néo-féministe », Michaela Spiegel a imaginé pour l'exposition ce Gâteau nuptial plutôt iconoclaste, qui se joue des codes du genre avec une ironie certaine. Surmontant une pièce montée cristalline, le visage de la mariée, sur lequel le voile est pudiquement baissé, est déjà déformé des stigmates de la vie conjugale. La bouche pleine, ce qui l'enjoint au silence, d'une grenade dont le goupillon est une alliance en or du meilleur carat, la voici désormais une femme occupée, dans tous les sens du terme!

Dans une réflexion récurrente sur la situation et le rôle des femmes dans l'histoire, et notamment dans l'histoire de l'occident bourgeois qui a modelé en profondeur sa représentation dans le monde contemporain, ce gâteau nuptial s'avère une insolante critique de l'institution du mariage: le monde moderne a-t-il vraiment remplacé le mariage de raison par le mariage d'amour? Dans ce lieu, chargé d'amour autant que des alliances stratégiques de la royauté, Michaela Spiegel semble rappeler qu'Eros ne suffit au consentement marital, tandis qu'elle entend en dynamiter les conventions.

 

Depuis près de vingt ans, Michaela Spiegel explore plastiquement les multiples et complexes facettes de la condition féminine, au travers de peintures, collages, photomontages, de samples d’images et de vidéos.

A l'instar du cynique Antisthène cherchant dans les rues d’Athènes, lanterne éclairée en plein jour, l’essence d’Homme proclamée par Socrate, Michaela Spiegel défend l’inessentialité de « La » Femme. Dans une posture résolument existentialiste, l’artiste entend déconstruire, avec un sens de l’humour aigu et subversif, la mythologie de La Femme, d’une supposée « nature féminine », dont il importe de se libérer.

Concernée, cinglante, et sans concession, elle joue avec les mots, l'Histoire, et ses représentations, les mythologies psychologiques, sociales et politiques, qu’elle cherche à déconstruire. La richesse de son travail s'enracine dans un foisonnement tous azimuts, intellectuel et réjouissant, d' entrelacs de jeux visuels et de jeux sémantiques, de jeux de mots et «jeux d’esprit» pour reprendre la terminologie freudienne, de décalages perpétuels, de transvaluations permanentes, de détournements esthétiques, de télescopages qui ouvrent toujours une troisième voie, dans cette décontextualisation vivace qui réactive sans cesse le sens.

Une oeuvre toujours emprunte d'une réjouissante folie à l'esprit dada mâtiné de Mme de Rotschild !

En 1995, Michaela Spiegel fonde l' Instituts für heil & sonderpädagogik», fonctionnant comme un module à la fois informel et «institutionnel» de création «néoféministe». Le néoféminisme, écrit l'artiste, «est le contraire du sexisme. le néoféminisme est la déclination contemporaine du féminisme dans un monde multigenre.» La maison mère se trouve à Vienne, en Autriche, et sa branche française, le Centre Pompadour, laboratoire néoféministe ouvre ses portes en 2012 au Château Lafoutte. le Château Lafoutte, précise Michaela, « est le premier monument français classé hystérique, incontestablement. »

 Né en 1963 en Autriche, Michaela Spiegel vit entre Vienne et Paris.

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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 11:47
Les mariés (rose) - Acrylique et broderie sur toile- 157 x 157 cm– 1995 – Courtesy Galerie Guy Bärtschi, Genève – Inv. GB 01785

Les mariés (rose) - Acrylique et broderie sur toile- 157 x 157 cm– 1995 – Courtesy Galerie Guy Bärtschi, Genève – Inv. GB 01785

Les mariés (rose) - Acrylique et broderie sur toile- 157 x 157 cm– 1995 – Courtesy Galerie Guy Bärtschi, Genève – Inv. GB 01785

 

 

Une certaine idée du bonheur...Au Caire, dans les années 60, lorsqu'un couple se marie, les amis et la famille ont coutume de lui offrir son portrait dans la presse populaire locale. La série des Mariés dont est issue l'oeuvre présentée, réappropriation du cliché dans un travail de peinture-broderie, semble, selon Laurie Anne Farrell*, l'aboutissement de cette fascination qu'a toujours eu Ghada Amer pour les images sentimentales et romantiques. Petite fille, elle rêvait devant les baisers hollywoodiens des romans feuilletons et des films égyptiens, ses premiers dessins déjà croquaient des jeunes femmes amoureuses. Derrière la convention de la photo du jeune couple, se cache l'espoir d' "une intimité faite de désir, de passion et d'union des corps dans la douceur, ou dans l'ardeur."**

