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13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 21:24

Les roses de Marie-Hélène Richard se sont envolées partout, même dans les recoins les plus inattendus du monastère!

Allons voir si la rose...
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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 21:24

Et ensuite, il faut installer!

A l'ombre d'Eros - Le montage 2
A l'ombre d'Eros - Le montage 2
A l'ombre d'Eros - Le montage 2
A l'ombre d'Eros - Le montage 2
A l'ombre d'Eros - Le montage 2
A l'ombre d'Eros - Le montage 2
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10 juin 2015 3 10 /06 /juin /2015 22:52

Cette semaine, c'est le moment de commencer le montage de l'exposition...et çà commence comme çà...

Dans cette énorme caisse, le "Still Woman" de Gilles Barbier!

Dans cette énorme caisse, le "Still Woman" de Gilles Barbier!

A l'ombre d'Eros- Le montage 1
A l'ombre d'Eros- Le montage 1
A l'ombre d'Eros- Le montage 1
A l'ombre d'Eros- Le montage 1
A l'ombre d'Eros- Le montage 1
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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 23:23

A quelques deux semaines de l'ouverture de l'exposition, l'affiche de l'exposition, avec en vedette les "Welcoming Hands" de Louise Bourgeois, que l'on retrouvera naturellement en salle, parmi quelques soixante dix oeuvres...

The Welcoming hands, 1996 ©Louise Bourgeois Studio, New-York, Courtesy galerie Karsten Greve, Koln, Paris, St Moritz / Adagp,

The Welcoming hands, 1996 ©Louise Bourgeois Studio, New-York, Courtesy galerie Karsten Greve, Koln, Paris, St Moritz / Adagp,

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30 mai 2015 6 30 /05 /mai /2015 00:32

De retour de Chine et en partance pour La Rochelle, où il prépare un solo show en plusieurs lieux de la ville ("Echaffaudages sur le ressac" - Carré Amelot, Aquarium et Museum, à partir du 18 juin), Lionel Sabatté a eu la gentillesse de nous recevoir, avec Alexandra Negler de Vu du Large, pour une interview que l'on pourra retrouver dans l'exposition, grâce à la lecture d'un QR code, et dans le catalogue (à paraître prochainement)

Entre licornes, bestiaire, arbres en résurrection et peintures...

 

Alexandra Negler, et Lionel Sabatté, en pleine interview

Alexandra Negler, et Lionel Sabatté, en pleine interview

Interview pour "A l'ombre d'Eros" dans l'atelier de Lionel Sabatté
Interview pour "A l'ombre d'Eros" dans l'atelier de Lionel Sabatté
Interview pour "A l'ombre d'Eros" dans l'atelier de Lionel Sabatté
Interview pour "A l'ombre d'Eros" dans l'atelier de Lionel Sabatté

Vu du Large produit, dans le cadre de l'exposition "A l'ombre d'Eros", une série d'entretiens, en version courte dans le parcours de l'exposition, et en version longue dans le catalogue, de neuf artistes: Ghyslain Bertholon, Nathalie Déposé, Dimitri Fagbohoun, Julie Legrand, Joel Paubel, Piet.sO, Marie-Hélène Richard, Lionel Sabatté, Kamel Yahiaoui

+ le mot du commissaire ( moi, donc...)

A découvrir très bientôt, dans l'exposition, le catalogue, et sur la plateforme dédiée au téléchargement.

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26 mai 2015 2 26 /05 /mai /2015 15:05
Jake & Dinos Chapman -The Wheels on The Bus Go Round and Round, Round and Round – Fibre de verre, plastique et matériaux divers – 2012 – Courtesy des artistes et de la Collection Francès

Jake & Dinos Chapman -The Wheels on The Bus Go Round and Round, Round and Round – Fibre de verre, plastique et matériaux divers – 2012 – Courtesy des artistes et de la Collection Francès

Ce qu'il reste, ceux qui restent...

Les morts dépendent entièrement de notre fidélité.

Vladimir Jankélévitch – L'imprescriptible, 1971


 

Que reste-t-il quand la mort a gagné, ce qui arrive toujours? Aucune possession ne peut "stopper l'hémorragie de l'être" ni déjouer l'ironie du temps, qui est "à la fois le chantier où l'ouvrage s'édifie et le terrain vague où il va tomber en ruine (20)" et rien ne se scelle jamais dans le temps, comme, d'une certaine manière, le dit l'oeuvre fascinante de Laurent Pernot (Temps givré). Pourtant, nous essayons de renverser le cours de cette "entropie existentielle" en faisant collection d'objets, en s'efforçant d'arracher au temps qui passe tout un trésor d'oeuvres et de matières, que l'on croit moins putrescibles que nous. Car de cela sans doute la vie des morts dépend, des objets supports de mémoire, des souvenirs matérialisés: c'est la veste transcendée en oeuvre d'art que portait le père de Kamel Yahiaoui au jour de sa mort, ce sont les photos de Nathalie Déposé dans la maison à moitié vide de ses grands-parents, ce sont aussi, d'une manière différente, les Mues de Mathilde Roussel, sorte d'empreintes physiques autant que mémorielles du temps qui passe. Les photographies de la série Concession à perpétuité, pour lesquelles Thierry Arensma a arpenté les cimetières de France, ne traitent pas tant de la mort que de la manière dont, au delà de la signification institutionnelle et collective du cimetière, nous poursuivons, chacun, un lien vivant avec la personne disparue au travers de la ritualisation du souvenir que constituent les objets funéraires, ornements, plaques, médaillons, stèles, fleurs, épitaphes...Pourtant, tous les cimetières sont aussi des lieux d'abandon. Car comme il n'y a d'«avoir été» que dans le souvenir de ceux qui vivent encore, le souvenir lui non plus n'échappe pas au temps qui ensevelit peu à peu les vestiges du passé. C'est cette double disparition, celle de ceux qui vécurent et celle là même de leur souvenir en leur dernier lieu que tente d'évoquer l'artiste. Mais encore: les fleurs, symbole d'amour et d'éphémère, celles , en couronnes, de Mai Tabakian, celles, s'élançant de la pierre tombale du 3ème cloitre en une sublime Envolée, de Marie-Hélène Richard.

