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2 avril 2020 4 02 /04 /avril /2020 13:01
Eden-Roc Pool, photographie imprimée sur papier, 40 x 30 cm, 1973, reprint 2020 - C. Slim Aarons

Eden-Roc Pool, photographie imprimée sur papier, 40 x 30 cm, 1973, reprint 2020 - C. Slim Aarons

Touche vintage de l'exposition, qui en ouvre la deuxième partie, cette photo de Slim Aarons illustre combien le mythe de la Riviera a contribué à l'essor du tourisme, de luxe et de masse, autour de la Méditerranée.

Slim Aarons est un personnage fascinant. Reporter de guerre, il décide, après 1945, de faire table rase du passé et de ne plus s'intéresser qu'au luxe et à la volupté. Il parvient à s'introduire dans les milieux les plus huppés de la société américaine, et devient LE photographe de la jet-set et des stars. 

Un bel ouvrage, récemment publié chez Vuitton - et consultable dans l'exposition- montre un curieux monde disparu. Ces photographies de la vie des riches en vacances nous paraissent aujourd'hui particulièrement vulgaires d'ostentation et font écho au travail de Martin Parr. Pourtant, à la différence de Parr, il n'y a aucun second degré chez Aarons.

En ces temps de confinement, on trouvera pas si mal cette photo qui envoie du rêve, la piscine de l'Eden Roc au bord du la grande bleue, du bleu, du bleu, du bleu, le ciel et la mer...

TOURISTE! Visite guidée 8 - Les estivants...Slim Aarons
Photo C. Laura Hawk

Photo C. Laura Hawk

Slim AARONS

Eden-Roc Pool, photographie imprimée sur papier, 40 x 30 cm, 1973, reprint 2020 -

Slim Aarons, ancien photographe de guerre disait que la seule plage qui valait la peine qu’on y débarque était celle qui était « ornée de ravissantes jeunes femmes dénudées, bronzant sous un soleil tranquille. ». Les photograhies raffinées de Slim Arrons, comme ce cliché de la célèbre piscine de l'Hôtel du Cap Eden -Roc, à Antibes, ode au rêve méditerranéen et aux vacances d'élite, offre un regard ébloui sur le rêve de vacances éternelles et éternellement chics.

Chez Slim Aarons, les piscines sont aussi bleues que le ciel, les femmes passent leurs journées à bronzer et le vernis des Riva brille au soleil. Pool-party à Capri, bain de soleil à Saint-Tropez, apéritifs à Acapulco...Ses portraits et ses reportages paraissent dans Life, Harper Bazaar, Flair, Vogue et surtout Holiday, " un magazine de voyage sur papier glacé de la nouvelle jet set " fondé en 1946 et précurseur d' « un tourisme qui a du style. »

la French Riviera : un autre monde, une autre époque, définitivement close.

TOURISTE! Visite guidée 8 - Les estivants...Slim Aarons

George Allen Aarons dit Slim Aarons (1916-2006) est un photographe américain connu pour ses photographies de la haute société dans les années 1950, 1960 et 1970.

D'abord photographe militaire, sa rencontre avec le cinéaste Frank Capra lui ouvre les portes d’Hollywood. A l'instar de la jet-set des trente glorieuses, d'Hollywood à Rome, de New York à la Jamaïque, de Gstaadt à la côte d'Azur, il s'agit pour lui de faire table rase d'une société brisée par la guerre et se plonger dans une vie mondaine. En plein âge d'or du cinéma américain ou italien, le temps est à la Dolce Vita, et à la liberté. Il se spécialise alors dans les clichés de célébrités et de mondanités, toujours dans les endroits les plus somptueux possibles. « Photographier des gens attirants faisant des choses attirantes dans des endroits attirants », tel est le credo qui le rendit célèbre dans le monde entier. Son personnage et son appartement de Manhattan ont d'ailleurs inspiré le personnage de James Stewart dans « Fenêtre sur cour », d'Alfred Hitchcock.

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1 avril 2020 3 01 /04 /avril /2020 13:10
Bird of pray ( Travelling with the inner enemy) – Aluminium, fibre de verre, résine, plastique, lumière LED – 25 x 127 x 27 cm – 2013 – Courtesy l'artiste

Bird of pray ( Travelling with the inner enemy) – Aluminium, fibre de verre, résine, plastique, lumière LED – 25 x 127 x 27 cm – 2013 – Courtesy l'artiste

La proximité de Mitry Mory avec l'aéroport de Roissy m'avait motivée à proposer ici cette exposition, sachant que près de 1500 avions passent chaque jour devant les fenêtres de l'espace d'art. Parfois, malgré les doubles-vitrages, on entend distinctement la poussée des réacteurs des avions qui décollent...C'est pourquoi il me paraissait indispensable d'évoquer l'activité aéroportuaire dans l'exposition.

Cette oeuvre d'Arnanud Cohen était à ce titre intéressante par sa pluralité sémantique, qui s'enrichit indéniablement d'un sens nouveau au regard de ce que nous vivons...Cet avion vide, l'étrangeté de l'atmosphère - cette lumière verte- et ce "machin rose" comme un blob envahissant dont on ne sait que faire... et la sensation de menace, figurée par ce bras armé, prennent aujoud'hui un autre sens encore...

Bird of pray ( Travelling with the inner enemy) – Aluminium, fibre de verre, résine, plastique, lumière LED – 25 x 127 x 27 cm – 2013 – Courtesy l'artiste

Bird of pray ( Travelling with the inner enemy) – Aluminium, fibre de verre, résine, plastique, lumière LED – 25 x 127 x 27 cm – 2013 – Courtesy l'artiste

Arnaud COHEN

Bird of pray ( Travelling with the inner enemy) – Aluminium, fibre de verre, résine, plastique, lumière LED – 25 x 127 x 27 cm – 2013 – Courtesy l'artiste

 

Oeuvre à double détente, « Bird of pray » se présente d'abord comme la maquette d'un intérieur d'avion : bienvenue à bord ! Mais, contournant la carlingue vers son nez, on se retrouve face à un bras armé qui pointe, menaçant.

Polysémique, comme souvent les oeuvres de Cohen, on ne sait s'il s'agit là d'une évocation de la peur du terrorisme – lorsque chaque passager devient potentiellement pour les autorités comme pour soi, un possible kamikaze-, ou de cette dissonance cognitive entre injonction à voyager, de plus en plus pour de moins en moins cher, et culpabilité. Aujourd'hui, en montant dans un avion, on emporte avec soi non seulement sa paranoïa mais aussi sa flygskam, mot suédois désignant «la honte de prendre l'avion». Nul ne peut ignorer l'impact climatique de l'aviation de masse, mais peu, parmi ceux qui ont les moyens de se payer un billet, sont capables de se priver de ce plaisir coupable. Pour le citoyen « responsable », l’avion fait partie de ces petits arrangements avec la conscience écologique. Pourtant, s'offrir des voyages en avion et proclamer en même temps vouloir préserver la planète, nous sommes sommés de choisir, sous la menace de notre bilan carbone.

