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26 novembre 2019 2 26 /11 /novembre /2019 14:10
Ode à Gaïa, la 2ème édition du Salon Turbulences est ouverte!

j'ai le grand plaisir de rejoindre, pour cette 2ème édition, les participants au Salon Turbulences, sur une initiative de Isabelle de Maison Rouge et de Louis Laurent Bretillard / Tribew, que je remercie!

Pour cette nouvelle édition, sous le titre de "Ode à Gaïa", ou hommage à la mère nature, j'ai choisi de présenter des oeuvres de Mai Tabakian.

Un salon en ligne, mais aussi "en ville", avec, au cours des mois qui viennent, des rencontres et évènements avec les critiques et artistes du salon. Stay Tuned!

Pour parcourir le salon, c'est ici:

https://www.salonturbulences.com/site/edition2/

ouvert en ligne pour tous dès le 27 novembre!

Ode à Gaïa, la 2ème édition du Salon Turbulences est ouverte!

Pour découvrir la page consacrée à Mai, c'est ici!

https://www.salonturbulences.com/site/edition2/s192a09/

 

SALON TURBULENCES

DU 27 NOVEMBRE A FIN MARS 2020

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12 novembre 2019 2 12 /11 /novembre /2019 12:40

Beau sujet et belle interview par Dominique Tchimbakala au Journal Afrique de TV5 Monde, le 8 novembre

Pour que l'on sache...

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7 novembre 2019 4 07 /11 /novembre /2019 13:12

Tandis que Zevs/ Aguirre Schwarz liquide les logos des partenaires de la Biennale dans le cadre de l'exposition "Là où les eaux se mêlent" de la Biennale de Lyon, Transverse-art.com m'invite à revenir sur le génèse de cette pratique dans un texte, synthèse de nombreux textes sur le travail de cet artiste, écrits entre 2008 et aujourd'hui.

A retrouver également sur http://www.transverse-art.com

 

Peinture, vidéo couleur, son, 19 min 10 s, 2019. Courtesy de l'artiste et New Galerie.

Peinture, vidéo couleur, son, 19 min 10 s, 2019. Courtesy de l'artiste et New Galerie.

Aguirre Schwarz, connu sous le pseudonyme de ZEVS, est considéré comme une des figures les plus importantes de l’histoire du street art français.

Des trottoirs de la ville aux murs des musées et des galeries, il réagit aux signes urbains et aux codes de la consommation, interrogeant l’espace public, l’art, et le rapport de l’art à la société de consommation.

Zevs a à peine douze ans lorsqu’il commence à taguer dans les tunnels du métro parisien. Zevs, comme le RER qui faillit lui être fatal. Depuis ce nom sur les murs, comme une reconnaissance territoriale, jusqu’à une réflexion sur les signes de la ville, en passant par la saturation publicitaire, vécue comme une agression du consensuel, il dessine peu à peu les contours d’un vocabulaire graphique, plastique et sémantique inédit et qui fut souvent précurseur des codes visuels de l’art urbain.

Au croisement du street art et de la culture underground, le travail d'Aguirre Schwarz emprunte aussi à la culture pop, au cinéma, à la culture contestataire, à la peinture et à l’histoire de l’art.

Aujourd’hui, Zevs, redevenu Aguirre, a largement contribué à la reconnaissance du street art en tant que forme de l’art contemporain. S’il expose aujourd’hui régulièrement dans les galeries et les musées partout dans le monde, il continue parfois de travailler dans la rue qui, à l’instar de Buren dans les années 60, reste son atelier primitif. De l’insurrection, de la contestation brute, de la colère nourrissant ses premières interventions, Aguirre Schwarz a évolué vers une réflexion sur les conditions de visibilité et de pérennité de ses « Art crimes », ouvrant à la dimension sémiotique de son travail.

Pour la Biennale de Lyon, au MAC, il a choisi de « liquider » les logos des partenaires et sponsors de cette grande manifestation.

L'occasion de revenir sur la génèse de cette pratique qui a contribué à sa reconnaissance internationale.

 

- - -

 

Le travail de « liquidation » des logos s’enracine dans les « Visual attacks » réalisées au début des années 2000. Aguirre Schwarz (ZEVS) shoote méthodiquement et indifféremment des hommes et des femmes, à condition qu’ils soient beaux, lisses, déshumanisés par la magie de Photoshop. Un point rouge à la bombe, entre les deux yeux du mannequin sur l’affiche, filets de peinture rouge sang coulant sur son visage. Le sabotage est efficace. Attaque frontale contre l’omniprésence de la publicité dans le paysage urbain, les « Visual attacks » pointent dans le même temps sa puissance prescriptive. En brouillant la lecture commerciale de l’image, en empêchant l’identification du passant avec le modèle ensanglanté, Zevs détourne le pouvoir de l’image à son profit.

Puis, il choisit de s’attaquer au logo publicitaire directement dans l’espace public. Il commence par « liquider » une virgule de Nike, à Berlin en 2005, et poursuit avec ceux de Coca-Cola ou de MacDonald’s. Puis, il s’intéresse aux logos des marques de luxe, qu’il reproduit pour les «liquider».

Le logotype est un média puissant, par son esthétique symbolique, son pouvoir d'analogon, immédiatement identifiable, rattaché à un produit et à un imaginaire précis. En le rendant liquide, Zevs s’attaque visuellement à la fonction symbolique du logo. Il procède à sa descente critique et interroge le pouvoir du signe publicitaire et ce qu’il véhicule. Clé de voûte de l’identité d’une marque, s’immisçant durablement dans le paysage affectif des individus, le logo est un redoutable « vendeur silencieux ». En liquidant le logo de Chanel ou de Vuitton, tous les deux immédiatement reconnaissables, il s’attaque à tout un réseau de signes (de reconnaissance), de codes (sociaux), de significations et d’émotions. Le logo synthétise un monde, celui du luxe, des magasins feutrés, de la richesse et du pouvoir. La transfiguration du logo par liquidation renvoie, par une contre-force suggestive, à la surconsommation, à la tyrannie de la publicité, du paraître et des codes, à la vulgarité de l’ostentation.