Reste quelque chose de l'ordre de l'espérance, avec ou sans eschatologie, d'un ailleurs ou d'une forme de résurrection, comme l'exprime Julie Legrand au travers de son installation faisant appel aux fils colorés de sa grand mère couturière, ou dans la renaissance organique, suggérée par la sculpture de Laurent Esquerré ou par les papillons réparés de Lionel Sabatté. L'au delà, c'est peut-être "sensas", comme le disait la grand-mère de Lola B Deswarte, mais on n'a jamais vu personne en revenir.


 

Guerre et amour, même combat?

De cette certitude à laquelle seul Lazare échappe, ressort l'idée que la mort impose l'absurde et le non-sens au coeur même du sens de la vie. Face au scandale de la mort, la mienne, celle des autres, en particulier de ceux que j'aime, le paradoxe de la mort aussi banale qu'intolérable, aussi certaine qu'inconnue, est source d'effroi, cet effroi dont parlait Pascal, portant sur la totalité de nos êtres et le sens entier de notre existence, ne laissant absolument rien à l'abri. Voici ce qui rend l'existence humaine si difficile, et voici pourquoi nous fuyons notre faiblesse, l'effroi et nous-mêmes, dans ce que Pascal appelle "divertissement": tout pour échapper à la conscience de son insuffisance et de sa déréliction :« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser » (21).

 

Nous voici nous jetant à corps perdus dans les occupations les plus diverses, au premier rang desquelles, l'amour et la guerre, ne laissant ni temps ni place pour une telle angoisse. L'amour, dans ce qu'il a de plus galant, de plus charmant, on le comprend aisément. le romantisme même met la souffrance amoureuse au même rang que ses délices - Rien de plus divertissant qu'un amour contrarié...Mais la guerre? Nous voci face à ce paradoxe consistant à risquer sa vie et  entraîner la mort, par effroi de la mort...Violently Happy, la vanité guerrière de Ghyslain Bertholon, l'illustre éloquemment. D'où encore ce lien ténu et pourtant évident que nous pressentons, et que l'on retrouve partout dans la mythologie netre l'amour et la mort, ne serait-ce que ces femmes fatales, la Salomé de Jan Van Oost, la Judith d'Yveline Tropéa...Chacun s'efforce comme il peut de se masquer son néant, et son doute la mauvaise foi du désir seule, qu'elle se porte sur l'amour ou sur la guerre, sur la frivolité de la séduction ou sur le sérieux du combat, nous sauve de la plus délétère lucidité. Car la guere est sans doute une des activités les plus divertissantes -les plus absorbantes- puisqu'on y risque sa vie à chaque instant, sans répit, et que l'amour même s'y trouve empêché, ce qu'exprime avec grâce l'oeuvre Amour blessé de Sylve Kaptur-Gintz.

A l'ombre d'Eros, se déploient la violence et la guerre comme le paradoxal antidote à notre finitude, cette folle énergie qui s'absorbe en elles et nous absorbent en son vortex.Se répandent ces forces dangeureuses et mortifères, qui pourraient s'incarner pour nous dans les loups, créés par Lionel Sabatté, que nous avons forclos dans l'oratoire supérieur de l'église, mais qui sont toujours susceptibles de se déchaîner, comme un cauchemar halluciné, une expression de la possibilité de la banalité du mal, signé Jake et Dinos Chapman (The Wheel on the Bus go round...), ou inscrit sur les murs d'un cimetière de Nice, comme dans la photo de Dimitri Fagbohoun.

 

Il ne nous revient pas de dire ce qui relève de la vérité ou de l'illusion, de la croyance ou de l'impiété, s'il est seulement vrai que bien des illusions nous sont absolument nécessaires. Rappelons nous seulement avec lucidité des chiffres inscrits sur la pierre tombale de Werner Reiterer (Terra), dans une prophétie nietzschéenne (22), et qu'il explique ainsi: "Il serait bon, je pense, de dédier à notre Terre une pierre tombale personnelle. Sans attendre davantage, parce que l’humanité ne vivra pas jusque-là.»