TOURISTE! Visite guidée 7 - Welcome on board...Arnaud Cohen

L'oeuvre d'Arnaud Cohen aborde le sujet de la responsabilité individuelle dans l'édification de destins collectifs. Il puise ses références autant dans les pratiques situationnistes que dans les mythes et allégories. Sa pratique, relevant souvent de l'appropriation, le porte vers des formes sociales et esthétiques diverses, depuis des objets identifiés tels que sculptures ou installations jusqu'à des « objets » plus iconoclastes, comme une fondation, une piste de danse ou une émission de télé-réalité. Son travail, entre Histoire et fiction, est régulièrement présenté dans des évènements internationaux, telles que les Biennales de Dakar, de Venise, d'Amérique du Sud, du Caire, et en France, au Palais de Tokyo, au Mémorial de la Shoah, en résidence au Musée de la Chasse et de la Nature. Son travail a fait l'objet de plusieurs expositions personnelles, notamment au Musée Synodal de Sens, à Berlin, à Cologne, et cette année, au Musée National d'Art Contemporain de Bucarest ainsi qu'à la biennale de Kampala.

Né en 1968, Arnaud Cohen vit et travaille entre Paris et son île-usine-atelier du Poitou.

 

TOURISTE! Visite guidée 7 - Welcome on board...Arnaud Cohen
TOURISTE! Visite guidée 7 - Welcome on board...Arnaud Cohen
TOURISTE! Visite guidée 7 - Welcome on board...Arnaud Cohen
Arnaud Cohen, et dx des toirs UNTEL, au vernisssage!

Arnaud Cohen, et dx des toirs UNTEL, au vernisssage!

TOURISTE! Visite guidée 7 - Welcome on board...Arnaud Cohen
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31 mars 2020 2 31 /03 /mars /2020 12:06

C'est avec une grand joie que j'ai pu obtenir le retirage de cette photographie, dont je connais l'existence depuis longtemps, de John Isaacs. c'est une partie moins connue du corpus de cet artiste anglais issu du groupe des Young British Artists, surtout renommé pour ses incroyables sculptures violemment critiques, que certains d'entre vous auront peut-être pu voir notamment à feu La Maison Rouge

Oeuvre de John Isaacs appartenant à la collection Antoine de Galbert

Oeuvre de John Isaacs appartenant à la collection Antoine de Galbert

Plus modeste mais tout aussi éclairante, "Voices fom the ID" est une photographie fascinante, qui sans doute fait écho à mon "aérodromophobie", que je maîtrise avec peine.

Voices from the ID - aeroplane – C-print sur Dibond, 01 / Ed. De 6 – 70 x 93 cm - 2001 – Courtesy l'artiste

Voices from the ID - aeroplane – C-print sur Dibond, 01 / Ed. De 6 – 70 x 93 cm - 2001 – Courtesy l'artiste

John ISAACS

Voices from the ID - aeroplane – C-print sur Dibond, 01 / Ed. De 6 – 70 x 93 cm - 2001 – Courtesy l'artiste

 

Un avion saisi en plein vol, rappelant cette étrange vision d'immobilité que l'on peut souvent constater en levant les yeux vers le ciel mitryien. Une vision absurde, impossible, renforcée par celle, plus fantasmatique encore, de ces bagages ficelés sur la carlingue, comme sur le toit d'une voiture en partance pour quelque transhumance estivale.

Sans indice particulier pourtant, cette image a quelque chose d'inquiétant et d'inconfortable, comme la sensation d'un danger sournois; elle est à l'image de ce que John Isaacs souligne, au travers de ses œuvres, qu'il s'agisse de ses célèbres sculptures de chairs baveuses ou de ses photographies, de la société contemporaine, entre grandeur et décadence, perdue par ses excès. Son avion est l'équivalent d'un train fantôme sur fond de ciel bleu, dont on ne sait s'il atteindra jamais sa destination, surtout si elle est censée être paradiasiaque.

TOURISTE! Visite guidée 6 - Welcome on board! ..John Isaacs

John Isaacs s'inscrit dans la lignée des artistes Young British Artists (Damien Hirst ou les Frères Chapman). Son travail, connu pour ses impressionnantes sculptures de chairs, réalisées en cire à la manière des écorchés du XVIIe siècle, explore la manière dont nous percevons notre monde, et la manière dont il existe réellement, nourrie par nos désillusions de consommateurs, mais vouée à l’effondrement face à une réalité reniée. Depuis 1990, Isaacs produit des œuvres majeures qui ont été exposées dans de nombreuses institutions de renommée internationale (Exposition Young British Artists 6 chez Saatchi Londres (1993)), «Century City» à la Tate Modern, «Minimal Maximal» au Musée National de Kyoto (2001), il a également fait l'objet d'une exposition à la Maison Rouge, à Paris.

Né en 1968 à Lancaster (R-U), il vit et travaille entre Londres et Berlin.

 

TOURISTE! Visite guidée 6 - Welcome on board! ..John Isaacs

Merci à John Isaacs pour son enthousiame!

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30 mars 2020 1 30 /03 /mars /2020 13:48
Les chemises TOURISTE de UNTEL dans le pavillon de l'Exil ( Mai 2018 - St Louis du Sénégal) - En arrière plan, photographie de Gohar Dashti, Vidéo de Sophie Bachelier, et dans la tente, une oeuvre sonore de Mohamed El Baz

Les chemises TOURISTE de UNTEL dans le pavillon de l'Exil ( Mai 2018 - St Louis du Sénégal) - En arrière plan, photographie de Gohar Dashti, Vidéo de Sophie Bachelier, et dans la tente, une oeuvre sonore de Mohamed El Baz

Dans le cadre de l'exposition "Pavillon de l'Exil", co-curaté avec mounir fatmi pour l'Institut français de Saint-Louis au Sénégal ( pour la Biennale de Dakar), nous avions montré pour la première fois en 2018 deux chemises Touriste, issue de la réédition organisée par Michèle Didier en 2015. Ces deux chemises, installées à l'étage de la Galerie du Fleuve, comme deux touristes au bastingage d'un navire de croisière, rappelaient la douloureuse rencontre du tourisme et de la migration, dans cet espace qui, ouvert sur le fleuve Sénégal, semblait un perpétuel appel au départ, de la tragédie au loisir. Cet aspect, essentiel, se retrouve ailleurs dans l'exposition Touriste!, et sera développé plus avant dans le second volet. 