 

Pourtant, son travail ne se réduit pas à une logique binaire. Pour lui, l’art est un contre-pouvoir qui prend appui sur le pouvoir lui-même. « Comme en Aïkido, je détourne sa force à mon profit », dit-il.

En outre, les ambivalences sont volontairement maintenues, depuis l’appropriation du logo pour produire l’oeuvre, jusqu’à la ré-esthétisation du signe, contribuant à lui confirmer son statut d’objet esthétique. Aguirre Schwarz a parfaitement conscience de la manière dont les marques, ayant remarqué son travail sans en éluder l’aspect critique, s’en inspirent, tentant ainsi d'intégrer le négatif pour le synthétiser en une émanation nouvelle de leur créativité. Il sait comment les images qu’il produit seront aspirées dans le vortex du monde médiatique, retaillées, remaniées puis relâchées dans d’autres publicités, des images nouvelles…

Zevs a l’intuition de cette ambiguïté, en se servant des images que produit la société de marché et de consommation non pour les réduire à néant, mais pour y ouvrir une faille, les inciser et en exprimer la maladie par la liquéfaction, comme on ouvre une plaie purulente, au travers de ces drippings de peinture coulant sur les toiles aux logos liquidés, à l’impact visuel si fort, et qui font aujourd’hui sa signature.

De la même manière que les images véhiculées par les médias manipulent les opinions et le regard porté sur les objets, Zevs manipule et déconstruit l’image pour en mettre justement en lumière les arcanes, les ficelles, les présupposés signifiants. Il extirpe peu à peu une sorte de sémiologie implicite et critique de ces images qui font et décrivent le monde, et c’est dans ce dévoilement que se situe la subversion de son travail.

En offrant au regard une vision du monde en « Version liquidée », il entend nous mettre en alerte, nous enjoindre à garder l’oeil ouvert, nous décille à la manière du « Chien Andalou ».

Le travail de Zevs relève donc bien davantage de la « déconstruction », pour reprendre le terme cher à Derrida, que de la destruction. Dans son souci récurrent de faire remonter l’invisible au visible, de l’envers des rues au soubassements de la publicité, il s’agit bien de mettre au jour ces fondements implicites qui justifient la hiérarchie du système pour, par son acte artistique, en travailler les écarts jusqu’au basculement, renverser l’ordre, et, en définitive, intervenir sur « ce qui reste ».

Son planisphère liquidé («Global liquidation multicolor », 2011) signe la fin annoncée, et peut-être nécessaire, d’un monde, celui de la raison instrumentale, de l’impérialisme de l’économie mondiale, d’une manière de vivre ce monde, dont les successives crises financières auront rendu la fragilité particulièrement accrue et sensible.

 

 

Peinture, vidéo couleur, son, 19 min 10 s, 2019. Courtesy de l'artiste et New Galerie.

Peinture, vidéo couleur, son, 19 min 10 s, 2019. Courtesy de l'artiste et New Galerie.

Zevs sait que le logo n’est qu’un signe, la partie visible et émergeante d’un monde aux valeurs et aux enjeux aussi complexes qu’incertains. il pressent aussi que le pouvoir réel aujourd'hui n'est peut-être pas tant politique ou religieux qu’économique, et c'est à ce pouvoir- là, au travers de la séduction du logo et du luxe incarné comme objet du désir renversé en objet mortifère, qu'il entend s'en prendre ici.

Dans le même temps, Zevs manifeste, par cette opération, la perversion du sens que constitue ce signe, ou comment le « logos » de la connaissance se voit éclipsé au profit du « logo » commercial. Jeu de mot pour dire comment le sens de la communication et du marketing se substitue à la quête de sens, comment un système de valeurs fondé sur le désir d’avoir et la pensée calculatrice l’emporte sur les champs du savoir et de la pensée rationnelle. Le logo commercial élabore des mythes, que le logos n’a plus la force de détruire.

Cette liquidation en règle des logos renvoie ainsi avec acuité au propos de Roland Barthes, constatant, avec la pensée structuraliste, le rapport conflictuel, si ce n’est le hiatus, dans la société contemporaine, entre la pensée et la mythologie. Il s’agit de pointer la façon dont les « représentations collectives », produits de notre société et de notre histoire, pour reprendre le terme de Barthes, sont développées comme outils idéologiques par le pouvoir, les médias et les valeurs d’ordre.

Autant d’instances que Zeus examine et questionne dans son travail en les maltraitant, qu’il s’agisse des symboles monétaires, des logos des medias, du graphisme des noms des marques ou des banques, ou de ses attaques contre l’ordre urbain.

 

En France, sur les vitrines des magasins, on voit parfois, se détachant sur le blanc d’Espagne, des banderoles indiquant « Liquidation totale avant travaux »…Une autre voie, d’autres possibles, sont possibles. Ce qu’affirme Zevs au détour de ces symboles liquidés, c’est que la crise est en soi la première étape d’une résolution, qu’une action curative est possible. Aussi, s'il décrit et dénonce un état du monde contemporain, il n’est ni assez dogmatique, ni assez utopiste (ou naïf ?) pour nous en raconter la fin. Il suggère seulement qu’il nous faut chercher dans le sens des images avec lesquelles nous vivons, et dans la manière dont nous pouvons les retourner, les dérouter, les déconstruire, des indices comme une ultime tentative de se réapproprier ce monde.