Et dans le même temps, laissons nous convaincre, puisque presque-rien ne saurait jamais être le néant, de ceci: 

"Il n’est rien de si précieux que le temps de notre vie, cette matinée infinitésimale, cette fine pointe imperceptible dans le firmament de l’éternité, ce minuscule printemps qui ne sera qu’une fois et puis jamais plus. (...) Tout à l’heure, il sera trop tard, car cette heure-là ne dure qu’un instant. Le vent se lève, c’est maintenant ou jamais. Ne perdez pas votre chance unique dans toute l’éternité, ne manquez pas votre unique matinée de printemps.  " - Vladimir Jankélévitch – Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien

 

........

 

 

(20) - François George – "La pensée en personne" – in Jankélévitch - 1990 – Ed. L'ARC

(21) - Blaise Pascal – Pensées- 1669- Pensée 168, selon Ed. Brunschvicg

(22) - Ce texte de Werner Reiterer , accompagnant l'oeuvre Terra, pourrait faire écho à ce célèbre passage du Livre du philosophe - ( Ed. 1875 - Garnier Flammarion) de F. Nietzsche: « En quelque coin écarté de l'univers répandu dans le flamboiement d'innombrables systèmes solaires, il y eut une fois une étoile sur laquelle des animaux intelligents inventèrent la connaissance. Ce fut la minute la plus arrogante et la plus mensongère de "l'histoire universelle" : mais ce ne fut qu'une minute. A peine quelques soupirs de la nature et l'étoile se congela, les animaux intelligents durent mourir. »

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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 20:31
Alex Van Gelder - Armed Forces –  série de 18 photographies – 2010 – Courtesy de l'artiste et MAMAC de Nice

Alex Van Gelder - Armed Forces – série de 18 photographies – 2010 – Courtesy de l'artiste et MAMAC de Nice

De Philia en Agapé, un nouveau paradigme pour notre monde?

 

Mais, en marge de l'amour-passion qui peut conduire jusqu'au confins de l'intimité, se développent d'autres formes d'amour, que les Grecs nommaient Philia et Agapé, translation éthique de l'Eros vers une relation à autrui sous le prisme du dépassement du désir. La famille, premier terrain de la Philia: ce sont les liens d'amour et l'espoir d'avenir commun qui unissent les époux, l'amour des parents pour leurs enfants, et des enfants pour leurs parents. Ici, se livrent à nous, le romantisme kitsch des Mariés de Ghada Amer, l'infinie tendresse de Nan Goldin pour l'enfance, et l'inquiétude de Marina Abramovic pour l'innocence menacée.

Ce sont les amitiés, électives, qui nourrissent l'existence, si nécessaires, selon Aristote, cet amour de bienveillance qui "jouit et se réjouit de l'existence de l'autre".

Peu d'oeuvres expriment avec autant de force et de simplicité cette bienveillance que The Welcoming Hands, ces mains que rien ne viendra plus dénouer dans l'éternité du bronze, des mains jointes, tenues, tendues, mains affectueuses et protectrices...Voici l'amour au sens du lien fondamental à autrui, de ce qui ouvre à l'autre et l'accueille, comme Emmanuel Lévinas le dirait du visage. "(C)es mains sont généreuses, elles révèlent "nous aimons, quoiqu'il arrive", dira Louise Bourgeois à propos de cette oeuvre.

L'Agapé, dont nous retrancherons ici la dimension religieuse, est cet amour du prochain, quelqu'il fut, cet amour asymétrique, comme dirait Levinas, dont l'expression pourrait se tenir dans la série photographique de Régis Figarol, De beaux lendemains. Dans ce projet au long cours, l'artiste donne à voir, de manière frontale et sans filtre des centaines de visages, hommes, femmes, enfants...Il s'agit de pénétrer au cœur de cette « apparition » que constitue l’existence de l’autre comme corps, de dire quelque chose de la « vérité » de l’autre, du mystère de l’altérité, et du visage, cette « surface la plus passionnante de la terre », pour reprendre l’expression du philosophe allemand Lichtenberg. Dans sa nudité essentielle ainsi montrée, chaque portrait ouvre à un face-à-face irréductible, un voyage toujours à la fois ordinaire et unique, qui cherche à saisir dans cette apparition ce qu’il a d’essentiel, sa vulnérabilité fondamentale, pour user de termes chers à Lévinas quant à l'épiphanie que constitue l'apparition du visage de l'autre – ce visage qui dit : “tu ne peux tuer”-: une porte d’entrée possible à une éthique de l’intimité.

Il est possible que face au "désenchantement du monde"(15), à la menace de la vacance du sens, la question de l'amour (re)devienne cruciale, en ce qu'il donne tout son sens à nos existences. "C'est lui qui nous contraint, ne fut-ce que pour nos enfants, à ne pas céder au pessimisme, à nous interesser malgré tout à l'avenir, à ne pas négliger tout à fait une vie politique que nous jugeons par ailleurs dérisoire. (...) Sans lui, rien n'aurait de signification pour nous" écrit à ce sujet Luc Ferry, dans La révolution de l'amour (16). Cet amour dans lequel nous sacraliserions l'"interhumain", dans un humanisme "post colonial et post métaphysique"(16), un humanisme de la transcendance de l'autre, pensé après le crépuscule des idoles, pourrait peut-être se constituer comme le dernier rempart contre le nihilisme d'une conscience aujourd'hui absolument malheureuse. Un "nouvel" horizon de sens, une révolution possible ou une ultime utopie? Love is coming, nous promet ironiquement Arnaud Cohen, pointant sur nous son bras armé...


