Le 30 juin et le 1er Juillet, l’Espace 111 fête l’arrivée de l’été et clôt en beauté la programmation de la saison avec une exposition foisonnante dans laquelle l’art se déploie sous toutes ses formes!
Dessins, photos, installation, sculptures, vidéo et performance, les expressions se croisent et transcendent les limites.
Sara Grossert, Kim Lan Nguyen Thi, Véronique Petit (avec la collaboration de Lili Bel), Marie Tucat et Karine Zibaut : des femmes de tous les horizons liées, au propre comme au figuré, par un fil rouge, fil conducteur –trace, proximité, frontière- qui mènera le visiteur d’un univers à l’autre, d’un cri à l’autre.
SARA GROSSERT
A l’Espace 111, Sara Grossert présente une dizaine de dessins de grand format de la série des « Mangeurs crieurs », ainsi que des sculptures jouant du visible et de l’invisible.
Les mangeurs crieurs sont nés de l’entremêlement, et du rapprochement, a priori incongru, de l’univers ménager et du processus de création, celui-ci faisant émerger l’œuvre depuis la banalité du geste quotidien. Sara Grossert explique : « Depuis une dizaine d'années, mon lieu de travail est à l'intérieur de mon lieu de vie. Vie familiale, tâches ménagères et création artistique se mélangent sans cesse, parfois jusqu'à se superposer. Les repas avec leur préparation et toutes les activités annexes qu'ils génèrent, suscitent des gestes parmi les plus fréquents et les plus répétitifs. » C’est ainsi que l’acte de se nourrir, et le geste de la nourriture porté à la bouche deviennent, sous son crayon et notre regard, « intéressants ». Dans le même temps, ces bouches ouvertes sont aussi celles du cri, dans une sorte de « contre-sens » : « En juxtaposant Crieurs et Mangeurs », dit encore Sara, « j'ai voulu rendre visible la double fonction de la bouche par laquelle les aliments rentrent pour subsister et les sons (cris) sortent pour dire notre existence. »
Les sculptures issues de la série « Etre Paraître », quant à elles, invitent le spectateur à dépasser l’évidence visible, à s’approcher pour découvrir, en deçà de l’éclat de leur apparence, la part d’ombre et d’intime qu’elles recèlent, comme une personnalité cachée.
Née à Bâle, Sara Grossert vit et travaille à Montreuil. Après avoir étudié à l’Ecole nationale des arts Décoratifs Aubusson et à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, elle collabore avec des décorateurs de théâtre. Entre 1984 et 1988, elle réalise des performances autour d’une peinture avec le musicien Hervé Bourde et le danseur Bruno Dizien. Elle commence à exposer, de la peinture, en 1989 et travaille le volume depuis 1994.
KIM LAN NGUYEN THI
Rouges aussi, les boîtes « En cas de danger, briser la glace » de Kim Lan Nguyen Thi, dispositifs originaux présentant, dans des boîtiers de sécurité, reliés à des écouteurs, des images réalisées à partir d’un protocole bien précis. Ici, les personnes, laissées seules du début à la fin de la captation, sont invitées à crier « jusqu’à épuisement physique ou psychologique », ainsi seules juges des limites de leur acte. Kim Lan Nguyen Thi expérimente ainsi, d’une manière formellement différente mais connexe à celles de Sara Grossert et de Karine Zibaut, la puissance symbolique et expressive du cri. Ici, les différentes vidéos se découvrent comme autant de « partitions visuelles et sonores, questionnant différentes formes d’urgence à exister ».
Sont également présentées des photographies de grand format issues du projet « Transe », mené entre 2007 et 2010, autour de l’univers de la « House dance ». Kim Lan Nguyen Thi explique : « ces instantanés de corps en mouvements sont la base d’une étude du phénomène de transe qui constitue une série de tableaux alliant photographie et travail du métal dans une recherche autour du dépassement des frontières et de l’explosion du cadre. »
Kim Lan Nguyen Thi vit et travaille entre Paris en Bruxelles. Elle est titulaire d’un diplôme de scénographie obtenue à l’ENSATT en 2004 à la suite d’études d’architecture intérieure suivies à l’ENSAAMA de Paris. Dans son travail artistique, Kim Lan Nguyen Thi s’interroge sur « les indices de notre existence », ce qui nous constitue, nous singularise, fait de nous un individu « propre », une individualité. Elle explore ainsi les différentes formes d’expression de notre identité, identité sociale aussi bien que sexuelle, par exemple, et questionne la notion de « reconnaissance », dans une tentative de « poétisation du réel ».