Là où les eaux se mêlent

Commissaire: Palais de Tokyo

Mac et Usines Fagor

Biennale de Lyon 2019

Jusqu'au 5 janvier 2020

http://www.biennaledelyon.com

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4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 15:24
A bas les cieux, installation, dimensions variables, 2008 - Naji Kamouche

A bas les cieux, installation, dimensions variables, 2008 - Naji Kamouche

En 2008, Naji Kamouche produisait cette très belle oeuvre sur laquelle j'écrivais un texte, publié en 2010 dans l'ouvrage monographique de l'artiste ( "L'Homme qui dort, l'homme qui prie, l'homme qui tue" - Galerie School Gallery, Paris)

A l'occasion de l'exposition "Dieu(x) mode d'emploi", présentée à Palexpo, à Genève, l'oeuvre est exposée auprès d'oeuvres de  Kader Attia - Marco Brambilla - Mélanie Chappuis - Cédric Dambrain - Sylvie Fleury - Claudio Parmiggiani - Gilles Remiche

et je re publie pour l'occasion le texte sur "A Bas les cieux" ci dessous

 

 

A bas les cieux! (2008) - Une oeuvre de Naji KAMOUCHE dans l'exposition Dieu(x) mode d'emploi, Genève

A bas les cieux » se distingue comme une pièce charnière dans le travail de Naji Kamouche. On y reconnaît des préoccupations qui sous-tendaient déjà d’autres œuvres, au travers d’une stratégie symbolique d’utilisation d’objets réinventés, recréés, reproduits ou détournés dans une perspective mémorielle et poétique. Cette installation réalisée à partir de tapis tels qu’on en trouve dans les intérieurs arabes s’inscrit dans la continuité plastique de l’installation « Caresser l’errance d’un pas oublié » (2005). Le choix de ce tapis, matériau délimitant l’espace de l’installation mais aussi servant à produire les objets, chaussures (pour « Caresser l’errance d’un pas oublié »), ou gants de boxe, relève d’une réflexion sur ce qu’évoque cette matière, et en premier lieu ce motif familier pour l’artiste, analogon d’images et de symboles – l’enfance, la maison, la domesticité et par extension, l’intériorité-.

Dans le travail de Naji Kamouche, « A bas les cieux » constitue une sorte de passage depuis une expression artistique chargée d’autobiographie, de références personnelles, d’expression de l’intime – douleur, solitude, souffrance, déchirement, colère, émotion, difficulté d’être soi- vers un travail superposant à la sphère de l’existentiel une forme de parole et d’engagement qui ne s’observait qu’en filigrane jusqu’alors. Et de cette lecture désenchantée d’un monde en souffrance émerge un souffle,une énergie nouvelle, sur le fil tendu entre l’émotion pure et la pensée. Cet étrange et dramatique ring de boxe joue sa complexité dans les entrelacs de dualités, d’ambiguïtés, que suggèrent d’ailleurs les choix plastiques, entre douceur et violence. D’espace intime, le tapis se fait territoire mental, matérialisation d’une conscience en lutte. Le dispositif implique émotionnellement le spectateur, si ce n’est somatiquement. Ici, on se retrouve « face à soi-même ». Ici se reconnaissent ou se projettent nos colères intimes et toutes nos luttes. « A bas les cieux », espace de protestation, de contestation, semble exhorter à prendre les gants et à frapper, à reprendre la lutte, à ne jamais s’avouer vaincu, à relever la tête, les manches, les bras, à dire non, à se rendre libre, donc, et vivant.
Le biologiste et physiologiste Xavier Bichat définissait ainsi la vie, comme « ensemble des fonctions résistant à la mort »*. Autrement dit, si, d’une certaine manière, le non-être est plus « naturel » que l’être et l’anéantissement, l’inclination logique de toute chose, vivre exige un effort, une lutte de tous les instants, une résistance perpétuelle. Contre l’entropie de la mort, rien n’est moins une vue de l’esprit que la nécessité de cette lutte, que cette résistance motrice. «A bas les cieux» crie cela de toutes ses forces, multiplie les lectures de toutes les luttes possibles, de tout ce qui fait que l’on choisit de vivre, plutôt que de disparaître, de se battre plutôt que d’abdiquer. Et Naji de choisir les images et les mots, plus frappants que les armes.


Alors, on pourrait bien interpréter la moelleuse texture des objets, contrastant avec l’usage habituel de gants de boxe et d’un punching ball, comme l’expression désabusée de la vanité de toute lutte. On pourrait voir dans ce rouge prégnant une chaleur bienveillante et inoffensive rendant toute colère stérile. Mais ils disent bien plutôt les violences étouffées ou rendues invisibles sous le velours policé des hypocrisies, et la vigilance nécessaire face à une servitude que la caresse aura peut-être rendu volontaire. Le constat de nos souffrances et de nos désillusions ne suffit pas. La colère et la lutte ne peuvent être vaine, sitôt qu’elles se font stratégies.


Naji Kamouche fait partie de cette génération d’artistes qui n’entendent pas que se jouent sans eux les débats du monde. Loin d’un aveu d’impuissance, son oeuvre, ouvertement vitaliste, dit à la fois cet absolu de la lutte, qui, de l’homo homini lupus de Hobbes à la guerre des consciences hégélienne, s’inscrit au cœur de l’existence humaine parmi les autres. Si cette lutte est d’abord celle de l’affirmation de soi, elle manifeste aussi, à une époque dans laquelle le cynisme, l’instrumentalisation et la réification humaine menacent dangereusement les restes de nos utopies, le refus d’abdiquer de cette croyance que la colère et la pensée critique ont un sens. Il y a dans ce ring quelque chose de la bravoure et du don de soi, où la grandeur côtoie la souffrance, la victoire, la déchéance, et sans doute Naji Kamouche se reconnaît-il quelque part dans cette figure du boxeur, entre noblesse et disgrâce, comme d’une certaine manière, chacun d’entre nous, dans nos démêlés avec ce monde et nos rêves.
« A bas les cieux » : comme dans toutes les œuvres de Naji Kamouche, les mots, parties intégrantes de la création, revêtent la plus grande importance. Charge poétique mais pas seulement, si les mots disent l’indicible, portent en eux ce pouvoir de suggestion, de radicalité, et que la polysémie se fait polémique.
Ici, les indices sont multiples. Que le monde soit sans dieu, ou que les dieux aient abandonné le chantier du monde, il devient inutile d’implorer l’aide des cieux et c’est à hauteur, à espoir et à pouvoir d’homme qu’il faut reprendre la lutte. « A bas les cieux » comme une imprécation nietzschéenne, dans un monde où le silence de dieu aux oreilles des uns est contrebalancé par le fanatisme assourdissant des autres. A l’aliénation, à la résignation, Naji Kamouche oppose une œuvre puissante et percutante. Les gants sont prêts à être chaussés. Il n’y aura pas de K.O.

 

 

* Marie François Xavier Bichat- Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800)

" DIEU(X) MODES D'EMPLOI"

Palexpo, Genève (Suisse)
du 11 octobre 2019 au 19 janvier 2020.