Untel, la chemise Touriste- Deux chemises homme / femme - Polycoton blanc sérigraphié quadrichromie – Ré-édition 2015 – © UNTEL et mfc- michèle didier – Collection particulière

Untel, la chemise Touriste- Deux chemises homme / femme - Polycoton blanc sérigraphié quadrichromie – Ré-édition 2015 – © UNTEL et mfc- michèle didier – Collection particulière

Revoilà donc la chemise Touriste, dans un autre contexte. J'avais très envie d'approfondir sur le travail d'UNTEL autour des performances Touriste, datant de 1978, à la fois "vintage" et d'une incroyable modernité.

Dans le cadre de l'exposition, l'idée a été de suggérer une sorte de "boutique", ou de comptoir d'aéroport, dans lequel on trouverait de quoi se transformer en touriste avant de prendre l'avion: badges, autocollants à coller sur ses valises, passeports de touriste, etc...ainsi que bien sûr les fameuses chemises, et une sélection de photographies issues de la documentation d'UNTEL à propos de la performance de Cahors et du défilé dans la Grande Galerie du Louvre.

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL

Je voulais ici particulièrement remercier Philippe Cazal pour avoir suggéré et permis l'utilisation de cette superbe photo pour l'affiche et l'invitation de Touriste!

UNTEL, Cahors, 1978

UNTEL, Cahors, 1978

Ce fut une belle aventure qui m'a permis aussi de découvrir de manière plus approfondie le travail historique d'UNTEL et de rencontrer Jean-Paul Albinet et Alain Snyers. Merci à eux pour leur enthousiasme!

Alain Snyers, au vernissage de Touriste!

Alain Snyers, au vernissage de Touriste!

Jean-Paul Albinet, de 1978 à 2020!

Jean-Paul Albinet, de 1978 à 2020!

UNTEL au complet!

UNTEL au complet!

UNTEL (Albinet / Cazal / Rouff, pour la performance « Touriste » - Albinet/ Cazal/ Snyers, pour UNTEL)

Untel, la chemise Touriste- Deux chemises homme / femme - Polycoton blanc sérigraphié quadrichromie – Ré-édition 2015 – © UNTEL et mfc- michèle didier – Collection particulière

Untel, la pochette Touriste – 6 Séries d'éléments sous pochette plastique: un dépliant, un passeport, un badge, un magnet, 4 autocollants – Dimensions variables – 2015- © UNTEL et mfc- michèle didier

 

Les artistes se rêvent souvent en voyageurs, sans doute sont-ils le plus souvent touristes, eux aussi. Certains, comme les artistes d'UNTEL, choisissent de revêtir (au sens propre) le costume du touriste et d'en faire matière à performance.

Dans la première salle de l'exposition est présenté un ensemble d'objets et de documents, sous la forme d' un comptoir de vente qui pourrait prendre place dans un terminal d'aéroport, permettant d'acquérir tout ce qu'il faut pour se préparer à être « touriste », avant de prendre l'avion : passeports, vêtements adéquats, et signes de reconnaissance. Tous ces objets ont été imaginés par Untel, un collectif de trois artistes qui furent actifs entre 1975 et 1980.

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL

En juin 1978, UNTEL réalise une performance intitulée "Touriste". Elle consistait à déambuler dans les rues de Cahors et à se faire prendre en photo en duo par un passant, cette action étant simultanément photographiée par le troisième membre du trio. Chacun était vêtu d’une veste et d'un pantalon de peintre en bâtiment blanc, tee- shirt blanc, intégralement sérigraphiés du mot TOURISTE. « Le lettrage et la disposition fait penser à ces anciennes valises, recouvertes d’étiquettes au nom des destinations parcourues – Shangaï, Berlin, Las Vegas, London…- Mais, là où la valise bruisse de noms multiples et exotiques, le statut imprimé sur le costume est, lui, obstinément répété – Touriste, Touriste, Touriste – comme une identité à laquelle il serait impossible d’échapper.» (N. Léger).

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL

Puis, le 16 octobre 1978, lors de leur performance FASHION SHOW, dans la Grande Galerie du Louvre, UNTEL défile, présentant sa collection TOURISTE, détournant un temps le public des chefs d'oeuvre de l'Histoire de l'art.

En 2015, l'exposition «L'art d'être touriste» réactive la performance et donnant lieu à la production des objets et vêtements présentés ici.

Depuis 1978, le contexte a changé mais les propositions radicales d'UNTEL interrogeant l'acte consumériste restent d'une grande actualité. Les enjeux complexes de l'industrie du tourisme sont devenus cruciaux, et le monde de l'art contemporain n'y échappe pas, transhumant de foires en biennales.

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL

UNTEL TOURISTE avec la participation de Wilfrid Rouff – Paris, Octobre 1978

Fashion Show, 1978 - Présentation et commentaire à haute voix de la Collection Touriste - Performance, Grande galerie, Musée du Louvre, Paris

En avant-première / UNTEL présente aujourd’hui / dans la grande galerie du musée du Louvre / sa collection très colorée / « TOURISTE » / JEAN-PAUL / N°1 / veste blanche / pantalon ajusté blanc / au motif répétitif / au graphisme étudié / maillot de corps cerise / encolure ras du cou / harmonisé au costume / N°2 / PHILIPPE / porte un ensemble neige / très confortable / imprimé de couleurs vives et dynamiques / veste décontractée / boutonnée sur le devant / pantalon droit / T-shirt, coloris abricot / Le 3 / WILFRID / a revêtu un complet white tout simple / veste aux poches surpiquées / pantalon sport / polo 100% coton / manches courtes / impression polychrome / le tout reste très original et jeune / À la ville comme en week-end / ces tenues très légères / à porter en toutes circonstances / restent néanmoins très classiques / Les badges et accessoires / sont aussi une création UNTEL.

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL

UNTEL est un groupe d’artistes constitué de Jean-Paul Albinet, Philippe Cazal et Alain Snyers qui, de 1975 à 1980, donnèrent vie à de nombreuses actions dans l’espace public. L’investigation d'un quotidien moderne et urbain – une investigation critique, très imprégnée de mai 68 et de la pensée situationniste- constitue l'essence de ces actions et positionne historiquement UNTEL comme post-Fluxus. Mettant en évidence, avec une douce ironie, la banalité et l’insignifiance de ce qui constitue notre quotidien dans ses contradictions et ses aliénations, UNTEL utilise tous les supports et modes d’expression: photographies, films, enregistrements sonores, environnements, gestes, actions corporelles, objets fabriqués, etc. systématiquement documentés et pouvant être réactivés. Ainsi, «La ville 365 jours par an» collecte photographiquement des (non) évènements quotidiens tandis que «Faits divers» documente les actions du groupe. En 1975, au Grand Palais, ils rejouent le «Déjeuner sur l'herbe». En 1977, «Vie quotidienne», au musée d’art moderne de la Ville de Paris, présente 2500 objets du quotidien (journaux, tracts, objets trouvés dans la rue), conditionnés sous vide, à la manière d'un supermarché. Dans «Plus rien à vendre, tout à échanger», ce sont des centaines de déchets qui sont plastifiés et exposés sur un étal du marché de Chalon-sur-Saône. Le groupe se dissout en 1981, apposant pour l'occasion une plaque «commémorative» au Jardin des poètes à Paris.

TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL
TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL
TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL
TOURISTE! Visite guidée 5 - l'Outlet ...UNTEL
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27 mars 2020 5 27 /03 /mars /2020 12:55

Les médias et la publicité nourrissent de manière insistante et massive nos désirs de voyage. Même si aujourd'hui, du fond de nos confinements, cela semble (provisoirement) absurde et obsolète, le poids de la publicité dans l'industrie du voyage et du tourisme est essentielle, et l'histoire des deux industries se rejoint. 
C'est cette dimension qui m'a intéressée dans le travail de Monk, graphiste belge dont j'ai découvert l'oeuvre au hasard de mes recherches, sa manière de se réapproprier un langage graphique "vintage" pour affronter des problèmatiques très contemporaines soulevées par le tourisme et le tourisme de masse. 

Le travail sur cette série intitulée "Visit" est d'une redoutable efficacité, à double détente, attriant l'oeil avant que l'on en découvre et comprenne le sens et la charge critique. 

Je présente dans l'exposition deux oeuvres tirées au format affiche et présentées comme telles, et ici, dans la première salle de l'exposition comme une invitation au voyage: Visit Phuket!

Monk - Visit Phuket – Série Visit –Tirage sur papier affiche – 100x 75 cm –  2016-  Courtesy l'artiste

Monk - Visit Phuket – Série Visit –Tirage sur papier affiche – 100x 75 cm – 2016- Courtesy l'artiste

Monk

Visit Phuket – Série Visit – Tirage sur papier affiche – 100x 75 cm – 2016- Courtesy l'artiste

Les deux créations de l'artiste belge Monk sont présentées ici pour la première fois en format «affiche», à l'instar des affiches touristiques dont elles sont inspirées. Véritables invitations au voyage, les affiches touristiques naissent avec l'invention de la lithographie à la fin du 19ème siècle, et connaissent leur apogée dans les années 30, avec l'émergence des congés payés. Compagnies de chemin de fer, en plein essor, et de navigation deviennent les premiers commanditaires de ces affiches, instruments de promotion idéaux pour susciter le désir de villégiature des potentiels voyageurs. Il s'agit de mettre en avant à la fois le pittoresque et le chic de destinations dans une approche esthétique spécifique, presque contemplative, valorisant l'idée même de voyage, et l'enchantement de l'ailleurs, de la « French Riviera » aux plages de Deauville, du tourisme d'hivernage à Alger au safari en Congo belge.

 

Au premier plan, oeuvre d Arnaud Cohen

Au premier plan, oeuvre d Arnaud Cohen

Dans la série «Visit», Monk s'approprie les codes de l'affiche touristique et les détourne pour présenter de manière frontale et grinçante un envers du décor. Monk a puisé son inspiration dans un poster de 1936 de Franz Krausz, «Visit Palestine», conçu pour encourager l’immigration en Israël, plus de dix ans avant sa «création» et devenu depuis, un symbole de résistance.

"Visit Palestine", Frank Krausz, 1936

"Visit Palestine", Frank Krausz, 1936

«Visit Phuket»: En Thaïlande, comme dans de nombreux pays d'Asie du Sud-Est, la prostitution, bien qu'officiellement réprimée, est un véritable argument touristique. Au-delà de la prostitution «traditionnelle», le tourisme pédocriminel constitue un fléau masqué, mais bien présent. Dans les hôtels, depuis 2017, les touristes se voient remettre un dépliant rappelant que les relations sexuelles avec les enfants constituent un crime, pourtant des études menées par l'ONG ECPAT, estiment le nombre des victimes à plus de 40 000, et les mineurs constitueraient 40% des prostitués en Thaïlande. Ultime forme marchande du loisir, illustration de l’exploitation de la misère, le tourisme sexuel ne cesse de s’étendre sous la pression de la mondialisation, tant libérale que touristique, amplifiée par les crises économiques ou sociétales. De (rares) études montrent que, sur un milliard de touristes internationaux chaque année, 10 % environ choisiraient leur destination vacancière en fonction de l’offre sexuelle locale. Et si le tourisme sexuel est un phénomène planétaire, l’Asie reste le continent le plus touché.

TOURISTE! Visite guidée 4 - L'appel au voyage, MONK

Monk est un street-artist, graphiste et pochoiriste belge, vivant et travaillant à Bruxelles. Artiste engagé, Monk se veut citoyen du monde et crée des propositions graphiques toujours critiques et chargées de sens.

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26 mars 2020 4 26 /03 /mars /2020 10:40

3ème oeuvre évoquant la cartographie comme point de départ du "rêve de partir", cet Atlas dessiné de Bogdan Pavlovic aborde de manière très personnelle l'infinie diversité du monde.

En accord avec l'artiste, nous avions envie que le public puisse tourner les pages de cet Atlas , plutôt que de le tenir "confiné" dans une vitrine..d'où les gants blancs!

TOURISTE! Visite guidée 3 - Ouverture de l'exposition: livres, cartes, planisphères et Atlas...Bogdan Pavlovic

Puis, se dessinait l'idée, avec la découverte d'un continent inconnu, "l'astralia", d'un "tourisme" nouveau, d'un tourisme de l'avenir peut-être: puisque le monde terrestre est à peu près entièrement dévoilé et potentiellement objet de tour operators, il nous reste les abysses et l'espace...

Bogdan PAVLOVIC  Another Country Project- Atlas – Dessins, techniques mixtes sur atlas – 40 x 28 x 3 cm – 2018 – Courtesy l'artiste

Bogdan PAVLOVIC Another Country Project- Atlas – Dessins, techniques mixtes sur atlas – 40 x 28 x 3 cm – 2018 – Courtesy l'artiste

Bogdan PAVLOVIC

Another Country Project- Atlas – Dessins, techniques mixtes sur atlas – 40 x 28 x 3 cm – 2018 – Courtesy l'artiste

Qui n'a jamais rêvé devant les pages ouvertes d'un Atlas de contrées lointaines, de paysages merveilleux, d'espaces inconnus? Rien de plus propice à nos imaginaires touristiques que ces cartes du monde et souvent, nos envies de voyage commencent là. Avec « Another country project- Atlas », Bogdan Pavlovic explore la cartographie de son propre imaginaire, en recouvrant les pages d'un Atlas de dessins, représentations diverses, scènes, animaux, personnages, comme une multiplicité de points de vue sur un monde à la fois limité dans son espace et infini par ses représentations et ses possibles. Puis au fil des pages, les espaces imaginaires, entre ciel et terre, prennent le pas sur une cartographie réelle. Avec « Astralia », l'artiste redessine la carte d'un monde nouveau, d'un autre monde encore à explorer, qui, dans le même temps, n'est pas sans faire penser à l'Ile d'Utopie, que Thomas More dessina au XVIè siècle.