 

L'art comme un perpétuel Memento Mori

On peut toujours faire le malin, donner l'impression d'avoir compris quelque chose à la vie, toujours est-il que la vie se termine.

Michel Houellebecq – Plateforme, 2001


 

Le titre même de l'exposition, "A l'ombre d'Eros", implique d'emblée cette présence familière comme une ombre, ce revers nécessaire à l'Eros, que constituent la déliquescence, la destruction et la mort, forces contre lesquelles lutte, vaillamment parfois - à l'image du combat de la photographe Estelle Lagarde contre la maladie - en vain, finalement, toujours, l'Eros vital. Et, d'une certaine manière, toutes les oeuvres présentées dans l'exposition, qu'elles en affrontent directement ou non la vérité, semblent murmurer, chacune à leur manière: Souviens-toi que tu vas mourir.

"Dès qu'un homme naît, il est assez vieux pour mourir" aurait écrit Heidegger, évidence ontologique que nous saisissons tous, l'évènement de la naissance marquant l'entrée dans la temporalité et produisant fatalement cet indépassable horizon de la finitude: nous sommes, quoiqu'il arrive, des "êtres-vers-la-mort" (17).

Vivre, c'est perdre. Notre condition temporelle est cette blessure par laquelle la vie, comme le flux héraclitéen, ne cesse de s'écouler, jusqu'à la fin. Dans le même temps, toutes les oeuvres disent "Nous sommes encore vivants", même et surtout dans l'évocation des affres de l'âge, des rides, "allusions à la mort" selon Jankélévitch, du corps vieillissant de John Coplans, à celles, rudes et magnifiques, des mains de Louise Bourgeois photographiées par Alex Van Gelder. John Coplans et Louise Bourgeois ne sont plus. Mais ces oeuvres attestent, irréversiblement, de leur existence. Telle est la victoire, et la résistance de la vie et de la temporalité, sur la mort, car on ne peut "dé-vivre" aussi bien qu'on ne peut "dé-mourir", et rien, quoiqu'il en soit, ne pourra faire que l'un et l'autre n'aient pas existé, et ne soient pas les sujets des oeuvres que nous voyons ici, victoire éternelle arrachée à la précarité. Car si le néant reste le premier et l'ultime horizon, entre temps, la résistance s'organise. On en revient à Eros, à cette intuition d'une spécificité irréductible de la vie, que la science moderne oblitère mais avec laquelle la pensée s'accorde: la vie est une résistance à la mort. Et dans cette vaste entreprise insurrectionnelle, l'art plus que toute autre activité humaine, en est probablement la plus grande puissance d'affirmation.

Dans cette lutte intestine de la vie contre la mort, dans cet espace-temps qu'il nous faut bien ordonner avant que le chaos ne l'emporte, que faire de la mort si ce n'est la rendre porteuse de sens, qu'elle devienne mesure de la vie, ou que, par sa présence absente, ou son absence toujours présente, elle puisse contribuer à la valeur de la vie? Qu'on croit l'entendre nous chuchoter « poussière tu redeviendras poussière» (18) ou « Carpe diem quam minimum credula postero” (19), la représentation dans l'art de la mort, au travers des « vanités », crânes, ossements et autres squelettes est récurrente et atteste de notre fascination pour ses images, nous renvoyant à notre condition et au choix que nous faisons de la valeur que nous lui accordons. Ainsi, notre cabinet de vanités, sur le modèle des cabinets de curiosités, donne-t-il à voir, dans des expressions différentes, des variations sur la figure de la vanité : autoportrait chez Thierry Arensma, métaphore poétique chez Piet.sO, Méduse somptueuse et maléfique chez Myriam Mechita, douloureux souvenir chez Kamel Yiahiaoui, elle a la fluidité, chez Damien Hirst, artiste fasciné par la mort depuis toujours, d'un crâne dessiné d'un trait simple, comme à main levé.


.......

 

(15)– Expression utilisée par Max Weber dans L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme- 1905 – Ed; Tel - Gallimard

(16) - Luc Ferry – La révolution de l'amour – Pour une spiritualité laïque – 2010 - Ed. Plon

(17) - Martin Heidegger – Etre et Temps - 1927 – Ed. Gallimard, selon la traduction de François Vezin, 1990

(18) - Genèse – 3. 17-19

(19) - qui peut être traduit par: «Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain» - Horace,  Odes, 22 AVJC – Ed. Garnier-Flammarion

 

 

 

A suivre...

 
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25 mai 2015 1 25 /05 /mai /2015 19:47

Magnifique travail de Julie Legrand, à voir à la Chapelle Sainte-Radegonde, une sublime chapelle troglodyte, à Chinon!

3 oeuvres de marbre et de verre, comme trois stations du dehors au dedans, au coeur de la terre et de l'organique, du jaillissement à la disparition dans les profondeurs du dedans ou de l'infini...

"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon
"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon

merci Julie pour ce week-end very VIP!