Une exposition Tempora

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28 octobre 2019 1 28 /10 /octobre /2019 18:38

La prochaine vente d'Art contemporain africain chez PIASA aura lieu le 7 novembre à 18h.

Dès le 4 novembre, on pourra venir découvrir une très belle oeuvre de Sadek Rahim, "Missing", issue de son grand solo show qui vient de s'achever au Musée National d'Art Moderne et Contemporain d'Oran. L'occasion de voir à Paris un petit aperçu de ce que fut "Gravité3"!

Missing, 2019 - Tapis découpé, 122 X185  cm (lot N° 36)Missing, 2019 - Tapis découpé, 122 X185  cm (lot N° 36)

Missing, 2019 - Tapis découpé, 122 X185 cm (lot N° 36)

On pourra aussi y découvrir, pour la première fois à Paris, deux peintures de l'artiste sénégalais Yancouba Badji, "héros" du film documentaire Tilo Koto, de Sophie Bachelier et Valérie Malek, que certains d'entre vous auront peut-être pu découvrir dimanche 3 novembre au Musée National de l'Histoire de l'Immigration (avant-première nationale)

Viol à la prison de Zavia, Lybie, octobre 2018 - Huile sur toile, 60 x 99 cm ( lot 37) - Like a bird in the sky, juin 2019 - Huile sur papier tissé, 100x 65 cm (lot 38)

Viol à la prison de Zavia, Lybie, octobre 2018 - Huile sur toile, 60 x 99 cm ( lot 37) - Like a bird in the sky, juin 2019 - Huile sur papier tissé, 100x 65 cm (lot 38)

A cette occasion, j'ai eu le grand plaisir de rédiger un texte présentant les oeuvres de ces deux artistes pour le catalogue de la vente.

L'un reste, l'autre part - Des oeuvres de Sadek RAHIM et YANCOUBA BADJI chez PIASA, Paris, à partir du 4 novembreL'un reste, l'autre part - Des oeuvres de Sadek RAHIM et YANCOUBA BADJI chez PIASA, Paris, à partir du 4 novembre

L'un reste, l'autre part

Sadek Rahim, Yancouba Badji

 

Les œuvres de l'artiste algérien Sadek Rahim, comme celles du peintre sénégalais Yancouba Badji, évoquent toutes deux, avec toute la force de leur regard concerné, les questions de la migration, du départ, de l'exil, de l'arrachement, de la vie et de la mort. Plus que des questions, ce sont pour chacun d'eux des réalités, souvent poignantes, parfois tragiques, de l'Afrique contemporaine, qu'ils abordent dans leur art et dont ils nous livrent le récit.

 

Sadek Rahim est un des rares artistes menant une carrière internationale (Londres, Dubaï, Buenos Aires, Saint-Louis du Sénégal, New-York...) tout en vivant et travaillant à Oran, sa ville natale. Le Musée national d'Art Moderne et Contemporain d'Oran vient d'ailleurs de lui consacrer une grande exposition personnelle, « Gravity3 » – une première dans l'Histoire de l'Art en Algérie-, dont est issue « Missing », l'oeuvre présentée.

Depuis plusieurs années, l’immigration clandestine des jeunes algériens vers l’Europe, le déracinement, le désir d'exil, et l'illusion de l'eldorado ont été au coeur du travail de Sadek Rahim, soutenu par une réflexion nourrie des textes de Sayad ou de Bourdieu.

Elément domestique commun à tous les intérieurs algériens, le tapis cristallise, matérialise, l'idée du départ au travers du mythe de la lévitation qui lui est attaché. Le tapis « volant » est l'objet qui permet, littéralement, de s'arracher à la pesanteur, de voler vers une destination meilleure. L'utilisation du tapis domestique, transfiguré en objet plastique, est un élément récurrent de l'esthétique et de la sémantique de Sadek Rahim. Jouant sur les plans de la pesanteur – ce qui retient au sol- et de l'envolée – le tapis « volant »-, il s'agit de mettre en échec ce mythe comme métaphore de l'échec du mythe de l' « Eldorado » (l'image erronnée d'une Europe utopique). D'oeuvre en œuvre le tapis est déconstruit, mis en pièce, disséminé en particules volatiles, réduit en cendres ou comme ici, privé de ses motifs floraux, découpés, manquants, comme manquent ceux qui sont partis en mer et ne sont jamais revenus, ni arrivés nulle part. Dans le même temps, le tapis est réhabilité en création plastique, comme un nouveau départ.

 

Yancouba Badji, quant à lui, a vécu l'exil, d'abord de la Casamance vers la Gambie, lorsque son père, instituteur et libre penseur, meurt, puis à nouveau lorsqu'en 2016, menacé par la dictature de Yaya Jammeh, il quitte la Gambie dans l'espoir de rejoindre le Maroc. Il connait alors la Lybie et la torture, l'errance, abandonné dans le Sahara, les camps, la mort en Méditerranée : la traversée d’un enfer qu’il exprime et sublime par la peinture.

Car Yancouba Badji est avant tout un artiste. « De la peinture à l'huile et des pinceaux », voilà ce qu'il demande d'abord, quand il rencontre la documentariste Sophie Bachelier dans un camp de rétention tunisien ; elle fera de lui, avec sa co-réalisatrice Valérie Malek, le « héros » du film « Tilo Koto ».

Au-delà d'une qualité d'exécution indéniable, maîtrisée, directe et poignante, la peinture de Yancouba Badji est un des premiers témoignages artistiques et vécus de l'enfer des migrants de la Méditerranée, un témoignage précieux, rare, urgent, vital et fiévreux. Mais si l'oeuvre de Yancouba Badji est une œuvre de résilience, elle donne aussi et surtout à voir la peinture prometteuse d'un artiste émergent, brillant et singulier.

 

 

 

Sadek Rahim, né à Oran en 1971. Vit et travaille à Oran (Algérie)

Yancouba Badji, né à Goudomp en 1979. Vit et travaille entre la Casamance (Sénégal) et Paris (France). A Goudomp, où il vit à nouveau, Yancouba Badji a fondé « Tilo Koto », un lieu de ressources, d'information et d'art pour la jeunesse casamancaise.