TOURISTE! Visite guidée 3 - Ouverture de l'exposition: livres, cartes, planisphères et Atlas...Bogdan Pavlovic

Bogdan Pavlovic est un artiste pluridisciplinaire travaillant le dessin, la peinture et le collage, ainsi que la photographie, l'animation vidéo et l'installation. Depuis 2008, il utilise un type de moquette spécifique comme support pour la réalisation de plusieurs séries de peintures. Le noir & blanc, et le rouge, omniprésent dans ses oeuvres, sont des éléments récurrents de son langage. A travers ses créations, de manière expressive et simple, Bogdan Pavlovic fait la connexion entre l'universel et le personnel, le documentaire et l'imaginaire.

Ses œuvres font partie de nombreuses collections publiques notamment en France et en Serbie. Né en 1969 à Belgrade, en Serbie, diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts (ENSBA) de Paris en 1997, Bogdan Pavlovic vit et travaille à Paris.

Avec l'oeuve de John Isaacs en arrière- plan..à découvrir demain!

Avec l'oeuve de John Isaacs en arrière- plan..à découvrir demain!

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25 mars 2020 3 25 /03 /mars /2020 11:48

Deuxième jour de visite, on continue ! Cette introduction à l'exposition au travers de l'évocation de la carte et des cartographies du monde passe par cette petite pièce de Brankica Zilovic.

Dans un autre contexte spatial, j'aurai opté sans doute pour un de ses grands planisphères  mais ici, faute de place, j'ai choisi cette oeuvre plus intime faisant partie d'une série intitulée "No longer mine".

 

J'avais eu l'occasion d'écrire un long texte sur le travail de Brankica Zilovic lors de sa dernière exposition personnelle à la Galerie Laure Roynette, et notamment sur cette série et ce sentiment étrange qu'elle partage avec nombre de ses compatriotes de "venir d'un pays qui n'existe plus", comme a pu le dire Marina Abramovic

No longer mine 12 – Broderie sur livre – 19 x 25 cm – 2019 – Courtesy l'artiste et Galerie Laure Roynette, Paris

No longer mine 12 – Broderie sur livre – 19 x 25 cm – 2019 – Courtesy l'artiste et Galerie Laure Roynette, Paris

Ici est mise en avant la dimension onirique et poétique de l'appropriation du langage cartographique par les artistes et de la manière dont ils produisent ainsi une interprétation, une vision du monde, dans lequel le déplacement est essentiel. C'est aussi un clin d'oeil à tout ce qui se rapporte à une littérature: récit de voyage, odyssées et épopées, livres d'aventures...

 

Brankica ZILOVIC

No longer mine 12 – Broderie sur livre – 19 x 25 cm – 2019 – Courtesy l'artiste et Galerie Laure Roynette, Paris

Cette œuvre délicate de l'artiste serbe Brankica Zilovic opère la rencontre du la carte et du fil, ouvrant à un univers propice au rêve, à la poésie. La relation de Brankica Zilovic avec les cartes et les territoires commence à l'orée de «La Pangée» (son premier «planisphère», 2011) et se poursuit depuis, inlassablement. En parfois très grands formats ou de manière, comme ici, plus intime, elle explore les frontières, les fractures, les schismes, les rifts, les mers et les territoires. Comme d'autres artistes contemporains, et malgré Google Maps, la carte agit sur elle comme un objet de question et de représentation, non pas tant du réel que d'un espace mental, d'une projection de l'ordre de la mémoire, de l'imaginaire et du désir. Autrement dit, la carte fait toujours rêver. Cette vision sélective, subjective, et poétique de monde pourrait s'appréhender comme une riposte à l'abstraction et à la dématérialisation du monde contemporain. Elle rend un territoire, fusse-t-il fictionnel, mais visible, à un monde paradoxalement en invisibilité, «sans corps ni visage» (N. Bourriaud). Ces cartes-là parlent d'un monde ouvert, et multiple, un «Tout Monde», comme le définissait Edouard Glissant, penseur auquel elle aime se référer. Sa réflexion, comme sa pratique, prend appui sur cette idée d'interpénétration des cultures et des imaginaires, d'un monde qui perdure et/mais qui change, d'où son vif intérêt pour les images d'ici et d'ailleurs, les cartes et les livres, son insatiable curiosité de tout, qu'elle assouvit dans ses voyages, histoire de vérifier que la terre est bien «en partage pour tous». Ses œuvres sont à l'image de ce monde-là, mouvantes, chaotiques. Par le travail de la broderie et des fils, les éléments s'y croisent, se rencontrent, surgissent, disparaissent, se transforment. Et en brodant des livres anciens de cartes, laissant s'échapper du bleu de la mer des fils pareils à des torrents, elle les réactive d'une certaine manière. Objets de savoir et d'imaginaire en passe de disparaitre dans le vortex numérique, ils persistent et redeviennent, par l'art, objet d'une transmission et d'une histoire.

Au premier plan, oeuvre de Bogdan Pavlovic, à découvrir demain...

Au premier plan, oeuvre de Bogdan Pavlovic, à découvrir demain...

Brankica Zilovic travaille à partir de matériaux issus de l'univers du textile , lesquels donnent lieu, au moyen d'installations et de configurations picturales, à des pièces mêlant biographie individuelle et collective. Marquée par les paysages enneigés des Alpes dinariques de son enfance aussi bien que par le contexte et l’histoire de la Serbie, elle coud, tisse ou brode des compositions réticulaires qui prennent l’allure de paysages mentaux. Ses travaux s’inscrivent ainsi à la croisée de considérations individuelles et de préoccupations historiques voire politiques. Depuis plusieurs années, elle développe un travail parfois monumental et parfois plus intime autour de la cartographie dans lequel elle développe une sorte de sémantique du fil. Elle expose régulièrement en France et à l'étranger. Parallèlement à sa pratique artistique, elle dispense des cours dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur, à Paris, et aux Beaux-Arts d'Angers.

Née en 1974 en Serbie, Brankica Zilovic vit et travaille à Paris.

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24 mars 2020 2 24 /03 /mars /2020 13:15

C'est souvent comme cela que commencent les envies de voyage: un planisphère, un Atlas, des cartes de pays lointains, des noms de villes qui font rêver...c'est ainsi qu'ouvre l'exposition, avec trois oeuvres évoquant cette dimension à la fois physique et imaginaire du voyage.

A l'heure ou le voyage ne peut plus être qu'un projet et tout déplacement impossible, il serait intéressant de savoir comment Marco Godinho, artiste nomade par excellence, envisage à l'avenir son travail et sa pratique!...