 

 

Le dîner Palindrome de Daniel Spoerri, donné dans les Caves Painctes de Chinon

Le dîner Palindrome de Daniel Spoerri, donné dans les Caves Painctes de Chinon

"La chair et l'esprit" - Julie Legrand à la Chapelle Sainte-Radegonde de Chinon

Un beau trio à l'honneur: Daniel Spoerri, Dorothée Selz, et Julie Legrand!

 

"La chair et l'esprit" - Une exposition de Julie Legrand à la Chapelle Sainte Radégonde

dans le cadre de l'exposition Daniel Spoerri- Eat Art

avec aussi: François Morellet, Ben Vautier, Dorothée Selz et Antoni Mirada, Roland Topor et Erik Dietman

Jusqu'au 15 novembre 2015

Chapelle Sainte Radégonde, Galerie de l'Hôtel de Ville, Musée le Carroi à Chinon

 

 

Et bien sûr, on retrouve Julie Legrand avec "Rose à l'enfant" au Monastère royal de Brou, dès le 19 juin!

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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 23:52
Rest Energy - Marina Abramovic et Ulay - Vidéo-Performance – Amsterdam, janvier-août 1980 – 4'05'' – Musée  d'art contemporain de Lyon – Inv. 997.9.1.8

Rest Energy - Marina Abramovic et Ulay - Vidéo-Performance – Amsterdam, janvier-août 1980 – 4'05'' – Musée d'art contemporain de Lyon – Inv. 997.9.1.8

L'amour comme au premier jour...

 

« Il sera, cet amour que nous préparons en luttant durement : deux solitudes se protégeant, se complétant, se limitant, et s’inclinant l’une vers l’autre ».

R.M. Rilke- Lettres à un jeune poète, 1929

 

Mais avant que d'enfanter, cette «part d’éternité et d’immortalité qui est accessible au mortel» (7), il faut d'abord s'unir et si possible s'aimer. Passion joyeuse ou ruse de la nature pour perpétuer notre espèce quand bien même celle-ci fut infinie source de souffrance (8), lEros se manifeste le plus souvent dans l'expérience du «choc amoureux», pour reprendre l'expression de Francesco Alberoni, cette force révolutionnaire dans laquelle l'Autre (ré)apparaît et répare. Tel est, entre autres, le sens du célèbre Mythe d'Aristophane, exposé dans Le Banquet de Platon, qui voit en la quête amoureuse la recherche d'une fusion, d'une unité première et perdue, de cette fameuse «moitié» qui, passée dans le langage courant entend (re)trouver «l'âme sœur», condition du bonheur: «C’est de ce moment que date l’amour inné des êtres humains les uns pour les autres : l’amour recompose l’ancienne nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. [...] Notre espèce ne saurait être heureuse qu’à une condition, c’est de réaliser son désir amoureux, de rencontrer chacun l’être qui est notre moitié, et de revenir ainsi à notre nature première » (9).

Que l'amour ne soit, peut-être, que «l'infini mis à la portée des caniches» (10), qu'une invention, une illusion, se fait inessentiel, s'il n'est aucune illusion qui ne soit plus nécessaire et indissociable de l'existence humaine. Même les plus désabusés de nos contemporains en conviendront: « Le désir d’amour est profond chez l’homme, il plonge ses racines jusqu’à des profondeurs étonnantes, et la multiplicité de ses radicelles s’intercale dans la matière même du cœur. », écrit Michel Houellebecq (11)

Alors nous pouvons donner une chance à cet Eros, à ces couples photographiés par Susanna Hesselberg, à cet homme et cette femme (Still man et Still Woman), sculptés par Gilles Barbier, absorbés chacun dans un foisonnement végétal. Le premier homme, la première femme, à l'orée de l'amour, avant que ne soit perdu l'Eden, ce sont aussi ceux de la vidéo de mounir fatmi (Quelque chose est possible). Dans leurs caresses, ni projet, ni idée, mais le « possible », le « pas encore », l'«attente de cet avenir pur sans contenu (12) », expression de la perdurance du désir, qui, ne se bornant pas à un désir sexuel factuel, s’enracine dans les profondeurs ontologiques de ce perpétuel effort pour « persévérer dans son être », dans cet appétit qui ne serait rien d’autre que l’essence même de l’homme.

Et puis, chaque couple amoureux n'est-il pas celui pour qui « l'amour est toujours neuf (...), et qui prononcent en effet les mots mille fois ressassés de l'amour comme si personne ne les avait jamais dits avant eux, comme si c'était la première fois depuis la naissance du monde qu'un homme disait la parole d'amour à une femme, comme si ce printemps était le tout premier printemps et ce matin le tout premier matin» ? (13)

 

L'amour à mort

 