 

 

 

PIASA - Art Contemporain Africain -

Exposition publique:

Lundi 4 novembre - 10/18 h

Mardi 5 novembre - 10/18h - VERNISSAGE A 18h, en présence de Yancouba Badji

Mercredi 6 novembre - 10/18h

Jeudi 7 novembre- 10/12h - Vente à 18h

 Pour enchérir:  Téléphone pendant l'exposition et la vente: +33 1 53 34 10 10

ou sur internet: www.piasa.fr

ou sur place

118 rue du Faubourg Saint Honoré - Paris 8ème

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23 octobre 2019 3 23 /10 /octobre /2019 15:48
Avant-première de TILO KOTO, un film documentaire de Sophie Bachelier et Valérie Malek, avec Yancouba Badji, Musée National de l Histoire de l'Immigration

Dans le cadre du festival Visions d'Exil au Musée National de l'Histoire de l'Immigration aura lieu, dimanche 3 novembre à 20h00 l'avant-première nationale du film TILO KOTO ( sous le soleil, en mandingue), un film documentaire signé Sophie Bachelier et Valérie Malek.

 

Le pitch

 

Pour le Casamançais YANCOUBA BADJI, le rêve de l’Europe s’arrête brutalement dans le Sud tunisien après avoir tenté quatre fois la traversée de la Méditerranée depuis les côtes libyennes. Un an et demi «d’aventure» sur les routes clandestines où il faillit maintes fois perdre la vie. TILO KOTO, c’est l’histoire d’un homme brûlé dans sa chair et son âme par un enfer qu’il sublimera par la peinture/ For YANCOUBA BADJI, born in Casamance, Senegal, the dream of Europe stops abruptly in southern Tunisia, after trying to cross the Mediterranean sea from the Libyan coast. During a year and a half of "adventure", he was close to death many times. TILO KOTO is the story of a man burned in his flesh and in his soul, who will sublimate this hell through his painting.

 

Un film essentiel dont j'ai eu la chance de suivre le développement jusqu'à ce terme aujourd'hui et grâce auquel j'ai rencontré Sophie Bachelier - que nous avons présentée, avec mounir fatmi, dans le cadre de l'exposition Pavillon de l'Exil-  et le talentueux Yancouba Badji, en 2018, à Saint-Louis du Sénégal. 

Chaque jour qui passe nous rappelle à l'impétueuse nécessité de ne pas oublier ce qu'est "être humain", de lutter contre la tentation du lointain qui désincarne. Yancouba Badji est un homme, une incarnation, une résilience et un destin. Tilo Koto raconte son histoire et à travers elle, l'histoire de tous les "migrants" du monde.

 

La projection sera suivie d'une rencontre avec les réalisatrices et Yancouba Badji.

Mieux vaut réserver ici;

https://www.eventbrite.fr/e/billets-tilo-koto-sous-le-soleil-74804138191

 

 

Avant-première de TILO KOTO, un film documentaire de Sophie Bachelier et Valérie Malek, avec Yancouba Badji, Musée National de l Histoire de l'Immigration
TILO KOTO

(sous le soleil)

 

Un film documentaire

de Sophie Bachelier et Valérie Malek

Une production Damu et d’eau fraîche production et 3B Productions  

 

 

 

Dimanche 3 novembre à 20h00

à l'auditorium du Musée National de l'histoire de l'immigration

(entrée libre)

Palais de la Porte Dorée,
293, avenue Daumesnil, 75012 Paris

 

Festival Visions d'exil du 1er au 30 novembre, le programme ici:

http://visionsexil.aa-e.org/

avec nos remerciements à Judith Depaule

 

Puis, dès le lendemain, on poura découvrir la peinture de Yancouba Badji - qui tient une place essentielle dans le film- dans le cadre de l'exposition pré- vente aux enchères chez PIASA, Paris.

Toutes les informations dans le post suivant!

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17 septembre 2019 2 17 /09 /septembre /2019 12:01

En "Résonance" de la Biennale de Lyon qui vient de s'ouvrir, Dominique Torrente expose ses dernières oeuvres à la Galerie 116Art,  Villefranche sur Saône. Le titre de l'exposition "Un jour le paysage me traversera", est emprunté à l'ouvrage de Pascal Quignard, Terrasse à Rome (2000).

Je suis particulièrement ravie d'avoir pu rédiger le texte de l'exposition, que je livre ici

Vue de l'exposition - En face, Les riches heures ou l’éclat de vos mains, fibres canevas recto ou verso, installation modulable, environ 3 m x 2,70 m, 2018-2019 A droite Ensemble de dessins sur papier ancien récupéré, aquarelle, gouache, crayons, fibre, couture, broderie, 2019. Chaque dessin 24 cm x 32 cm Objet sur sellette, Opposite n° 19, bois laqué et volume couvert de fibre canevas, 36 cm x 60 cm x 34 cm

Vue de l'exposition - En face, Les riches heures ou l’éclat de vos mains, fibres canevas recto ou verso, installation modulable, environ 3 m x 2,70 m, 2018-2019 A droite Ensemble de dessins sur papier ancien récupéré, aquarelle, gouache, crayons, fibre, couture, broderie, 2019. Chaque dessin 24 cm x 32 cm Objet sur sellette, Opposite n° 19, bois laqué et volume couvert de fibre canevas, 36 cm x 60 cm x 34 cm