 

Mais au delà des fleurettes voletant sur la photo des jeunes mariés, l'utilisation d'un cliché conventionnel et daté nous invite à en saisir la portée critique, même si, dit l'artiste, " ces clichés, je les ai aimé un jour". Ainsi, elle dissèque et déconstruit plus qu'elle ne dénonce ces clichés de mariage d'amour, de confort moderne, et le rêve d'une émancipation que les femmes connurent dans l'Egypte de Nasser et qu'elles ont perdu depuis.

Car la dialectique du travail de Ghada Amer, réflexion sur le statut de la représentation de la femme au carrefour des cultures orientales et occidentales, passe à la fois par la mise en lumière critique des clichés de la "condition domestique féminine", y compris en Occidentet par le rappel constant de l'importance de l'amour et de l'érotisme dans la culture arabo-musulmane, comme en attestent plusieurs de ses travaux se référant, par exemple , à la légende de Majnun***, au Coran ou à l'encyclopédie du Plaisir, traité médiéval rédigé par Abul Hasan'Ali Ibn Nasr Al Katib .

 

Née au Caire en 1963, Ghada Amer vit et travaille à New-York. Elle réalise ses premières toiles brodées en 1991, à partir de patrons de couture découpés et ré assemblés. Elle développe alors cette technique d'une grande complexité, dans laquelle sont tissés ensemble peinture et broderie, travail pour lequel l'artiste a acquis une renommée internationale.

En brodant sur des objets, des vêtements, des toiles tendues sur châssis, Ghada Amer tend à brouiller la frontière entre objet et peinture, savoir faire artisanal et production artistique. Ce faisant, elle met en abîme des stéréotypes de la féminité: représentant des images de femmes en situation, qu'il s'agisse de travaux domestiques, puisés dans des magazines féminins des années 60, ou de vues pornographiques, elle choisit de les broder, activité perçue comme traditionnellement féminine. Ses tableaux “érotiques”, dans leurs "drippings" de fils empêchant la lisibilité immédiate de l'image, fonctionnent alors comme une sorte de métaphore de ce qui est caché et ne se produit qu'à l'abri des regards, comme des voiles protecteurs sur la liberté des corps.

 

*Laurie Ann Farrell, "Recalculating Exchange Rates: Power and Poetics in the Works of Ghada Amer", Looking Both Ways, Art of the Contemporary African Diaspora, New York, Museum for African Art, 2003

** d'après Marie-Christine Eyenne – Africultures N°63

*** Conte perse écrit par Nizami au XIIe siècle.

A l'ombre d'Eros - Visite guidée - Première salle capitulaire - Ghada Amer
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18 août 2015 2 18 /08 /août /2015 12:14
Alvaret – Photographie C-Print – 100 x 130 – 2008 Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing Paris

Alvaret – Photographie C-Print – 100 x 130 – 2008 Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing Paris

Alvaret – Photographie C-Print – 100 x 130 – 2008 Courtesy l'artiste et Galerie School Gallery/Olivier Castaing Paris

 

 

Alvaret est une plaine aride de l'île d'Öland, en mer Baltique suédoise. Classé au patrimoine mondial de l'UNESCO, ce paysage datant de l'âge de glace est aussi un site préhistorique exceptionnel. Ici vécurent parmi les premiers hommes sans doute...Alors, dans un paysage qui pourrait ressembler au paysage originel, nous apercevons au loin ce couple nu, comme une évocation du premier couple, dans une lumière d 'aube. Dans sa simplicité, Alvaret offre une alternative paisible et minimale à l'exubérance des œuvres de Gilles Barbier installées à sa proximité.