Elle montre son travail, en galerie d’art, mais aussi dans l’espace public ou au théâtre, depuis 2003.
VERONIQUE PETIT
Le soir du vernissage, Véronique Petit réalisera « Défilée », une performance chorégraphique, dans laquelle la robe qu’elle porte, créée par la plasticienne Lili Bel, se détricotera au fil de ses déplacements d’œuvre en oeuvre, laissant, comme une trace, une empreinte de son passage, 500 mètres de fil rouge au sol.
Conception de la performance: Toméo Verges
Le chorégraphe Toméo Verges créé la compagnie Man Drake en 1992 avec le spectacle « Chair de poule » présenté à la Biennale de la danse à Lyon . Depuis il a réalisé une dizaine de pièces créées dans de nombreux théâtres en France et à l'étranger. A partir de 2000, il propose des performances "hors plateau" conçues en fonction des lieux ou d'un événement spécifique.
Véronique Petit est une artiste polymorphe. Actrice, metteur en scène, performeuse, danseuse, auteur, elle a joué sous la direction de Claude Merlin dans "L'enchanteur pourrissant" de Guillaume Apollinaire en 1985 et crée en 1987 la compagnie Théâtre à Grande Vitesse avec Evelyne Pérard, avec qui elle co écrit, met en scène et joue tous le spectacles jusqu'en 2005. Parallèlement, de 1991 à 1993, elle vit à Londres où elle rencontre les artistes du "performing art" et travaille au Place Theatre en tant que coordinatrice de projets, où elle découvre la danse contemporaine. Elle participe avec Oonagh Duckworth et Jean-Marc Adolphe à la création du SKITE, festival des émergences européennes en danse. En 2008 et 2009 elle programme le festival de danse pour le Théâtre de l'Echangeur à Bagnolet et à partir de 2006, elle travaille avec le chorégraphe Toméo Vergès en tant que dramaturge et collaboratrice artistique. (Body Time, 2006, Idiotas 2008, Meurtres d'intérieurs 2010, Anatomia Publica création prévue en 2012)
Elle collabore également aux performances de la plasticienne Marie-Noëlle Deverre, ainsi qu’avec la plasticienne néerlandaise Karen Lancel et aux projets du musicien Cyril Hernandez.
De 1995 à 1999 elle écrit dans les pages Arts/scènes du magazine "Les Inrockuptibles" sous le nom de Véronique Klein. Depuis 2009 elle tient un blog pour le quotidien en ligne Mediapart et intervient depuis septembre 2010 en tant que chroniqueuse à l'émission La Grande Table sur France Culture. Elle a collaboré à la version française de l'ouvrage de Rose Lee Goldeberg "Performances " en 2000 (ed Thames and Hudson) et co-écrit le" Panorama des arts du cirque aujourd'hui' avec Pierre Hivernat (ed Textuels 2010)
MARIE TUCAT
Jeune artiste plasticienne, Marie Tucat présente à l’Espace 111 des sculptures réalisées en fil de fer, jouant sur les lignes et les vides, les volumes et l’espace.
Explorant les notions de corps et de matière, les petites sculptures de Marie Tucat invitent le regard à pénétrer, se perdre, puis s’échapper, des lacis métalliques. Ici à la fois structure et matière, la sculpture de fil tente de remplir son espace, de se faire chair, « être à part entière » dit Marie Tucat.
