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25 février 2009 3 25 /02 /février /2009 22:28



Photo tirée de la vidéo "L'homme sans cheval 03" -mounir fatmi



Le travail de mounir fatmi s'élabore progressivement en une axiologie rhyzomatique, une écriture comme un entrelacs de points de vue et de connexions.

Avec son regard critique sur les réalités et les fantasmes du monde contemporain, il écrit que celui-ci ne peut se lire que dans la complexité, la confusion parfois, de ses approches. Ses oeuvres multiplient les lectures, dans des stratifications sémantiques mettant en réseau tous les domaines de la pensée. Ses préoccupations sont autant esthétiques que formelles, politiques que sociologiques, économiques qu'éthiques, métaphysiques que religieuses.

Cassettes VHS, câbles d'antenne, barres d'obstacle, casques de chantier : ces matériaux techniques, pauvres ou ordinaires, sont détournés, réhabilités en vocables plastiques. Leur usage ne se limite pas à une transposition duchampienne mais joue sur le double registre de la sémantique et de la métaphore, pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils représentent.

Les œuvres de mounir fatmi fonctionnent comme des stratégies, des pièges. Objets anodins mus en bombes critiques, ils pointent les mécanismes de notre relation fantasmatique au monde dans les idéologies comme pour la conscience individuelle, l'architecture contemporaine ou l'économie, la politique ou l'idée de modernité, dans sa part de fascination pour l'invisible. Tout en confrontant des moments de l'histoire de l'art, ils questionnent la transmission des savoirs, le pouvoir de suggestion des images dans le vortex médiatique, la séduction de la violence et la force critique de la déconstruction, les utopies, le poids de l'Histoire ou de l'architecture sur les destinées individuelles.

A une histoire totalisante, mounir fatmi opposera toujours une histoire « intempestive » (Deleuze); à la religion, il préfèrera toujours le savoir et à la Vérité, les livres et les mots.

Sous un vocabulaire plastique oscillant entre minimalisme et esthétique de la densité et de l'enchevêtrement, se construit un système d'hypothèses sémiotiques, dans une incertitude méthodique. Chez mounir fatmi, l'instabilité, à la fois risque, crise et tension des opposés, donne à voir un état permanent de précarité dans lequel toute certitude peut être déconstruite, dans lequel il n'y a plus ni centre ni transcendance. Au travers de cette vision d'une humanité dans son inachèvement essentiel, s'affirme la nécessité de la lutte, du dialogue et de l'engagement. Le travail de mounir fatmi est un acte permanent de lucidité et de résistance contre les déterminismes, les totalitarismes et l'écrasement des individualités.

Résister pour exister, parce que la vie est par essence pouvoir de résistance.

Dans la ville sans visages, Les égarés ont pris possession des toits, comme un défi. Debout sur la coupole d'un marabout, le regard tourné vers l'horizon, ils revendiquent leur désir d'être libre, de penser, de sentir, d'exister, « d'échapper à la névrose obsessionnelle dont témoignent les vrais égarés, ceux qui, dans la dernière partie de la vidéo, psalmodient, à leur insu, l'ordre du discours »*.

L'homme sans cheval - 03 fait partie d'une trilogie autour de trois formes connexes de chute, physique, métaphysique, historico-politique. Un homme dans une tenue de cavalier apparaît en haut d'un chemin. Il donne des coups de pied dans un livre. Ce livre porte un titre : Histoire. Mais quelle Histoire ce cavalier entend-il bousculer ou détruire ? Est-ce la « fin de l'histoire » ? Dans ce geste rageur d'un livre détruit et traîné dans la boue, semble s'affirmer le refus d'une Histoire comme « justification de tous les sacrifices », « principe d'arbitraire et de terreur », la résistance à cette Histoire qui « suggère un autre royaume, dogme sans fondement qu'on se verra imposé par ceux à qui le dogme profite » (Albert Camus). Mais l'individu y résistera-t-il? Si assuré dans son pas, si acharné dans sa destruction, à la fin pourtant, l'homme s'effondre dans la boue. « L'homme est le seul héros de sa propre histoire ». Pour mounir fatmi, l'Histoire et la politique s'incarnent toujours dans des trajectoires individuelles en lutte contre les déterminismes.


*Evelyne Toussaint


Texte publié (en anglais et norvégien) dans le catalogue de l'exposition "Looking Inside out", Commissaires: Maaretta Jaukkuri, Cristina Ricupero- Avec Kader Attia, Dora Dhouib, Hala Elkoussi, Mounir Fatmi, Chourouk Hriech, Bouchra Khalili, Nicène Kossentini, Driss Ouadahi, Younès Rahmoun, Hans Hamid Rasmussen, Batoul Shimi
Exposition du 20-02 au 29-03/2009 - Kunsternes Hus, 0167 Oslo- Norvège

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T
"Robbins reveals ability not only to the sizzle on the up-beats, but can melt the ballads as well. Robbins is known as a master showman world renowned the best Mathis impersonator.
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