Marco GODINHO  Le monde nomade #1 - Cartographie physique ou politique, découpée en 60 bandes verticales - Dimensions variables  - 2006 – Courtesy l'artiste et 49 Nord 6 Est-FRAC Lorraine

Marco GODINHO Le monde nomade #1 - Cartographie physique ou politique, découpée en 60 bandes verticales - Dimensions variables - 2006 – Courtesy l'artiste et 49 Nord 6 Est-FRAC Lorraine

Marco GODINHO

Le monde nomade #1 - Cartographie physique ou politique, découpée en 60 bandes verticales - Dimensions variables - 2006 – Courtesy l'artiste et 49 Nord 6 Est-FRAC Lorraine

«Le monde nomade», c'est le monde en mouvement, et le mouvement sur le monde, l'appel au départ, au voyage et à la découverte, un idéal de mobilité dans un monde mobile!

Une mappemonde en papier a été découpée en soixante bandes verticales individuelles, correspondant à la mesure du temps, en secondes et en minutes, comme autant de fuseaux, de longitudes, arbitraires. Les minces bandes, qui s’enroulent sur elle-mêmes, se déroulent lentement selon la température et composent une cartographie mouvante, changeante, et un portrait éphémère du monde.

 

Le monde nomade, work in progress

Le monde nomade, work in progress

Ce dessin d'un monde en transit, en transition, est lui-même nomade, car l'oeuvre peut aussi se transporter, enroulée dans un petit étui, significatif du mode de vie, et du mode de vie des œuvres, de Marco Godinho. Ce simple détournement suscite autant d’appels au voyage et à l’imaginaire que de réflexions possibles sur l’état du monde et les conséquences nées de ces télescopages fictionnels.

TOURISTE! Visite guidée 1 - Ouverture de l'exposition: livres, cartes, planisphères et Atlas...Marco Godinho

En quête permanente de nouveaux horizons, Marco Godinho est un explorateur du monde, de ses marges et de ses seuils – géographiques, politiques et philosophiques – dans lesquels lui-même évolue. La mer, les migrations, le déplacement, la vie nomade, sont au cœur de son travail, qui déploie un univers singulier et poétique sur la subjectivité de notre espérience du temps et de l'espace. Il aborde avec sensibilité une pratique post-conceptuelle, les questions d’exil, de mémoire et de géographie inspirées par sa propre expérience de vie nomade, suspendue entre différentes langues et cultures et nourrie par la littérature et la poésie. À partir d’installations et de vidéos, en passant par ses écrits et œuvres collaboratives, son travail forme une carte d’un monde façonné par des expériences personnelles et le multiculturalisme.

Son travail est montré partout dans le monde et il a représenté le Luxembourg à la dernière Biennale de Venise.

Né à Salvaterra de Magos (Portugal) en 1978, il vit et travaille entre Luxembourg et Paris.

 

TOURISTE! Visite guidée 1 - Ouverture de l'exposition: livres, cartes, planisphères et Atlas...Marco Godinho
Merci Marco!

Merci Marco!

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27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 12:23
MAI TABAKIAN est dans TURBULENCES, le Salon "en ligne et en ville"!

Mai Tabakian et moi même sommes heureuses de participer à la deuxième édition du Salon Turbulences, qui ouvre officellement ses portes virtuelles aujourd'hui.

Une occasion de (re) découvrir quelques belles pièces de Mai Tabakian et de (re) lire un texte sur son travail, synthèse de plusieurs textes que j'ai pu rédiger et publier sur son travail ces dernières années.

MAI TABAKIAN est dans TURBULENCES, le Salon "en ligne et en ville"!

Artiste franco-vietnamienne, Mai Tabakian développe un travail textile architectural et sculptural entre couture, suture et matelassage. Sa démarche plastique, aux apparences suaves et colorées, est soustendue par une quête physico-métaphysique d’explication du monde, la recherche d’une logique dans le fonctionnement de l’univers, notamment à travers l’observation de la Nature comme de notre propre nature,
de ce qui nous compose, de la cellule aux grandes questions existentielles. « La nature, « le grand tout », n’est finalement qu’un assemblage de « petits touts » », dit-elle, « comme mes sculptures et mes installations sont un assemblage de textiles , mettant l'angoisse à distance mais gardant aussi un certain mystère. »



Dans l'oeuvre de Mai Tabakian, les formes géométriques, les compositions colorées, franches ou acidulées, le souci des volumes et des surfaces semblent résulter d’un brassage de références historiques, de l’abstraction géométrique à l’op art, de l’orphisme à l’art concret (parce que « rien n’est plus concret, plus réel, qu’une ligne, qu'une couleur, qu’une surface », comme dirait Theo van Doesburg), de Stilj, donc, à l’abstraction américaine – Sol Lewitt, Frank Stella, Ellsworth Kelly-. Plus près de nous, on pensera aussi, peut-être, aux jeux de couleurs et de formes du new pop superflat ou aux rondeurs colorées de Kusama…
Pourtant, tout dans l’oeuvre de Mai Tabakian laisse supposer un pas de côté, une fuite libre hors de ces sentiers déjà battus. Car dans cette oeuvre à la dimension a priori délibérément décorative, et plastiquement hautement désirable, au-delà de ce rendu matelassé, reconnaissable comme une signature, de ces formes à la fois lisses, brillantes, rebondies, de la richesse des motifs, la dimension sculpturale -voire architecturale- offre une alternative inédite, à la fois à ces attendus de l’histoire de l’art moderne et contemporain, mais aussi aux actuelles productions d’oeuvres textiles.
L’artiste construit des objets finalement complexes, résistants aux catégories, ni tableaux ni sculptures au sens traditionnel du terme, ni couture ni broderie, ni tapisserie. Son travail, flirtant constamment avec l’hybride et la mutation, s’apparenterait à la rigueur à une sorte de « marqueterie textile », le tissu étant embossé sur des pièces de polystyrène extrudé.


De manière générale, Mai Tabakian tire la richesse formelle de son travail de son intérêt pour les formes mathématiques et la géométrie, mais aussi pour le biologique et l’organique, pour l’architecture, ou encore pour l’esthétique numérique. Les croisements de ces territoires, ces interactions, relevant toutes de principes d’organisation, de manière d’ordonner le monde, participent activement à cette dimension hybride de
l’oeuvre, faisant appel à d’autres domaines de la pensée et de la création. Les liens ainsi tissés, inhérents à la production de l’oeuvre, renvoient d’une certaine façon à une conception goethienne[1] d’un art évoluant de manière organique, dans la transformation et la métamorphose, et, peut-être, d’une origine commune de l’art et de la nature.


De nombreuses oeuvres de Mai Tabakian semblent une réponse, une réaction, une tentative contre la réalité de notre monde - un « monde flottant » ou Ukyiô- marqué par l'impermanence et la relativité des choses. Le sentiment d'incertitude, la difficulté de capturer, de maîtriser, les éléments du monde, qui draîne toute la pensée asiatique, se trouvent confrontés, écho à la double culture de l'artiste, à la tentation rationnelle,
notamment au travers de son inclination pour la géométrie et les mathématiques, la perfection des formes, la modélisation du réel. Carré, triangle, cercle, rectangle, pentagone, hexagone ou octogone, les formes de la « géométrie sacrée », à l'oeuvre dans la nature comme chez les bâtisseurs, s'inscrivent partout chez Mai Tabakian, comme pour consolider son monde et en conjurer la fluidité.