Après avoir étudié, notamment le travail de la terre et du plâtre, aux Beaux-Arts de la Ville de Paris, Marie Tucat choisit d’explorer essentiellement la sculpture, en 1999, continuant cependant à s’initier, en 2000- 2001 à l’Art mural, la fresque à l'ancienne et la couleur, puis, de 2003 à 2006, au travail des écorces et d'autres matières. Elle expose de manière régulière, notamment dans le cadre de diverses « Portes ouvertes » et expositions collectives, depuis 2006.
KARINE ZIBAUT
C’est autour de la série photographique « Mujer, Tierra y Libertad », travail autour de la maternité, que se sont tissés les liens entre les différents univers des artistes présentées ici, et la récurrence du fil rouge.
Le fil rouge cordon, est, explique Karine Zibaut, « à la base de ce travail, de mon désir de laisser s'exprimer les mères à l'aide de la symbolique. A travers le symbole, on habite la mémoire du corps. Avec « Mujer », créée en parallèle à mon film « Mère », nous explorons le fil de la filiation dans toutes ses dimensions. »
Présentée en 2011 à l’occasion de la Journée de la femme et à l’invitation de l’Espace Beaujon de l’hôpital Beaujon, « Mujer » pose la question : « Etre mère qu’est ce que c’est ? De cette interrogation est né MUJER avec Myoho. C’est une des séances les plus éprouvantes de ma vie, d’une intensité rare. Elle fait écho à cette phrase de Claude Cahun « Je vais jusqu’où je suis, je n’y suis pas encore ». « Mujer, Tierra Y Libertad » s’est « révélé » sur un mur. Dans l‘écaillement du mur, apparaît l’émotion et la vérité de ce que nous avons partagé. Ainsi la photographie délivrée est sincère et juste. Pour Myoho, mon travail est un « révélateur » de femmes. Je me sens simplement une « passeuse ». »
Entrant en résonance avec les dessins de Sara Grossert et les boîtes de Kim Lan Nguyen Thi, Karine Zibaut présente un diaporama de la série « Cri de joie ». Elle écrit : « Dans cette époque trop grise, j’ai rêvé ce projet effervescent, un immense CRI DE JOIE. Le cri si intime retire ce qui n’a pas à être et l’espace d’un instant nous remplit d’une énergie nou- velle, comme un torrent d’énergie pure. Un instant prendre conscience de cette source qui nous traverse et irrigue nos rêves et nos plus belles réalités. J’ignorais à quel point cette aventure humaine allait me nourrir. « Le cri » me ressemble et me rassemble. Il me permet d’être une passeuse. Au cœur du vivant dans ce qu’il a de plus noble et de plus encourageant. VIVANT JE SUIS VIVANT. Voilà ce qui est crié avec jubilation. Offert avec émotion. »
Auteur, interprète, comédienne, Karine Zibaut a également fait de la photographie un de ses moyens d’expression de prédilection. Photographe de l’intime et du corps, elle se fait connaître par « Body and Soul », en 2007, série dans laquelle, à travers le corps, elle cherchait à dévoiler « la vie qui passe, imprègne le cœur et l’âme » et à exprimer un cri muet, « message silencieux jamais délivré » dit-elle, que le corps exulte pourtant. Ses divers travaux font depuis régulièrement l’objet d’expositions et de publications.
« Ecriture, mise en scène, photographie… Depuis dix ans, Karine Zibaut, dans la forêt des expressions, trace son chemin de création. Avec la vidéo, elle a trouvé une « chambre claire » qui lui permet de repousser les murs trop pressants des émotions. A travers ces bulles de lumière, des personnages passent, incarnent des jours pleins de vie, des peurs incandescentes, des nuits peuplées des béances du passé.
Karine Zibaut est une femme qui créée, enfante textes et images dans un monde où les femmes sont toujours là pour divertir, travailler, materner. Trop rarement encore pour penser un monde réconcilié de tous les rôles de la féminité. La force de son travail a jailli dans la plénitude de « Body and soul » dont un premier ouvrage est né. De textes, en films, en happening, une nébuleuse est née. Un univers se créée. Déjà une oeuvre. » (Bénédicte Philippe, texte rédigé lors de la sortie de « MERE » en mars 2011)