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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 23:15

L'Espace 111 ouvre sa programmation avec une exposition intitulée "Là où on est", réunissant dans un bel espace de 250m2 les oeuvres de trois artistes : Génia Golendorf, Monica Mariniello et Dominique Moreau. Trois artistes montreuilloises pour trois réflexions sur l'essentiel : là d'où on vient, là où on est, là où on va...

 

"Là où on est"

 

"Là où on est" joue d'abord sur les mots et les lieux, pour Nancy Olivier, la directrice artistique de l'Espace 111, qui vient de prendre possession de ce nouvel espace.

 

C'est aussi un clin d'oeil à ses origines canadiennes et à son statut de migrante, avec l'idée qu'on fait les choses "là où on est"...

 

C'est enfin une allusion à l'implantation de l'Espace 111 à Montreuil, ville dont on connaît le formidable vivier d'artistes y vivant et y travaillant, mais qui y exposent peu, faute de structures. L'Espace 111 offre à ces artistes de nouvelles perspectives.

 

Puis, "Là où on est", s'amuse des sonorités -sororité... - entre l'"être" et le "naître". Car le propos qui rassemble les trois artistes qu'a choisi Nancy Olivier s'articule autour de ces socles communs, que sont les racines - au propre comme au figuré, voir l'oeuvre de Dominique Moreau-, la question des origines, qu'il s'agisse de la "terre mère", de la mémoire ou de l'histoire, constitutives de l'être.

Cette nature, qu'elle nous définisse ou nous porte, nous nourrit, et chacune de ces artistes, à sa manière, l'informe et la transforme, y projetant ou en extrayant sa poésie, rappelant que c'est le regard, et non la chose, qui fait la poésie du monde.

 

"Là où on est" présentera, dans la salle principale de l'Espace 111, aux volumes industriels, sculptures, peintures et installations, autant d'oeuvres à l'énergie brute, invitant à un voyage comme une archéologie au coeur des liens intimes noués depuis toujours entre l'homme et la nature, entrelacés des traces de sa propre histoire et de sa condition.

 

La petite salle se métamorphose pour l'occasion en "Cabinet de curiosités", offrant des oeuvres plus intimes, plus confidentielles, des trois artistes. Petites installations, sculptures, objets animés : ces oeuvres pourraient en effet relever d'une de ces collections qui passionnaient les hommes de la Renaissance, et dans lesquelles l'art, la science et la nature tissaient leurs liens. Ce petit théâtre du vivant, êtres et fomes hybrides, du bizarre au sublime, nous transporte entre mystère et merveilleux, étrangeté et beauté, nourrissant notre perpétuel besoin d'enchantement.

 

 Génia GOLENDORF

 

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Pour « l’insoutenable légèreté du rose », Genia Golendorf use du rose dans ses « sculptures végétales » comme une excroissance extranaturelle de la nature, un trait d’humour, paradoxalement, noir, une boursouflure organique sur des racines, tentant une improbable greffe du vivant sur le mort. Ces oeuvres évoquent par certains aspects les « objets pansés/objets pensés » d’Erik Dietman, dans ces pansements incongrus et poétiques. Avec délicatesse et incongruité, le travail sur papier, photographies anciennes retouchées à la peinture, évoque avec malice et nostalgie, l’enfance, la temporalité, la déliquescence et la fragilité, la disparition…

Dans le « cabinet de curiosités », des petites machines « animées », au sens propre, presque, semblent forcer le mariage du mécanique sinon du vivant avec le mort, au travers de ce mouvement, de cette respiration secrétée par la machine comme un organisme mystérieux, renforcé parfois par l’allusion aux symboles des natures mortes et des vanités : crâne, mouches…Elles flirtent ainsi avec une poésie de l’absurde et de l’infini.

 

« Evoquer la couleur rose, c'est pénétrer dans l'univers ultrasensible qui lui est propre : couleur tendre et sucrée, fraîche et délicate, elle est infailliblement liée à l'image du bonheur.

L'utiliser pour représenter la souffrance dont elle est la suprême antithèse, c'est volontairement pour minimiser, voir même “égayer” l'aspect dramatique des contours qui lui sont ici assignés.

