La Galerie des Galeries Lafayette est un endroit atypique. Espace d'art contemporain à l'étage du prêt-à-porter de luxe, juste à côté de Vuitton, et en face du corner Céline, on peut, pense-t-on, faire une halte non commerciale au pays de l'art contemporain, oubliant un instant que celui-ci devient- est- un marché comme un autre. Chaque année, Guillaume Houzé, heureux petit fils de Ginette Moulin, principale actionnaire des Galeries Lafayette, et collectionneur qu'on dit passionné, y expose ses acquisitions dans le cadre de "Antidote". Le reste du temps, deux ou trois fois par an, une exposition temporaire s'installe à la Galerie des Galeries.
Voici donc "Into the woods", commissarié par Daria de Beauvais, par ailleurs curatrice au Palais de Tokyo, invite, promenade sylvestre censément mystérieuse et envoûtante.
Repérées, la toile de Iris van Dongen, jeune artiste néerlandaise vivant à Berlin, à l'ambiance 19ème très préraphaélite, et surtout l'oeuvre de Anne Wenzel (photo), artiste allemande vivant à Rotterdam, dont j'aurai rêvé d'avoir une oeuvre pour ma future expo "seules les pierres sont innocentes"...et dont le travail de céramique m'a interpelée voici déjà un petit moment...
"Into the woods"- Galerie des Galeries Lafayette - Bld Haussmann - Jusqu'au 17 mars 2012
Chaque semaine, dans Paris, des dizaines de vernissages, d'artistes qui exposent dans des galeries du Marais ou de Saint Germain, essayant de capter pour un temps vers eux la lumière -des médias, des critiques, des amateurs qui bloguent, etc...-. Il faut bien avouer que dans cette offre pléthorique et exponentielle, beaucoup d'expositions, dans laquelle les artistes se seront indéniablement investis, s'ouvriront et se fermeront dans l'anonymat.
Arnaud Cohen, qui présente actuellement "Ruins of now, une archéologie du contemporain" à la toute récente Galerie Laure Roynette, aura su triompher de cette indifférence, et les papiers sur le Net s'enchaînent...Il le mérite, car, au-delà de la bonne communication de type "viral" autour de son exposition, le travail ne manque pas d'intérêt et se développe en rhizomes sémantiques vers la transhistoricité, celle de l'Histoire mais aussi celle de l'Histoire de l'Art, les questions de la fiction, des "structures permanentes" du mythe, comme dirait Levi-Strauss, et des mythologies contemporaines et postmodernes, qui doivent toujours beaucoup, comme aux temps les plus anciens, aux effrois eschatologiques et aux espoirs de régénération. Avec par dessus, une bonne dose d'humour acide.
"Ruins of now, une archélogie du contemporain" - Arnaud Cohen - Galerie Laure Roynette - 20 rue de Thorigny, Paris 3ème - Jusqu'au 17 février 2012 - www.laureroynette.com
J'ai déjà dit ici tout le bien que je pense de Chiharu Shiota, que j'ai pour ma part découvert en 2004 quand elle fit son installation à l'église désacralisée Sainte Marie Madeleine de Lille.
Après son exposition très remarquée à la Maison Rouge, elle investit le second espace de la Galerie Daniel Templon pour "Infinity". ici encore, le savant réseau architectural de fils de laine noire habitant l'espace comme autant de traces chorégraphiques, enserrant en son corps de pâles lumières ouvre aux visions poétiques et mémorielles les plus émouvantes.
"Infinity", environnement moins immersif que ce qui avait été présenté à la Maison Rouge m'a paru cependant moins abouti que "After the dream", et j'en ai presque préféré, par exemple, la "State of being" box, petite robe d'enfant momifiée, phagocytée mais persistante au milieu de l'enchevêtrement de fils.
Mais le travail de Chiharu Shiota reste indéniablement d'une grande beauté.
"Infinity"- Chiharu Shiota - Galerie Templon - 30 rue Beaubourg - Paris 3ème - Jusqu'au 18 février 2012
Bertrand Grimont s'est associé le commissariat de Tristan Van der Stegen pour présenter "Sans commune mesure" , exposition collective en sa galerie, abordant un thème, celui de la mesure, donc, sur lequel jai moi-même travaillé pour un projet d'exposition qui n'a hélas pas encore pu voir le jour...
Auprès de Jean-Baptiste Couronne, Rodolphe Delaunay, Jean-François Leroy et Marina Pagès, j'ai particulièrement apprécié la pièce à quatre main de Guillaume Constanttin et Raphael Zarka, au rez-de-chaussée, "Mystery Board", grande pièce découpée en liège, isolant phonique tout à fait visuel!, inspirée des figures acoustiques de Chladni.
En bas, il ne faut pas manquer "Gravity is dead", la sublime pièce de Vincent Mauger (photo) -dont je pense pouvoir le dire, nous exposerons une pièce en Mai dans les "Métamorphoses" des jardins de Thiais-, digne des rêveries léonardiennes.
"Sans commune mesure" - Galerie Bertrand Grimont- Rue de Montmorency - Paris 3ème - Jusqu'au 25 février 2012
J'ai déjà noté, dans un précédent article, la présence de Majida Khattari et de Mouna Karray, deux artistes avec lesquelles j'ai collaboré, dans l'exposition "Dégagements", la Tunisie un an après, à l'Institut du Monde Arabe. je ne sais si c'est la foule se pressant le soir du vernissage, et les tensions attisées par la présence, que certains ont jugé inopportune, de notre ministre de la Culture, mais j'ai eu du mal à me concentrer sur les oeuvres et ai trouvé l'ensemble plutôt hétérogène. En même temps, cette expo se veut sans doute une sorte d'instantané de la création contemporaine, un an après la "Révolution de Jasmin".
Mon attention s'est cependant posée sur les photographies de Hichem Driss, qui libèrent les corps en même temps que la parole et incarne le lieu de la révolution, ainsi que sur celles de Halim Karabibene, qui brosse avec humour le portrait d'une armée dérisoire, "Comité Populaire" en lutte pour que l'art contemporain ait une visibilté en Tunisie (photo)- travail cependant assez différent de son travail de peinture -.
"Dégagements" - Institut du monde Arabe" - 1 rue des Fossés St Bernard - Paris 5ème - Jusqu'au 1er avril 2012