Résultat d’une résidence artistique de six mois chez Shakers, à Montluçon, Yassine Balbzioui présente, avec l’exposition « The fish inside me », un ensemble de peintures, photographies, aquarelles et vidéos, donnant à voir un panorama complet de ses pratiques et de son univers.
Tout commence avec cet étrange autoportrait : au sol, un corps gisant, la tête enfouie sous une couverture. C’est l’artiste, dont on ne sait s’il est encore en vie ou s’il se terre, se cachant le visage pour faire disparaître le monde : un geste animal – celui de l’autruche, animal qu’il affectionne-, un geste infantile, mais symbolique des questionnements et des effrois qui nourrissent son travail.
Formellement, la peinture de Yassine Balbzioui tient d’une certaine tradition expressionniste, et son travail, d’un sens aigu de l’absurde et de ses corrélats, l’ironie et la dérision, à mi-chemin entre Dada et Fluxus.
A l’instar de cet autoportrait inaugural, les personnages de Yassine Balbzioui ont tous ceci en commun que tout visage humain en est absent, que celui-ci soit occulté par un sac de papier ou de plastique, biffé d’un trait de peinture, masqué de carton-pâte, ou prenne les traits d’un de ces animaux qui animent son bestiaire : une autruche, un poisson.
Yassine Balbzioui est ainsi un bien étrange portraitiste, et cette dialectique entre « montrer » et « dissimuler » parcourt tout son travail, qu’il pointe ainsi nos multiples aveuglements volontaires, ou qu’il nous renvoie à notre intrinsèque solitude.
Mais les êtres hybrides que dépeint Yassine Balbzioui, aux confins de l’humain et de la bête, sans caricature ni anthropomorphisme, interrogent avant tout l’animalité « inside me », révèlent cette part inexplorée, occultée par la pensée, sous le polissage de la civilisation, et les basculements toujours possibles.
Par delà cette sorte de brutalité plane une atmosphère d’inquiétante étrangeté, dans laquelle le non-sens et le décalage, la posture d’idiotie, le comique du geste, en terme de rupture de cohérence, pourraient renvoyer au monde de l’enfance mais nient dans le même temps toute innocence, marquant dans ces visages sans visages, ces grands yeux comme des trous noirs, inquisiteurs et stupides -au sens propre- une part d’effroi face au spectacle du monde dont nous sommes.
Et le rire, plus que jamais grinçant et d’essence « satanique », pour reprendre le mot de Baudelaire, que provoquent les performances vidéo ou les photographies du « Safari Bamako » de Yassine Balbzioui exprime intensément nos tiraillements entre deux infinis.
"The fish inside me" - Yassine Balbzioui - Chateau de la Louvière, Montluçon - du 4 mars au 4 avril 2011 -
Un catalogue sera publié à l'occasion de cette exposition, avec un texte que j'ai signé.
Voir le site de l'artiste: www.yassinebalbzioui.com