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20 octobre 2021 3 20 /10 /octobre /2021 22:31
Lieux d'être 2021, acrylique et collage sur toile 146x89 cm

Lieux d'être 2021, acrylique et collage sur toile 146x89 cm

Je suis ravie d'annoncer la sortie du premier ouvrage monographique de l'artiste Hélène Milakis, pour lequel je signe une préface, que vous pouvez découvrir ici;

Lieux d'être 2020, acrylique sur papier affiche  150x197 cm

Lieux d'être 2020, acrylique sur papier affiche 150x197 cm

Petits prolégomènes


De son enfance passée dans le pittoresque quartier Saint-Séverin, à Paris, Hélène Milakis ne conserve pas le souvenir d‘un moment de révélation qui l'aurait menée là où elle est aujourd’hui, la peinture comme compagne quotidienne et jamais assouvie. Pourtant, lorsqu’elle entre en 1993 dans l'atelier de l’artiste Dominique Chauveau, s’ouvre devant elle un univers qui ne se refermera pas. Très vite, elle entre aux Beaux-Arts, sous la tutelle de Bioulès, Alberola ou Velickovic. Son univers pictural y prend forme, marqué par la disparition prématurée de son père, dont la figure de l’absence s'inscrira ensuite en filigrane de toute son œuvre.

 

Il suffit de se rendre dans l'atelier d’Hélène Milakis pour constater la diversité et la profusion de sa production: dessin, peinture, gravure, dans une grande diversité de supports, de techniques ou de formats, des plus amples aux plus atypiques, des miniatures au rouleau de dix mètres de long, frise de motifs animaux aux allures pariétales, jusqu’au multiples carnets qu'elle emplit de dessins, esquisses, peintures, qu’elle conçoit non comme croquis préparatoires mais comme oeuvres  à part entière, et qui pourraient tout à fait couvrir un vaste mur d’une salle d’exposition. A la modestie de format du carnet peut tout à fait répondre une œuvre créée sur l’endroit recouvert d’une grande affiche de cinéma ou de publicité, récupérée dans la rue ou le métro. Ce n’est ici pas tant le support qui prend sens - comme bien sur chez Villeglé par exemple-, que la texture lisse de l’affiche, sur laquelle glisse le pinceau et sous laquelle on devine l'épaisseur des affiches, comme une sorte de palimpseste (écho à ce mystère du dessous, que l’on retrouvera, avec ses ajouts de papiers comme des masques, sur certaines de ses oeuvres).

 

Immédiatement, on reconnaît, dans cette production foisonnante, la marque de ce qui fait l’essence même d' “être artiste”, cette volonté de travailler un sujet jusqu’à exténuation, cette inextinguible soif d'expérimentation et de recherche, par delà le style, l’univers que l’artiste se construit, et la reconnaissance, y compris formelle, que l’on peut en faire.

 

S’il fallait replacer la peinture d’Hélène Milakis dans un contexte, une lignée artistique, Der blaue Reiter s’impose d’abord à l'esprit, en raison des chevaux bleus de Franz Marc, sans doute. Mais il serait réducteur de s’en tenir à cette filiation. car si, comme Marc, l’artiste tend à occulter la représentation humaine au profit de l’animal, et que s’y retrouve aussi cette sorte de simplicité formelle et chromatique, elle n’ attribue pas pour autant, comme le fit l'artiste allemand, quelque vertu que ce soit à l’animal, qui répond ici, on le verra à d'autres enjeux symboliques. 

C’est donc plutôt du côté du néo-expressionnisme d’un Baselitz ou d’un Lüpertz qu’il conviendrait de regarder, dans cette manière, parfois, de représenter les corps, de cadrer ses compositions, dans le choix d’un chromatisme sourd, dans une intention plus proche de la sensation, de l’atmosphère, que d'une quelconque vérité. Il s'en faut cependant que la peinture d’Hélène Milakis en soit une simple réappropriation contemporaine. Et elle sait prendre la bonne distance de toute communauté picturale.