LA PEAU DU PAYSAGE
Dominique TORRENTE


Que serait la « peau d'un paysage »? La surface visible d'une tectonique complexe, architecturale ou non, ce qui affleure au regard et qu'il ne peut jamais totalement embrasser, un territoire souple, comme un revêtement posé sur les accidents et dont on ne verrait jamais l'envers. L'envers du décor. Ou celui du canevas, cet ouvrage d'aiguille pour noble dame popularisé au 19ème siècle, aujourd'hui objet désuet sinon
déchu et « indigne d'intérêt », dont le réusage est cependant au coeur du travail récent de Dominique Torrente, et dont le nom désigne – cela peut-il être un hasard ?- en topographie, l'ensemble des points relevés sur le terrain permettant de reconstituer la toile d'un relief par cartographie.
Seulement, lorsque Dominique Torrente demande aux modèles de ses récentes photographies – montrées ici pour la première fois- de porter les canevas brodés, et que ceux-ci s'approprient ces pièces de tissu comme des « peaux » quasi animales, vêtements colorés que seuls leurs corps architecturent, elles leur redonnent vie et parfois aussi, découvrent l'envers du paysage, du décor, de la belle broderie : les fils emmêlés et les noeuds. « Ce dernier côté est moins beau », dirait Schopenhauer, « mais plus instructif, car il permet de reconnaître l'enchainement des fils »¹, autrement dit, comment s'est construite la peau du paysage. Si Schopenhauer compare la vie à une étoffe brodée dont « chacun ne verrait, dans la première moitié de son existence, que l’endroit, et, dans la seconde, que l’envers »¹, c'est probablement davantage l'intérêt et la curiosité pour la forme du travail, de la transformation par l'assemblage de l'épars en un tout constitué, qui nourrissent les recherches de Dominique Torrente.

Détail Les riches heures ou l’éclat de vos mains, canevas à l’endroit ou à l’envers.

Détail Les riches heures ou l’éclat de vos mains, canevas à l’endroit ou à l’envers.

Car l'espace de la toile brodée, endroit comme envers, forme un territoire – un paysage- complexe, au senspremier, étymologique. Elle est un tout complexe c'est-à-dire un « assemblage » de constituants « tissésensemble », un « enchevêtrement d'enlacements »², pour reprendre l'expression d'Edgar Morin. Car il n'estpas impossible que Dominique Torrente ait choisi la toile brodée – consciemment ou non – parce qu'elle
pourrait endosser en quelque sorte la métaphore originelle de la pensée « complexe » et du paysage comme « complexion » c'est-à-dire ce mode d'être fondamental qui existe, surgit et prend sens au travers de ce qui s'assemble, se noue, se tisse, un objet multidimensionnel aux multiples interactions, un objet qui raconte quelque chose, mais pas seulement son contexte d'origine, un objet d'une insoupçonnée richesse,
matérielle et allégorique, ouvrant à une vision multiple et globale, bref, un objet appréhensible, pour reprendre le concept cher à Morin, sur le mode de la « reliance ». Relier les représentations, les formes, les esthétiques, les histoires, opérer des ponts et des rencontres – ensemble de préoccupations qu'elle place sous le terme générique d' «hybridation »-, c'est précisément ce que produit Dominique Torrente dans ce travail de longue haleine autour du canevas brodé, et c'est justement ce qui en fait la complexité formelle et sémantique.

Il faut d'abord partir de la découverte que fit l'artiste, il y a quelques années, lors d'une résidence à La Ricamarie, près de Saint-Étienne, de ces canevas brodés à l'aiguille, au point de croix ou au point couché, réalisés à la main par les femmes des classes populaires, principalement entre les années 40 et 80. La plupart reproduisent les peintures considérées comme chefs d'oeuvre de la peinture européenne, de Vermeer à Fragonard, de Millet à Renoir...Fascinée par cet « art modeste », « sans grande valeur marchande mais à forte valeur émotionnelle », comme pourrait en parler Hervé Di Rosa³, Dominique Torrente entreprend de les collecter, comme matériaux plastiques, mais aussi comme objets mémoriels.
Elle explique : « Ces pièces textiles une fois lavées sont répertoriées et archivées, et j’en transforme une grande partie, une autre partie est collectionnée afin de garder mémoire de cette étrange pratique des femmes des milieux modestes européens et de constituer un ensemble d’archives.(...)Débarrassées de leurcadre et lavées, ces modestes tapisseries aux teintes encore vives, où chaque point bien net peut évoquer
un pixel, sont d’étonnantes traces d’un passé révolu, des tissages de mémoire. (...)Cette matière a une mémoire, comme les pages de publicité ou les textes sur lesquels j’aime intervenir.»
Ces objets d'« art domestique » résonnent chez l'artiste de tout un pan de son histoire personnelle, étroitement mêlé à l'histoire du monde ouvrier du siècle passé. S'y questionnent le processus de travail, le travail manuel en tant que geste, la manifestation concrète de l'acte de « produire », si ce n'est de créer, la question du « faire » au sens propre, le rapport à la matière dans le travail ouvrier et paysan et de façon
concomitante, la nécessité de conserver une mémoire de ces modes de travail qui tendent à disparaître dans le monde contemporain. Le travail, comme manière d'inscrire sa volonté dans la matière, se retrouve autant dans la création artistique que comme essence même de transformation du réel à l'image de l'homme, de même que, toujours dans cette perspective hégélienne, le paysage tel que nous le voyons
aujourd'hui est essentiellement le fruit de l'activité humaine, d'un effort imposant notre marque à la nature (ce qu'au fond nous appelons aujourd'hui « anthropocène »). Tel est probablement un des sens de ces assemblages que produit Dominique Torrente, cette manière de produire un « paysage » qui soit le résultat d'un assemblage déterminé.

 

Détail Les riches heures ou l’éclat de vos mains, canevas à l’endroit ou à l’envers.

Détail Les riches heures ou l’éclat de vos mains, canevas à l’endroit ou à l’envers.

Ainsi par exemple « Les riches heures ou l'éclat de vos mains », installation-juxtaposition de canevas constituant une tenture: tout en rappelant à une tradition iconographique d'esprit médiéval mais aussi aux coutumes décoratives aristocratiques, l'oeuvre fait écho au travail manuel comme puissance de représentation, de production d'image, « l'éclat » comme un hommage aux mains ouvrières de ces femmes produisant ces objets, tandis que Dominique Torrente, en les assemblant ainsi, construit une sorte de paysage iconographique, un paysage « modeste » lui aussi, y infusant une affection liée à l'histoire de ces toiles brodées.