Ses oeuvres conservent toujours néanmoins une dimension ludique, avec leurs formes sensuelles et leur chromatisme exacerbé, jeu renforcé ici par l'appel à des éléments identifiés de la culture populaire. Comme dans le Ukyiô, la légèreté est une politesse et un devoir face à la fugacité du monde... La plupart des oeuvres de Mai Tabakian ouvre ainsi à une réjouissante pluralité des interprétations, l’artiste entretenant à plaisir les ambigüités, tant dans ce qu’il nous est donné à voir qu’à comprendre, lorsque nous en découvrons les titres. Que dire, par exemple, de ce qui compose son mystérieux « Garden sweet garden » : s’agit-il de fleurs dévorantes, de champignons vénéneux ? De visions hallucinatoires ou de
plantes psychotropes susceptibles de les provoquer ? De confiseries géantes dignes de l’imagination de Willy Wonka, le héros du conte de Road Dalh ? Ou bien…de métaphores sexuelles pour rêves de jeunes filles, comme un délice freudien? La multiplicité des interprétations possibles, si ce n’est leur duplicité, se rapportant donc à l’intention, à la disposition d’esprit de celui qui regarde, suggère par là même l’idée
freudienne d’une « rencontre inconsciente » entre l’artiste et le regardeur, dont l’oeuvre fait médiation, rencontre qui, comme dans la rencontre amoureuse, opèrerait en amont de la conscience… Autrement dit, jouant des écarts entre l’explicite et l’implicite, dans ses entre-deux, ses allers retours, ses retournements, ses doutes, ses ellipses, Mai Tabakian s’amuse autant du non-dit que du déclaratif, de la représentation symbolique comme de la métaphore. Ainsi de sa « Cinderella » (2013) dont l’emboitement des deux parties (comme « En plein dans le mille », 2013) doit davantage à l’analyse psychanalytique de Bruno Bettelheim[2] et du sens métaphorique de l’expression « trouver chaussure à son pied » qu’au sport de cible à proprement parler ! Ainsi, de la turgescence de la pointe du casque de soldat de « Retour à la vie civile » (2014), de cet haltère mesurant le « poids de l’adultère » (« Haltère adultère » 2013), duel et léger. Ainsi, enfin, de ces « Wubbies » (2012-2013), doudous tendres et colorés, qui, sous des allures faussement ingénues, voire enfantines, manifestent une sensualité évidente.
Une sensualité, contenue dans ses formes, célébrant l’union du masculin et du féminin, affleure donc dans toute l’oeuvre récente de Mai Tabakian.


Mais au-delà de l’évocation de l’amour en son sens le plus prosaïque, c’est dans une inspiration constante vers les sciences de l’organique que l’artiste s’interroge sur ce qui préside aux rapprochements humains, à l’amour, à la manière dont se créent les affinités. Un questionnement qu’elle exprimait déjà dans la série «Atomes crochus ou les affinités électives», se référant à la fois aux théories atomistes des philosophes
Démocrite ou Lucrèce, et aux «affinités électives» de Goethe [3], et qu’elle active encore dans l’installation des «Trophées», haut-relief de fruits étranges en coupe, comme les deux moitiés d’un même fruit : un couple. Cette oeuvre se rapporte explicitement au célèbre «mythe d’Aristophane»[4]: retrouver sa moitié originelle perdue, dans les limbes du mythe et de l’histoire anté-séculaire, afin de (re)former l’unité primitive et ultime, tel est le sens de ce mythe qui donne à Eros une dimension particulière, celle d’un «daimon», intermédiaire liant ou reliant ce qui a été déchiré, séparé.
En outre, les formes que produit Mai Tabakian, et notamment les formes phalliques, émergent aussi et surtout depuis son rapport originaire avec le Vietnam. Ces oeuvres évoquent les formes des «lingam»[5], pierres dressées et symboles ouvertement phalliques qui, parfois enchâssés dans leur réceptacle féminin, le «yoni» -formes que l’on retrouve aussi fréquemment chez Mai Tabakian-, symbolisent à la fois la nature duelle de Shiva (physique et spirituelle) et la notion de totalité du monde. C’est donc également dans ces formes incarnées et «signes» de Shiva, entre puissance créatrice et «lieu», accueil, que Mai puise nombre de ses représentations, et le sens profond de sa recherche.


Nous comprenons alors que la démarche de l’artiste repose in fine sur une sorte de recherche de l’ «archè», de ce qui préside à la fondation même des choses et des êtres, d’un principe qui, pour reprendre les mots de Jean-Pierre Vernant «rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l’unité»[6], que l’artiste, à l’instar de la tradition grecque, place dans ce que nous pourrions appeler avec elle «l’Eros», principe créateur et ordonnateur du chaos. Le combat d’Eros, fondamentalement puissance vitale de création, d’union et de totalité, se poursuit inlassablement contre les forces de la déliquescence, de la destruction et de la mort.
Emerge alors de son travail une conscience de la mort et de son rapport au vivant, le sentiment du lien étroit entre la beauté et la mort, dans ce que cela peut avoir de plus inquiétant, une sorte d’effroi devant le mystère de l’organique, comme devant l’indépassable de la destruction.
Il s'agit alors, comme dans une sorte de catharsis, de transformer la laideur et la mort en art, qu’il se fasse géométrique ou qu’il soit délesté de sa dimension «intestinale», dans un subtil jeu d’entre-deux entre attraction et répulsion, de retourner ce qui, dans l’organique, peut paraître impur et déliquescent, de «transcender le négatif» dans une expression plastique et esthétique douce, harmonieuse et mouvante, abstraite et suggestive, aspirante et impénétrable à la fois.
Comme une forme de lutte contre une cruauté dont nous ne savons pas tout mais que nous connaissons tous, Mai Tabakian donne ainsi mystérieusement figure à son histoire intime.