De nombreux penseurs, et la psychanalyse elle-même, au travers de l'usage des termes Eros et Thanatos, pour désigner cette «pulsion de mort» qui tend au retour à l'inorganique, ont tenté d'élucider le sombre lien entre la sexualité et la mort. Tristan et Iseult, Roméo et Juliette, Orphée et Eurydice...La tragédie amoureuse est un classique de la littérature, et les amants tragiques pullulent dans tous les arts. C'est donc que cette violence sous-jacente, la possibilité de la mort est, comme le ver dans le fruit, au coeur même de ce qui se joue dans l'amour, une des ombres d'Eros, comme bonheur jamais définitivement conquis, imminence toujours possible de la catastrophe, lutte contre la destinée...
Ainsi, de la célèbre performance de Marina Abramovic et Ulay présentée ici, Rest Energy, sans doute la plus connue que les deux artistes, tels l'”androgyne” du mythe d'Aristophane, réalisèrent ensemble. Dans Minima Moralia, Adorno écrivait: "Tu seras aimé lorsque tu pourras montrer ta faiblesse sans que l'autre s'en serve pour affirmer sa force." Evocation d'un Cupidon qui expérimenterait les tensions réelles, entre amour et interdépendance, du couple, et les ambiguités d'un amour fusionnel, Rest Energy fut, aux dires de Marina Abramović, une des performances les plus éprouvantes: "Une seconde d’inattention, et c’était la mort." La mort, préférable à la soumission, dans une lutte sans merci qu'exprime la danse de Pilar Albarracin dans la vidéo Bailaré sobre tu tumba.
Ainsi aussi, d'une manière différente, de cet amour fou qui s'enfonce en deçà de la surface du corps, périssable siège de l'amour: dans ses Saint-suaires, Christophe Lambert capture les contours de la femme sous/sur la robe, exprimant le véritable sens de ce «suaire», destination finale et véritablement linceul de ses amours défuntes. Ces représentations d’os et de squelettes s’enracinent dans l’inquiétude pour l’être aimé qui est un corps, avec sa fragilité, sa finitude, son intimité organique. L’amour total, et sublime, y compris dans sa trivialité. Hilda dira à Goetz: « Chaque jour tu ressembles un peu plus au cadavre que tu seras et je t'aime toujours (...) tu pourriras entre mes bras et je t'aimerai charogne: car l'on n'aime rien si l'on n'aime pas tout.» (14)
..........

 

(7) Discours de Diotime in Le Banquet, Platon- 380 AVJC – Ed. Garnier Flammarion

(8)- Pour Spinoza, « "L'amour n'est autre chose que la joie, accompagnée de l'idée d'une cause extérieure" Définition générique de l'amour, non dans sa réalité concrète -qui suppose aussi souffrance et tourment,- mais de droit :« Toute notre félicité ou infélicité dépend d’une seule chose, à savoir, de la qualité de l’objet auquel nous adhérons par l’amour. En effet, jamais des disputes ne naîtront à cause d’un objet qui n’est pas aimé; on n’éprouvera nulle tristesse s’il périt; aucune envie, s’il est possédé par un autre, aucune crainte, aucune haine et, pour le dire en un mot, aucune commotion de l’âme. Tout cela a lieu, par contre, dans l’amour des choses périssables (…). Mais l’amour d’une chose éternelle et infinie nourrit l’âme d’une joie pure, qui est exempte de toute tristesse, ce qui est éminemment désirable et doit être cherché de toutes nos forces ».- Traité de la réforme de l'entendement (1665-1670) – Ed . Librairie Philosophique Vrin

« C’est justement parce que l’amour se définit comme joie qu’il peut être source de malheur : s’il n’était pas joie, nul ne s’attacherait autant à des objets au point de courir à sa perte. En somme, si Spinoza n’avait pas défini l’amour comme joie, il n’aurait jamais pu expliquer le malheur d’aimer » ( C.Jaquet, P. Sévérac, A. Suhamy, Spinoza, philosophe de l’amour, extrait de la Préface, PUSE, 2005)

En revanche, pour Schopenhauer, tel qu’il l’expose dans le chapitre Métaphysique de l’amour, Compléments au Monde comme Volonté et comme Représentation " - 1818 - Ed. PUF : l’amour n’est qu’une illusion, une ruse de la nature qui incite l’homme à procréer et qui participe à la continuelle « reproduction des espèces » qui se trouvent forcées de subir ce monde violent où la souffrance et le désespoir sont les maîtres mots. Toute passion, en effet, quelque apparence éthérée qu'elle se donne, a sa racine dans l'instinct sexuel, ou même n'est pas autre chose qu'un instinct sexuel plus nettement déterminé, spécialisé ou, au sens exact du mot, individualisé. Considérons maintenant, sans perdre de vue ce principe, le rôle important que joue l'amour, à tous ses degrés et à toutes ses nuances, non seulement au théâtre et dans les romans, mais aussi dans le monde réel. Avec l'amour de la vie il nous apparaît comme le plus puissant et le plus énergique de tous les ressorts (...) Mais l'esprit de vérité découvre peu à peu la réponse à l'observateur attentif. Non, ce n'est pas d'une bagatelle qu'il s'agit ici ; au contraire, l'importance de la chose en question est en raison directe de la gravité et de l'ardeur des efforts qu'on y consacre. Le but dernier de toute intrigue d'amour, qu'elle se joue en brodequins ou en cothurnes, est, en réalité, supérieur à tous les autres buts de la vie humaine et mérite bien le sérieux profond avec lequel on le poursuit. Ce qui se décide là, c'est bel et bien la composition de la génération future. »

(9) - Discours d'Aristophane in Le Banquet, Platon- 380 AVJC – Ed. Garnier Flammarion

(10)- Louis Ferdinand Céline – Voyage au bout de la nuit – 1932 – Ed. Folio Gallimard

(11) - Michel Houellebecq – Extension du domaine de la lutte – 1994 – Ed. Maurice Nadeau

(12) - Emmanuel Levinas – Totalité et infini – 1961 – Ed. Biblio essais- Le Livre de Poche

(13) - Vladimir Jankelevitch – La mort- 1966 - Ed. Flammarion

( 14) - J.-P. Sartre- Le Diable et le Bon Dieu, p.225 – 1972 – Ed. Gallimard

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A suivre....