Car cette sensibilité particulière au monde ouvrier, dont elle est issue, se nourrit au souvenir d'une enfance passée dans une région marquée par l'industrie textile, et d'une maison régulièrement envahie de tissus et d'étoffes: en travaillant sur ces toiles brodées, elle a, dit-elle, «retrouvé la fulgurance de (s)on attrait pour ces fibres, ces amoncellements de matières souples, molles, épaisses, aux couleurs chatoyantes car enfant,
textiles et broderies envahissaient, s’amoncelaient, débordaient de la table de couture de (s)a mère. »


De nombreux artistes aujourd'hui, se réfèrent au média textile, et notamment à la broderie, pour signifier et le cas échéant s'en prendre à, la dimension domestique et « typiquement» féminine de cette activité. Dominique Torrente semble inverser le processus critique, voyant en cette activité certes spécifiquement « pensée » pour les femmes⁴ une brèche ouverte sur la création dans la répétition ménagère, un espace de liberté arrachée au quotidien ouvrier et aux tâches domestiques, un prétexte au repos si, pour reprendre les mots de Virginia Woolf, « le repos n’est pas l’inactivité mais le goût de se livrer à une activité différente »⁵, bref, une immatérielle mais réelle « chambre à soi ».


Etait-ce aussi pour elles, au-delà de la possible dimensions décorative, un moyen d'introduire dans le foyer quelque chose de l'ordre de la culture ? Une entrée au musée où l'on ne va jamais, aux livres auxquels on n'a pas accès ? Ces ouvrages féminins, dont le succès va de pair avec l'industrialisation et la consommation de masse, sont pourtant essentiellement considérés comme kitsch par les élites, c'est-à-dire comme
l'expression d'une maladroite manière de singer le goût bourgeois, indignes d'un quelconque rapprochement avec une réelle oeuvre d'art. En utilisant ces anciens canevas, Dominique Torrente prend encore une fois à rebours l'attitude désormais convenue face au kitsch, admise voire encouragée, comme tendance esthétique au second degré, et vocabulaire, depuis Warhol jusqu'à Jeff Koons, de nombreux artistes contemporains. Et si l'on veut voir dans son travail une manière de revaloriser cette esthétique approximative, ce serait d'abord en vertu de l'hommage tendre et sincère qu'elle rend à ces femmes, et sans ironie, un acte de « reliance », encore. Ainsi croise-t-elle, dans sa série de sculptures Hybrid Lexis, deux langages esthétiques a priori inconciliables formellement et sociologiquement. Hybridation ou « collage » entre des volumes issus du minimalisme (monochromes, volumes géométriques colorés, évoquant Franck Stella ou Donald Judd), et des volumes recouverts de ces toiles brodées, la série Hybrid Lexis – dans laquelle chaque oeuvre est un « Opposite » numéroté- semble rééquilibrer les valeurs, sans a priori.

Opposite n° 11, bois laqué et volume couvert de fibre canevas,  50 cm x 30 cm x 23 cm, 2015

Opposite n° 11, bois laqué et volume couvert de fibre canevas, 50 cm x 30 cm x 23 cm, 2015

Territoire souple, flexible et recyclable, Hommage à Tony Cragg,  2015-2019 installation modulable, fragment de canevas épinglés.  Diamètre variable, ici 160 cm.  Espace d’exposition, médiathèque Jules Verne, La Ricamarie,  2015.

Territoire souple, flexible et recyclable, Hommage à Tony Cragg, 2015-2019 installation modulable, fragment de canevas épinglés. Diamètre variable, ici 160 cm. Espace d’exposition, médiathèque Jules Verne, La Ricamarie, 2015.

De même, si Dominique Torrente semble céder à la tendance de la réappropriation, du réusage, de la « seconde vie » des choses qu'elle intègre dans son processus créatif, c'est au regard d'une réflexion menée à la fois sur le front de la question de la mémoire, et sur celui de l'éco responsabilité. Une question qui n'est pas nouvelle, comme en témoigne son oeuvre « Territoire souple, flexible et recyclable », composée
de fragments, de chutes, de canevas brodés rescapés de ses autres oeuvres, sorte de paysage colorimétrique, par lequel elle rend un hommage, visuel et sémantique, à Tony Cragg. Car à l'instar du sculpteur britannique dans ses premières périodes, et notamment dans les années 70, il s'agit bien pour Dominique Torrente de créer une oeuvre à partir des rebuts du monde industriel, fussent-elles ses émanations culturelles comme le sont ces canevas produits en grand nombre pour le grand nombre. Comme Cragg, elle opère ici un travail de recyclage formel, entre fragmentation et recomposition, dans une sorte d'archéologie contemporaine ( voir son oeuvre « Vestiges », 2017)


"Ainsi les débris de la civilisation se déposent en couches successives créant le terrain fertile sur lequel germera le futur", écrit Tony Cragg, signifiant cette réflexion nécessaire sur le sens de l'oeuvre d'art. Par cette oeuvre hommage, comme par d'autres, par ses dessins notamment, qui parfois intègrent des fragments de canevas, le travail de Dominique Torrente semble s'inscrire dans une réflexion proche de la mouvance
slow art. Dans un monde littéralement submergé d'objets en surnombre, réfléchir à la manière dont est produite l'oeuvre (à partir de quels matériaux, dans quelles conditions) et à la légitimité de sa présence au monde ( ce qu'elle dit, ce qu'elle donne, sa nécessité) est inévitable, et Dominique Torrente ne contourne pas cette responsabilité : elle est au contraire, historiquement, politiquement, écologiquement, au coeur
même de son travail.


¹ Arthur Schopenhauer- Aphorismes sur la sagesse dans la vie - Chapitre VI : "De la différence des âges de la vie".
² « Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot "complexus", "ce qui est tissé ensemble". Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble » - Edgar Morin, « La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité », in Revue internationale de systémique, vol. 9, n° 2, 1995
³ Hervé Di Rosa, « père » du concept d' « Art Modeste » et du MIAM (Musée International des Arts Modestes, à Sète), fondé en 2000.