 

Norvégienne, Susanna Hesselberg est née à Uppsala en 1967 et vit et travaille à Malmö, en Suède. Ses photographies, minutieusement théâtralisées, construisent des scènes où se mêlent humour et absurde, dans lesquelles l'homme se retrouve souvent en prise avec la nature et l'ordre des choses, et amènent le spectateur à faire avec l'artiste un pas de côté, hors du réel ordinaire. Produisant peu, elle élabore son œuvre avec lenteur, "offrant à chaque pièce un temps d’élaboration plus proche de la littérature que de la photographie."*

 

* D'après un texte de François Bernard

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12 août 2015 3 12 /08 /août /2015 12:29
A l'ombre d'Eros- Visite Guidée - Première salle capitulaire - Gilles Barbier
Still man- Sculpture – Techniques mixtes - 136 x 180 x 113 cm – 2013   Still woman- Sculpture- Techniques mixtes- 164 x 265 x 160 cm – 2013  Courtesy l'artiste et Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris

Still man- Sculpture – Techniques mixtes - 136 x 180 x 113 cm – 2013 Still woman- Sculpture- Techniques mixtes- 164 x 265 x 160 cm – 2013 Courtesy l'artiste et Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris

A l'ombre d'Eros- Visite Guidée - Première salle capitulaire - Gilles Barbier
A l'ombre d'Eros- Visite Guidée - Première salle capitulaire - Gilles Barbier

Still man- Sculpture – Techniques mixtes - 136 x 180 x 113 cm – 2013  

Still woman- Sculpture- Techniques mixtes- 164 x 265 x 160 cm – 2013

Courtesy l'artiste et Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois, Paris 

 

Un homme et une femme, dans un foisonnement végétal qui semble les absorber chacun dans un fouillis de feuilles, de champignons, de lichens, d'écorces et de racines. Un homme et une femme, tout deux nus, endormis peut-être, comme à l'aube du sixième jour.

Ces deux œuvres de Gilles Barbier, comme un tableau «vivant», évoquent bien sûr le mythe de la Genèse, aux confins de la nature et des origines. A moins qu'il ne s'agisse d'un autre mythe, celui d'une nature qui «reprendrait ses droits», finissant par ensevelir les corps humains dans un retour à la terre, ambiguïté contenue dans le nom même du premier homme , Adam, la terre, en hébreu.

Le premier homme – un autoportrait de l'artiste- , la première femme, pouvons-nous donc imaginer, à l'orée de l'amour, avant que ne soit perdu l'Eden.

Pourtant, le terme de «nature morte» (still man / woman) choisi par l'artiste est polysémique: c'est à la fois l'immobilité médidative dans laquelle sont saisis les personnages, dans une vision quasi romantique ici, jouant de l'ambiguité du sens même de la «nature morte», sur le fil entre la vie et la mort, à la fois nature animée d'une vie persistante, silencieuse et immobile (le sens anglos-saxon de «still life») et représentation d'une nature qui n'est plus vivante, se référant à une figure de la vanité. Le thème est ici mis en abîme par le travail sculptural de l'artiste, hyper réalisme factice, qui surprend et fascine, rappelant que toute nature morte est toujours d'une manière ou d'une autre manifestation de la fragilité, et de la disparition du vivant.

«Je suis intéressé par le corps car j'aime sa fragilité, je suis touché par son émiettement, par la violence qu'il endure (...) »*explique l'artiste.

 

Comme pour Still man, Gilles Barbier utilise son propre corps comme sujet et objet, qu'il définit comme «clone», d'une oeuvre multiple et foisonnante de sculptures, photographies, dessins, installations, toujours dessinés et construits avec une grande rigueur malgré la dimension protéiforme de son œuvre. Nourri de disciplines aussi diverses que l'esthétique, l'histoire, la psychanalyse, les arts plastiques, la philosophie, les sciences, la bande dessinée, ou encore l'économie, son travail, qui ne craint ni la culture populaire, ni l'humour le plus corrosif, ni même une esthétique du mauvais goût, offre une plongée dans un univers bouillonnant de fictions qui, selon lui, aident à donner sens au réel. Les personnages qu'il recrée, les bulles de BD, les messages « correcteurs de réalités » apparaissent comme autant d’indicateurs de cette lecture d'un réel, qu'il « ressasse » d'oeuvre en œuvre, alimentées par un flux continu de dessins, d'images, de représentations.

Gilles Barbier, né en 1965 au Vanuatu dans le Pacifique Sud, vit et travaille à Marseille. Reconnu internationalement, Il expose son travail depuis 1995 et a notamment été nominé pour le prix Marcel Duchamp en 2005.

 

*Entretien de Gilles Barbier avec Samantha Longhi, mai 2005

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