The wedding's bracelet ou les chaines infinies- Résine, bracelet bronze, topaze, turquoises, agate - Dimensiosn variables – 2013 – Courtesy l'artiste et Galerie Eva Hober, Paris
Dans le cabinet de Vanités, le crâne translucide de Myriam Mechita s'impose comme un cri silencieux, étalant ses chaînes et pierres comme les restes d'une Méduse baroque. Une vanité, un monstre, un talisman peut-être, l'identification de la puissance du féminin à l'attrait maléfique de la destruction: ce crâne couronné d'un bracelet de mariage serti de tourmalines d'où s'échappent une débauche d'ornements précieux, topazes, agates et turquoises célébre les noces funèbres de l'amour et de la mort. Le bracelet, explique l'artiste, une fois passé au poignet de la mariée, ne peut plus jamais s'en ôter, c'est «le bracelet d'une reine dont le serment sera fatal», désormais figée éternellement au milieu de ses vaniteuses parures.
Rare et puissante est donc cette vanité féminine, au regard de la représentation habituelle de la vanité, dont la dimension baroque renforce le caractère dramaturgique. Ici sont palpables dans leurs contradictions le désir et la dévotion, l'amour mortifère jusque dans la soumission, l'effroi et la fascination, le monstrueux et le sublime.
Toute l'oeuvre de Myriam Mechita se construit sur ces ambiguités, dans lesquelles l’amour, le féminin, en même temps que l’absence et le mort, y compris de la manière la plus violente se trouvent questionnés « en petites scénographies qui sont autant de théâtres de cruauté », pour reprendre l'expression d'Antonin Artaud*. Dans ses installations, les animaux sont amputés mais de leurs cous jaillissent des rivières de perles comme de sang, les saints martyrs décapités sont brodés des paillettes multicolores, les femmes sont au paroxysme du désir ou de la mort (absolut agony, 2010, revisitant l'extase de Sainte-Thérèse du Bernin), dans une esthétique baroque, réinventant et transcendant plastiquement ces sujets classiques de l'histoire de l'art, qu'il s'agisse comme le note encore Evelyne Toussaint* , des « représentations de Persée tenant la tête de Méduse, du festin d'Hérode et de la décollation de saint Jean Baptiste, de David et Goliath, de Judith et Holopherne, ou du martyre de saint Euloge (…),de Saturne dévorant son fils peinte par Goya », ou encore, des Martyres de Saint Cosme et Damien par Fra Angelico.
La chute, le morcellement et la dislocation, la disparition, l'absence, liés au féminin et au désir – qui est, pour Myriam Méchita, « au centre de tout, du regard, de l’amour, de l’angoisse de la mort » - s’entremêlent dans cette « figure-valise de l’intime: corps, hantise, répétition, solitude, souffrance, énigme»* dans des oppositions irrésolues.
« La vie, la mort, la souffrance, le plaisir sont des notions ambivalentes qui se heurtent dans mon travail, comme dans le quotidien. […] mes réalisations sont toujours contradictoires. Il y a des perles et des paillettes certes, mais il y a aussi des dessins réalisés à la perceuse et d'autres créations très brutes. Ce qui m'intéresse, c'est la tension entre l'apparence des choses et ce qui est caché au premier regard. J'oscille en permanence entre la sophistication et la radicalité. J'essaye de comprendre comment rassembler ces extrêmes »**. Myriam Mechita, née en 1974, est une artiste française vivant et travaillant entre Berlin et Paris.
* d'après Evelyne Toussaint dans « Une Mélancolie exubérante » . mai 2011
** Entretien avec Erika Bretton, novembre 2010