 

Squelettes d'arbres, tronçonnés, tels des gisants, ornementés de leurs blessures, excroissance de chair, sparadrap venu panser une plaie… « Sculptures dérisoires », modestes éclats de bois greffés de leurs inquiétantes et grotesques infirmités et placées sous vitrine, vestiges précieusement conservés...« Sculptures machines », fragments de squelettes d’où continue de suinter les traces de la vie ou encore tissus faiblement agités par un mystérieux monde intérieur.

 

Ces présences silencieuses, végétales, animales et humaines, tentent de suggérer une méditation poétique sur la barbarie omniprésente. » ( d’après Génia Golendorf)

 

 

MONICA MARINIELLO

 

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Saisir l’essence du « Teatrum Mundi », du théâtre du monde, tel est le projet que mène avec passion Monica Mariniello. Rien de ce qui a trait à la vie, à la nature comme à la condition humaine, n’est étranger à son travail. Elle explore la figure humaine dans l’infini de ses possibles, revisite le ciel dans ses permanentes variations, cherche à attraper au vol l’immatérialité du temps, et la manière dont la nature s’élance de la terre au ciel. Le travail de Monica Mariniello s’ancre dans une forme de spiritualité, enracinée dans les mythologies et les civilisations anciennes, emprunte du souvenir du monde étrusque. Son œuvre se déploie avec dramaturgie, dans une sorte de théâtralité solennelle et puissante, à l’antique, et une fascination pour la force et la fragilité des éléments, terre et  pierre, fer et air, feu et eau.

 

« Theatrum Mundi (…) renvoie à l’idée du monde comme une scène sur laquelle les êtres humains jouent un rôle assigné, comme dans la pièce de Pedro Calderon de la Barca, Le Grand Théâtre du Monde (1645), où le poète appelle sur la scène le Riche, le Roi, le Paysan, le Mendiant, la Beauté, la Prudence et l’Enfant. Dans cette allégorie baroque les gens sont prisonniers de leur rôle, ils sont leur rôle. Les personnages de Monica Mariniello, au contraire, révèlent qui ils sont : sur la scène du monde, le sculpteur appelle des  personnes hors du rôle, des âmes nues. Elle donne en quelques traits le « qui », comme dirait Hannah Arendt, d’une humanité plurielle, à la fois tragique et capable de bonheur.

Le matériau s’impose à l’attention, se montre, n’est pas transparent. La terre glaise n’est pas un simple support. Cette argile plastique et composite, où les couleurs (blanc, bleu, rouge, gris) apparaissent au hasard sans que l’artiste essaye d’en contrôler la disposition et créent des tâches, des ombres, des irrégularités confèrent  à chaque visage une présence singulière.  Dans le monde des immatériaux, Monica Mariniello n’hésite pas à privilégier la matière, la matière des corps qui souffrent, exultent,  attendent, se défont, prennent la place, chargés d’histoire et de cultures. (…)

Ces têtes sur une tige, une tige subtile qui porte une matière pesante, viennent vers nous bouleversant notre idée de l’équilibre, suggérant à la fois la fragilité des affaires humaines et la force de la présence au monde. Ce sont des présences : des hommes, des femmes, des hommes efféminés et des femmes masculines, des vieux, des gens sans âge et sans forme….  qui nous rappellent que la vie est, tout simplement : ni belle, ni laide, elle est…. à vivre, avec compassion, écoute, prêts à se perdre dans une rencontre, à ne pas juger, à accueillir, à ne pas vouloir à tout prix reconnaître. »   Sylvestra Mariniello – Directrice du Département Cinéma et Histoire de l’art de l’Université de Montréal

 

 

DOMINIQUE MOREAU

 

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Le travail de Dominique Moreau parle de la terre et des racines, au sens propre. Finalement, n’y a-t-il plus efficace que de se confronter à la matière dans sa forme la plus brute et la plus naturelle ? Sa peinture évoquant la terre, ses irrégularités, ses racines, sa matérialité, la manière dont on la transforme et la travaille. Ses « objets-racines » suggèrent à la fois le débordement et la prolifération de la nature, la puissance de sa perdurance grâce ou malgré la maîtrise que l’homme pense avoir sur elle, mais aussi la beauté et la magie de la croissance et de la fertilité. Les petites boîtes installées dans le cabinet de curiosités montreront d’étranges et poétiques compositions de plantes fantasques, curiosités botaniques, organiques et précieuses.