 


(1) – J.W. Goethe- La métamorphose des plantes, 1790
(2) - Bruno Bettelheim- Psychanalyse des contes de fées, 1976
(3) - Goethe ayant lui-même puisé, dit-on, dans le Dictionnaire de Physique de Gehler et le phénomène d'échange moléculaire, renvoyant à la doctrine et aux travaux
d'Etienne-François Geoffroy en, 1718, théorie dominante dans la chimie du 18ème siècle.
(4) - Platon- Tò sumpósion – Le Banquet, (190 b- 193 e), env. -380 AVJC
(5) - signifiant aussi « le signe » en sanscrit
(6) - Jean-Pierre Vernant- L'individu, la mort, l'amour. Soi-même et l'autre en Grèce ancienne, 1989

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4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 15:24
A bas les cieux, installation, dimensions variables, 2008 - Naji Kamouche

A bas les cieux, installation, dimensions variables, 2008 - Naji Kamouche

En 2008, Naji Kamouche produisait cette très belle oeuvre sur laquelle j'écrivais un texte, publié en 2010 dans l'ouvrage monographique de l'artiste ( "L'Homme qui dort, l'homme qui prie, l'homme qui tue" - Galerie School Gallery, Paris)

A l'occasion de l'exposition "Dieu(x) mode d'emploi", présentée à Palexpo, à Genève, l'oeuvre est exposée auprès d'oeuvres de  Kader Attia - Marco Brambilla - Mélanie Chappuis - Cédric Dambrain - Sylvie Fleury - Claudio Parmiggiani - Gilles Remiche

et je re publie pour l'occasion le texte sur "A Bas les cieux" ci dessous

 

 

A bas les cieux! (2008) - Une oeuvre de Naji KAMOUCHE dans l'exposition Dieu(x) mode d'emploi, Genève

A bas les cieux » se distingue comme une pièce charnière dans le travail de Naji Kamouche. On y reconnaît des préoccupations qui sous-tendaient déjà d’autres œuvres, au travers d’une stratégie symbolique d’utilisation d’objets réinventés, recréés, reproduits ou détournés dans une perspective mémorielle et poétique. Cette installation réalisée à partir de tapis tels qu’on en trouve dans les intérieurs arabes s’inscrit dans la continuité plastique de l’installation « Caresser l’errance d’un pas oublié » (2005). Le choix de ce tapis, matériau délimitant l’espace de l’installation mais aussi servant à produire les objets, chaussures (pour « Caresser l’errance d’un pas oublié »), ou gants de boxe, relève d’une réflexion sur ce qu’évoque cette matière, et en premier lieu ce motif familier pour l’artiste, analogon d’images et de symboles – l’enfance, la maison, la domesticité et par extension, l’intériorité-.

Dans le travail de Naji Kamouche, « A bas les cieux » constitue une sorte de passage depuis une expression artistique chargée d’autobiographie, de références personnelles, d’expression de l’intime – douleur, solitude, souffrance, déchirement, colère, émotion, difficulté d’être soi- vers un travail superposant à la sphère de l’existentiel une forme de parole et d’engagement qui ne s’observait qu’en filigrane jusqu’alors. Et de cette lecture désenchantée d’un monde en souffrance émerge un souffle,une énergie nouvelle, sur le fil tendu entre l’émotion pure et la pensée. Cet étrange et dramatique ring de boxe joue sa complexité dans les entrelacs de dualités, d’ambiguïtés, que suggèrent d’ailleurs les choix plastiques, entre douceur et violence. D’espace intime, le tapis se fait territoire mental, matérialisation d’une conscience en lutte. Le dispositif implique émotionnellement le spectateur, si ce n’est somatiquement. Ici, on se retrouve « face à soi-même ». Ici se reconnaissent ou se projettent nos colères intimes et toutes nos luttes. « A bas les cieux », espace de protestation, de contestation, semble exhorter à prendre les gants et à frapper, à reprendre la lutte, à ne jamais s’avouer vaincu, à relever la tête, les manches, les bras, à dire non, à se rendre libre, donc, et vivant.
Le biologiste et physiologiste Xavier Bichat définissait ainsi la vie, comme « ensemble des fonctions résistant à la mort »*. Autrement dit, si, d’une certaine manière, le non-être est plus « naturel » que l’être et l’anéantissement, l’inclination logique de toute chose, vivre exige un effort, une lutte de tous les instants, une résistance perpétuelle. Contre l’entropie de la mort, rien n’est moins une vue de l’esprit que la nécessité de cette lutte, que cette résistance motrice. «A bas les cieux» crie cela de toutes ses forces, multiplie les lectures de toutes les luttes possibles, de tout ce qui fait que l’on choisit de vivre, plutôt que de disparaître, de se battre plutôt que d’abdiquer. Et Naji de choisir les images et les mots, plus frappants que les armes.


Alors, on pourrait bien interpréter la moelleuse texture des objets, contrastant avec l’usage habituel de gants de boxe et d’un punching ball, comme l’expression désabusée de la vanité de toute lutte. On pourrait voir dans ce rouge prégnant une chaleur bienveillante et inoffensive rendant toute colère stérile. Mais ils disent bien plutôt les violences étouffées ou rendues invisibles sous le velours policé des hypocrisies, et la vigilance nécessaire face à une servitude que la caresse aura peut-être rendu volontaire. Le constat de nos souffrances et de nos désillusions ne suffit pas. La colère et la lutte ne peuvent être vaine, sitôt qu’elles se font stratégies.


Naji Kamouche fait partie de cette génération d’artistes qui n’entendent pas que se jouent sans eux les débats du monde. Loin d’un aveu d’impuissance, son oeuvre, ouvertement vitaliste, dit à la fois cet absolu de la lutte, qui, de l’homo homini lupus de Hobbes à la guerre des consciences hégélienne, s’inscrit au cœur de l’existence humaine parmi les autres. Si cette lutte est d’abord celle de l’affirmation de soi, elle manifeste aussi, à une époque dans laquelle le cynisme, l’instrumentalisation et la réification humaine menacent dangereusement les restes de nos utopies, le refus d’abdiquer de cette croyance que la colère et la pensée critique ont un sens. Il y a dans ce ring quelque chose de la bravoure et du don de soi, où la grandeur côtoie la souffrance, la victoire, la déchéance, et sans doute Naji Kamouche se reconnaît-il quelque part dans cette figure du boxeur, entre noblesse et disgrâce, comme d’une certaine manière, chacun d’entre nous, dans nos démêlés avec ce monde et nos rêves.
« A bas les cieux » : comme dans toutes les œuvres de Naji Kamouche, les mots, parties intégrantes de la création, revêtent la plus grande importance. Charge poétique mais pas seulement, si les mots disent l’indicible, portent en eux ce pouvoir de suggestion, de radicalité, et que la polysémie se fait polémique.
Ici, les indices sont multiples. Que le monde soit sans dieu, ou que les dieux aient abandonné le chantier du monde, il devient inutile d’implorer l’aide des cieux et c’est à hauteur, à espoir et à pouvoir d’homme qu’il faut reprendre la lutte. « A bas les cieux » comme une imprécation nietzschéenne, dans un monde où le silence de dieu aux oreilles des uns est contrebalancé par le fanatisme assourdissant des autres. A l’aliénation, à la résignation, Naji Kamouche oppose une œuvre puissante et percutante. Les gants sont prêts à être chaussés. Il n’y aura pas de K.O.

 

 

* Marie François Xavier Bichat- Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800)

" DIEU(X) MODES D'EMPLOI"

Palexpo, Genève (Suisse)
du 11 octobre 2019 au 19 janvier 2020.

Une exposition Tempora

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