Véritable pari pour Sylvain Polony qui a choisi d'exposer à partir du 18 mars à la Galerie Charlotte Norberg, un travail de gouache sur papier figuratif intitulé "archives des limbes" en même temps que son travail d'abstraction.
Avec « Archives des limbes », Sylvain Polony expose pour la première fois, à côté du travail abstrait qui fait sa spécificité, un ensemble de portraits figuratifs, travaillés à partir de photographies sorties des archives familiales. Si l’artiste semble verser ici dans une dimension autobiographique, introspective voire psychanalytique, nouvelle pour lui, ce travail de figuration n’entre pourtant pas en contradition avec les questionnements qui depuis toujours sous-tendent sa pratique de l’abstraction. Passé le choc de la confrontation et du premier regard, on pressent d’emblée un même souci de l’image et de la photographie. Ici, certes, cette question renvoie à celles de la conscience du passé, de la mémoire, qui, au travers de ces visages surgis des limbes générationnelles, demandent « ce qui reste » dans la fuite du temps. Mais les questions de la représentation et du sujet, de la narration, de la place de l’auteur dans et par l’oeuvre, préoccupations récurrentes dans sa démarche, impulsent à cette échappée vers la figuration une manière de renouveler ces interrogations. Celles-ci rejoignent le débat de l’histoire de la peinture, apportant des réponses différentes, avec des pratiques différentes, à des préoccupations finalement communes à l’abstraction et à la figuration.
Au sujet d' "archives des limbes", l'artiste écrit:
"Chaque jour, nous constatons que le monde qui nous entoure disparaît peu à peu. Il en va de même des souvenirs. La perte des traces de ceux qui nous ont précédé sur cette terre est douloureuse car elle nous renvoie à la question essentielle : Que reste-t-il d’une vie ? De la nôtre? De celle de ceux que nous avons aimés ? Mourrons-nous une seconde fois lorsque ceux qui pouvaient se souvenir de nous s’éteindront à leur tour ? C’est sans doute pour cette raison que les photos de famille nous fascinent, ou nous dérangent. Et pourtant, lorsque nous regardons une de ces images, ce qui frappe le plus n’est pas ce qui est représenté, mais tout ce qui est caché, ou plutôt : tout ce qui a disparu, ce que nous imaginons, reconstruisons en fonction des histoires que nous avons entendues. Et c’est là toute l’ambiguïté de ces images que de nous faire croire qu’elles sont une trace d’une réalité disparue, alors qu’elles ne sont que des béquilles pour nos propres chimères. Elles semblent capables d’arrêter le temps mais ne sont que fiction.
Lorsque j’ai entrepris de représenter méthodiquement, ces photographies de famille, de faire des images de ces images, j’ai bien entendu été confronté à deux questions : Pourquoi ? et Comment ? Ma motivation principale, qui répondait à un désir quasi pulsionnel, semblait être l’appropriation. J’avais scrupuleusement rendu à chacun les originaux, à l’exception de ceux qui m’avaient été offerts. La magie opérait toujours sur l’écran de l’ordinateur où je visualisais les visages du passé, mais la dimension tactile, le fétichisme de l’objet, de la chose « réelle », touchée, avait disparu. D’autre part, si tous ces visages constituaient une galerie de portraits représentants ceux que je savais être mes ancêtres, ils n’étaient pas réellement « à moi ». Surtout, le lien qui les unissait n’existait plus que dans mon ordinateur. Comment aborder ces images ? Comment avec sincérité, évoquer ces êtres presque inconnus et pourtant si proches? Il m’est bien vite apparu que l’acte essentiel n’était pas de représenter telles ou telles photographies, mais de les unir, de faire de ces personnes connues ou inconnues « ma » famille (ce qu’elles étaient au sens strict). En reconstituant ce lien, je donnais une place à chacun, quelle que soit son origine, son histoire, les exclusions dont il avait été victime… "
Double exposition Sans titre/ Archives des limbes - Du 18 mars au 17 avril 2010- Galerie Charlotte Norberg - 74 rue Charlot - Paris 3ème