 

Sensible aux traces, à la transmission, c’est la lecture d’un article sur la mémoire des forêts qui a déclenché ce profond travail exploratoire sur les forces vitales au coeur de la terre.

« L’article expliquait que des terres cultivées il y a fort longtemps, puis laissées à l’abandon, gardent en leur sein des « ferments » qui permettent à des arbres, des plantes de pousser là où ils n’auraient jamais pu se développer normalement. L’agriculture à une époque donnée a donc changé le cours des choses (…) J’ai commencé à faire pousser à l’atelier des patates douces et autres dans des pots de verre, à regarder se développer leurs racines-tentacules qui d’habitude sont invisibles sous terre...Je me suis mise à photographier les fleurs, les graines, les arbres et leurs troncs, cette force de poussée, force de vie.          Des formes symboles commencèrent à s’imposer à moi. Légumes-racines, rhizomes, tubéreuses, tubercules...Ce que je nomme mes légumes-fantômes, légumes-fossiles.

Tout cela prolonge aussi mon envie de recherche sur les accumulations (graines, légumes, racines, feuilles, branches, fagots...) et de volume. Tout cela me transmet la force et la joie de poursuivre mon chemin pictural. (…)Depuis quelques temps, mes toiles regorgent de « légumes-fantômes », de racines en tous genres symbolisant la fertilité des terres engendrée par des centaines d’années d’agriculture. J’exorcise cette mémoire par des formes donnant à penser à des légumes, légumes-racines, graines, troncs, branches, tubercules, triomphants de vie ou bien recouverts peu à peu par des strates de couches-peinture-mémoire ….. souvenirs effacés ..…Mémoire des terres cultivées, terres maraîchères, terres horticoles, paysages agricoles remplis des traces laissées par le travail, le labeur des hommes…..Mémoire des hommes, aussi avec la Terra Preta, terre fabriquée ou enrichie par les indiens en mélangeant du charbon de bois aux sols pauvres de la forêt tropicale….La terre qui renferme aussi des immondices, culture OGM, pesticides, déchets industriels accumulés, cadeau empoisonné offert aux générations futures.

(…) Il faut dire que le terrain était préparé. Je vis avec un enfant de la terre, de cultivateur. Il crée au fils des saisons  son potager au fond du jardin et nous vivons dans les « murs à pêches » de Montreuil, parcelles horticoles entourées de hauts murs gardant la chaleur de la journée et la restituant la nuit. (…)

C’est par la peinture et le dessin que j’ai commencé mon chemin artistique et que j’ai débuté ce travail sur la mémoire de la terre agricole, des terres cultivées, des traces du travail et du labeur des hommes. Travailler sur l ‘idée de la terre et  de ce qu’elle fait pousser, de la force de vie aussi,  m’a amenée petit à petit à avoir envie d’entrer dans la création de volumes, et d’installer des choses dans l’espace.(…). Les volumes-sculptures sont souvent présentés dans des boîtes en plexiglas. Cela met une distance, comme un travail de mémoire sur les choses. Cela sublime l’objet montré comme une relique. Le travail d’installation est passionnant car il permet d’avoir un autre rapport avec l’espace, de jouer avec l’air que l’on dispose entre les éléments. C’est une espèce de magie qui anime un lieu et le change : il lui donne une autre signification et apporte de nouvelles sensations. » (Dominique Moreau) 

 

 

"LA OU ON EST" - Vernissage le 24 septembre - Exposition les 24 et 25 septembre à l'Espace 111- 111 rue de Stalingrad- 93100 Montreuil - Métro Croix de Chavaux (ligne 9)

  

 

 Textes réalisés à l'occasion de l'exposition, pour l'Espace 111

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