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 23:04

A l'occasion de l'exposition "A l'ombre d'Eros - l'amour, la mort, la vie!" paraîtra un catalogue, dont je suis l'auteur.

Date de parution: 15 juin 2015

Disponible, entre autre , sur fnac.com, amazon.fr, decitre.fr, e-leclerc.com...

144 pages, couleur - Edition Silvana Editoriale - ISBN/EAN: 978-88-366-3100-1 - 9788836631001    

General Motoeurs - black version - Ghyslain Bertholon - Courtesy l'artiste et SchoolGallery, Paris

General Motoeurs - black version - Ghyslain Bertholon - Courtesy l'artiste et SchoolGallery, Paris

Je publie ici l'essai en préface, en plusieurs parties...

 

« Le bonheur de l'homme semble avoir été oublié dans le plan de la création du monde. C'est nous, et nous seuls, avec notre capacité d'amour, qui donnons une signification à un Univers froid et indifférent. Et pourtant la plupart des êtres humains semblent avoir la capacité de chercher, et même de trouver du bonheur dans les choses les plus simples, comme leur famille, leur travail et l'espoir que les générations futures sauront mieux comprendre. »

 

Louis Levy (Martin S. Bergmann) (1) – Crimes et délits, 1990 – Woody Allen

 

Le Monastère royal de Brou, une histoire d'amour et de mort

 

A l'ombre du jubé de la somptueuse église Saint-Nicolas-de-Tolentin, joyau gothique flamboyant, sous les arcades des cloîtres, les salles voûtées d'ogives, où durant des siècles, des moines augustins prièrent pour les princes défunts, partout flotte un parfum de romantisme, de grandeur et de mélancolie, d'amour sublimé, et de mort. Car ici plus que nulle part ailleurs, sous la promesse faite à sa belle-mère par la puissante Marguerite d'Autriche, et dans l'éploration de son amour défunt, le Monastère royal de Brou est devenu, à travers les siècles, un symbole d'amour, et de l'amour persistant par delà la mort.

Il n'en fallait pas davantage que cette extraordinaire histoire d'amour et de mort pour imaginer que le Monastère puisse devenir le cadre enchanteur et inspiré d'une exposition qui évoquerait cela même qui agite l'humanité du plus loin de ses fondements : l'amour, la mort, la vie !

 

Proposer une exposition d'art contemporain dans un lieu patrimonial est toujours un pari risqué et exigeant, tant au regard d'une dimension architecturale dont il est impossible de faire l'économie, que de la manière dont peuvent y résonner des œuvres contemporaines. Pourtant, s'y nourrit la certitude que cela révèle, pas tant par magie que par le pouvoir des contrastes, et de l'histoire, une sorte de filiation. Ainsi, en est-il d'Eros et Psyché, œuvre de Joël Paubel à entrée multiple, qui, se déployant autour des deux stèles de Richard Serra, dans le second cloître, et au pied des gisants de Marguerite et Philibert, renvoie l'infini reflet de l'Histoire. Puis, placée à l'entrée de l'église, la Fountain de Ghyslain Bertholon, hommage aux amours galantes si bien dépeintes par Fragonard, connecte d'emblée la force d'une représentation contemporaine avec l'histoire du monument, une fontaine de jouvence, le cœur séparé du corps de Marguerite, et peut-être, un indice du saint secret de l'amour (2).

 

Le Monastère royal de Brou, monument d'amour et monument funéraire, porte en son cœur les préoccupations les plus fondamentales, et rencontre ainsi celles de tous les artistes: la puissance de l'amour, « expérience personnelle de l’universalité » par excellence (3), l'évidence de la mort, et la question sans achèvement de la manière dont la vie peut prendre sens entre ces deux occurrences.

 

Ainsi est né « A l'ombre d'Eros », ou comment au-delà de l’amour, en son sens le plus prosaïque, le combat d’Eros, fondamentalement puissance vitale, puissance de création, se poursuit inlassablement contre les forces de la déliquescence, de la destruction et de la mort.

Invitation a donc été faite à cinquante artistes contemporains de tous horizons pour s'emparer avec eux du monument et y raconter cette histoire universelle et initiatique, une histoire où se mêlent l'amour et la mort et où se dessine, éternelle et vaine, et belle, la lutte de la vie contre l'entropie de l'univers, de l'existence contre le néant.

 

 

Eros, une histoire de cœur...