⁴ Dominique Torrente explique que les maisons produisant ces modèles de canevas avaient « parié sur le fait que les femmes allaient introduire un geste de travail de couture (façon tapisserie) et non pas de peinture dans ces reproductions, car la couture était le seul domaine d’expression qui leur était permis. »
⁵ Virginia Woolf – Une chambre à soi - 1929

Un jour le paysage me traversera

Dominique Torrente

Du 21 septembre au 2 novembre 2019

Galerie Le 116Art

116 route de frans
(derrière la gare)
69400 Villefranche-Sur-Saône
tél: 06 60 51 89 22
mail: galeriele116art@orange.f

http://www.galeriele116art.com

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25 juillet 2019 4 25 /07 /juillet /2019 17:03
GRAVITY 3 / SADEK RAHIM au MAMO, Oran: On en parle, dans le Quotidien de l'Art!
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19 juillet 2019 5 19 /07 /juillet /2019 16:15
GRAVITY 3 / SADEK RAHIM au MAMO, Oran: on en parle, dans la Gazette Drouot!
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24 juin 2019 1 24 /06 /juin /2019 16:04
GRAVITY 3 - LE SOLO SHOW de Sadek RAHIM au MAMO, Oran, Algérie- A partir du 7 juillet 2019

Je suis particulièrement ravie et très honorée de pouvoir annoncer l'ouverture, le 7 juillet 2019, de l'exposition personnelle de Sadek Rahim au Musée National d'Art Moderne et Contemporain d'Oran (MAMO), en Algérie, dont je suis commissaire.

Une grande et belle rencontre, avec un artiste, et un pays, une aventure, commencée il y a 2 ans, et qui, je l'espère, va se poursuivre!

Si vous passez en Algérie cet été, l'exposition sera ouverte jusqu'à fin Août!

 

L'exposition solo de Sadek Rahim, intitulée Gravity³, constitue la première exposition d'art contemporain monographique d'envergure présentée au Musée d'Art Moderne et Contemporain d'Oran, ouvert en 2017. Sur près de 4000 m2 carrés, au coeur de la ville et dans les anciens grands magasins (ex Galeries de France, datant de 1922), «Gravity³» déploie tout l'univers de Sadek Rahim, artiste natif et vivant à Oran, que la carrière a mené de Londres à Dubaï, de Buenos Aires à Saint-Louis du Sénégal.

Installations, sculptures, photographies, dessins, vidéo...Près d'une trentaine d'oeuvres de tous médias, toutes produites spécifiquement pour l'exposition, auscultent l'Histoire de l'Algérie, ses richesses et ses renoncements, ses illusions et ses drames et aujourd'hui, plus que jamais, ses espoirs, des espoirs nouveaux, non plus d'hypothétiques Eldorados, mais d'«ici et maintenant».

Première exposition d'art contemporain d'une nouvelle ère, celle d'après Bouteflika, Gravity³ développe une sémantique métaphorique critique à partir de matériaux et de formes iconographiques liés à la culture algérienne se constituant en éléments formels signifiants, dans un processus de confrontation, un dialogue permanent dégageant forces et tensions.

Le béton : c'est d'abord ces cubes que l'on voit le long des ports, sur lesquels les jeunes s'assoient pour observer -et rêver à – l'horizon, et qui souvent ont inspiré Sadek Rahim comme élément symbolique de la force d'inertie frappant la jeunesse algérienne. C'est aussi la matière
de l'architecture et de la construction. Il renvoie alors autant à des projets urbains en déshérence, qu'à l'idée d'un autre monde à édifier.

Le tapis : Depuis plusieurs années, l’immigration clandestine des jeunes algériens vers l’Europe, le déracinement, le désir d'exil, et l'illusion de l'eldorado ont été au coeur du travail de Sadek Rahim. Elément domestique commun à tous les intérieurs algériens, le tapis cristallise, matérialise, l'idée du départ au travers du mythe de la lévitation qui lui est attaché: le tapis « volant » est l'objet qui permet, littéralement, de s'arracher à la pesanteur, de voler vers une destination meilleure.
Chez Sadek Rahim, l'utilisation du tapis comme moyen plastique est une manière de « mettre en échec le mythe du tapis volant comme métaphore de l'échec du mythe de l'eldorado ». Dans Gravity³, le tapis est déconstruit, mis en pièce, disséminé en particules volatiles, réduit en cendres...mais dans le même temps réhabilité en création plastique, comme un nouveau départ.

Le moteur, la pompe et autres mécaniques : Nouvellement venus dans le vocabulaire de Sadek Rahim, les éléments mécaniques font écho au regard critique que pose l'artiste sur la politique économique menée dans le pays depuis plusieurs décennies : ce qui est cassé, obsolète, à l'abandon, au rebut, ce qui a été perdu, gâché, ce qui ne fonctionne plus...Au travers de ces objets de rebut, symbole pour l'artiste d'une Algérie en panne, la sémantique, au propre comme au figuré du « moteur » et de la force motrice est ici convoquée.

C'est ainsi tout l'univers quotidien de l'Algérie dans laquelle vit l'artiste, réapproprié, repensé, avec poésie et acuité, et un regard à la fois critique et confiant.

Enfin, parce que le mouvement est précisément ce qui défie la gravité, Sadek Rahim nous fait entrer dans la danse. Alors, avec la complicité de Melissa Ziad, la très jeune égérie et désormais symbole du « Mouvement » ( le «Hirak», initié le 22 février 2019), de la jeunesse et du renouveau, et la collaboration du chorégraphe Angelin Preljocaj, dont la captation de l'oeuvre « Gravité » sera présentée en exclusivité au coeur de l'exposition, Gravity³ donne, dans son foisonnement d'oeuvres et de sens, matières à voir et à penser les outils critiques, politiques et esthétiques, de la contestation et de l'espoir. En ce moment historique pour l'Algérie, l'exposition de Sadek Rahim rappelle à quel point l'art et la création infusent le sens de l'Histoire, l'exprime, la comprend, et ouvre des voies.

 

SADEK RAHIM
GRAVITY³
MAMO
Musée d'Art Moderne et Contemporain
d'Oran
Oran, Algérie
Du 07 juillet au 31 août 2019

 

Exposition réalisée avec le concours de:

l'Institut français d'Oran

l'Institut Cervantès

Ville d'Oran

Musée National Zabana, Oran

Ministère de la Culture algérien

Association SDH

Association Civ'Oeil

ainsi que

La Société Générale

Belux

Papillon Communication

Royal Hôtel Oran (MGallery)

 

Nos remerciements particuliers à : la Direction du Musée Zabana et du MAMO d'Oran, Lahouari Mesri, Angelin Preljocaj et tous ceux qui soutiennent l'exposition.

 

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