 

Eros, ce dieu grec de l'amour et de la puissance créatrice, né de l'oeuf cosmique issu de l'union de l'Ether et du Chaos, sert donc de fil conducteur à cette exposition, dans laquelle tous les aspects de la création, et de l'amour, sont évoqués. Eros parce qu'il a bien fallu, dans notre Histoire, tenter de savoir comment si ce n'est pourquoi « quelque chose et pas plutôt rien » (4), comment la conscience émerge du néant, comment et pourquoi l'amour, tentative de néguentropie nécessaire si nous voulons donner sens...Bien sûr, nous n'ambitionnons pas de répondre à cette question dans l'exposition. Tout au moins les artistes, au travers de leur propositions plastiques, lèvent ici et là des pans de ce voile posé sur la destinée du monde dans lequel nous sommes jetés (5), et nous saisirons leurs œuvres comme autant de paris sur notre compréhension du monde.
 
Eros donc, énergie vitale de l'homme, qui le pousse à croître, à créer, à s'unir et à aimer. Dans les traités d'anatomie de la Grèce ancienne, le cœur était perçu comme le siège de l'âme toute entière et le sang propulsé par le cœur, le véhicule de «l'esprit vital ». Ainsi, les battements du cœur, ses contractions, ses palpitations, ses hésitations révèlent l'agitation de notre vie intérieure, de nos pensées et de nos volontés comme de nos affections. General Motoeurs, deux cœurs surdimensionnés, noir et blanc, œuvres de Ghyslain Bertholon, expriment cette double dimension, le cœur comme siège réel (avec ses valves, ses artères) autant que symbolique de l'Eros, à la fois puissance vitale et organe hautement symbolique de l'amour, donnant à voir d'emblée la complexité fragile de cet état qu'on appelle « être vivant ».
 
Ici, donc, sans prétention scientifique aucune, c'est au cœur de ce cœur que nous logerons le siège du mouvement de la vie. Qu'il s'agisse d'une nécessité, d'une loi de la nature, ou d'une pure contingence, au fond, importe peu. Ce qui importe, c'est ce sentiment immédiat de la vie en nous comme puissance d’affirmation, cette « persévérance dans son être », enfin, comme dirait Spinoza (6), essence même du désir.
Et au premier plan, cette persévérance de la vie s'exprimant dans l'enfantement et la maternité, qui depuis la « Vénus » originelle de l'art paléolithique, femme-terre, matricielle, hante immémorialement nos réalités comme nos imaginaires. Ainsi se trouvent rassemblés dans le même espace trois œuvres dont nous soulignons la filiation. Un ventre de maternité Gelede Fon célèbre, au travers du culte de la "Mère", le pouvoir des femmes et leur rôle central dans l'organisation de la société Yoruba. Cet objet exprime l'universalité de ce mouvement et de cette quête d'énergie vitale, incarnée par le corps maternel et le pouvoir d'enfantement. Ici aussi, la figure maternelle qui nourrit toute l'œuvre de Louise Bourgeois, comme en témoigne ce dessin, œuvre tardive issue de la série The Good Mother, et dont le motif de la mère à l'enfant deviendra presque obsessionnel à la fin de sa vie. Ici enfin une Vierge noire à l'Enfant, fétiche contemporain de fécondité, que s'est réapproprié Dimitri Fagbohoun.

 

..................

 

(1)- Dans le film Crimes et délits (Crimes and Misdemeanors) – 1989 - de Woody Allen, Martin S Bergmann joue le rôle de Louis Levy, un philosophe auquel Cliff Stern (Woody Allen) consacre un documentaire. Martin S. Bergmann, qui n'a fait qu'une autre apparition au cinéma, dans son propre rôle dans le célèbre Schindler's List de Steven Spielberg, est psychanalyste, membre de la New York Freudian Society, membre honoraire de l'American Psychoanalytic Association et professeur à l'école post-doctorale de Psychologie clinique de la New York University

(2) – D'après Saint Bernard de Clairvaux- Sermon 96, de diversis – 12ème siècle – in Sermonts divers, 2012 – Ed. Cerf: «Du secret de la poitrine de Jésus sortent quatre fontaines, où l'on puise quatre sortes d'eau, et d'où est arrosée toute l'Eglise répandue dans le monde. Ces quatre sources sont : la vérité, la sagesse, la force et l'amour. Elles fournissent de l'eau, et chacune une eau particulière. A la fontaine de la vérité, on puise l'eau du jugement, à celle de la sagesse, l'eau du conseil, à la fontaine de la force, l'eau du secours, et à celle de l'amour, l'eau des désirs ».

(3)– Alain Badiou - Éloge de l’amour, 2009 – Ed. Flammarion

(4)- Selon la célèbre question de Gottfried Wilhelm , Principes de la nature et de la grâce fondée en raison – 1740 - Ed. Garnier Flammarion

(5)- Selon l'analyse du Da-Sein, qui « est toujours et déjà enfermé dans un horizon de possibilités en deçà desquelles il ne saurait remonter, il « est » ces possibilités » - Martin Heidegger – Etre et Temps – 1927 – Trad. François Vezin - Ed. Gallimard, 1990

(6)- «Chaque chose, autant qu’il est en elle s’efforce de persévérer dans son être. » Baruch Spinoza, Ethique livre III – 1677 - Ed. Garnier Flammarion

 

à suivre...

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