 

Lieux d'êtres  2020, acrylique et collage sur toile 27x35 cm

Lieux d'êtres 2020, acrylique et collage sur toile 27x35 cm

Etre là et disparaître

Celui dont les yeux brillent dans la nuit (1)


A l’acrylique rehaussée de craie, de fusain ou de sanguine, une de ses premières séries , “Sommeil profond” (2004-2008), donnait à voir des oeuvres où le blanc - la lumière?- domine, présentant des corps entre gisants et décorporation, esquissés comme en apesanteur, des visages émergeant parfois de la peinture dans la transparence des blancs rosés, d’où affleure parfois un rouge sanguin, reste de vie.

Cette question, ce fait,  de la présence, de l'être-là, et de la disparition nourriront dès lors la peinture et les intentions de Milakis.

 


Lorsqu’en 2012 Hélène Milakis entreprend de dresser des “Portraits de famille”, ce sont d’abord des portraits de groupes, dans lesquels humains et animaux - des chiens, compagnons de l’humain par excellence- semblent nous regarder dans le silence. Pourtant très vite, les visages et les corps s'effacent, au point de ne devenir que contours, silhouettes ou aplats, et peu à peu, les familles canines se substituent aux familles humaines. L’humain, relégué au second plan, s’épuise dans l’ombre, figures déchirées ou recouvertes de ces fameux papiers collés qu’elle utilise comme ajout ou masque, nous y reviendrons. La tête du chien se fait plus précise que la nôtre...Curieusement, pour l’artiste, cet effacement progressif de la figure humaine n’est pas pressentie comme une noirceur, les prémisses ou l’expression d’une angoisse, mais au contraire comme un soulagement, comme si elle se délestait de quelque chose. Le poids de l’être-là...La série "De l'autre côté” (2015),  dans laquelle même les animaux semblent disparaître dans une épaisse forêt picturale, confirme cette inclination à l’effacement. Plus tard, la série “Dead end”, qui affermit le goût de l’artiste pour les aplats noirs, offre, à la frontière de l’abstraction, ou, selon la leçon du néo-expressionnisme, cette figuration qui connait l’abstraction, des formes juste identifiables, renvoyant à une représentation de l’ordre de l’image furtive, de la sensation, paradoxalement à la fois dans le flou et fixé. Etre-là et disparaître…

Et donc avec le temps, voici la figure humaine disparaissant des tableaux de Milakis, au profit d’une figure animale devenant récurrente.

 


Représenter l’animal, dans l’art n’a a priori rien de novateur. Le chien, comme le cheval, font d’ailleurs partie des animaux les plus couramment représentés dans l’Histoire de l’Art et l’art contemporain continue de s’en emparer souvent. De Koons à Cattelan, de Huang Yong Ping à Velickovic, jusqu’à la folle expérience de “Devenir cheval” de Marion Laval-Jeantet (Art Orienté Objet), chiens et chevaux font partie d’un bestiaire usité.

Souvent, il s’agit d’en faire un symbole, un médium d’une dénonciation critique de la société ou d’un moment de l’Histoire. Pour d’autres, l’animal est une occasion décorative, voire humoristique, d'une intention soulignant les concordances entre l’homme et les autres animaux. Pour d’autres encore, de manière plus sérieuse, il s’agit de pointer l’humaine animalité, ou l’animalité humaine, ou encore d’interroger le spécisme, les rapports de domination utilitariste de l’animal ou l’impact anthropocène. Rien de tout cela ne prévaut vraiment dans les intentions de Milakis. De son propre aveu, bien que soucieuse de ces questions - comme nous le sommes tous aujourd’hui - l’écologie et le rapport de l’homme à l'animal ne sont pas au centre de ses préoccupations artistiques. 

 

Il faut donc chercher ailleurs les indices de cette présence animale quasi exclusive dans son corpus pictural, de cette “résistance” à la figure humaine et de la récurrence de ces animaux.

Il y aurait bien l’anecdote de cette rencontre fortuite et presque fantasmatique, avec cette meute de chiens sauvages, quelque part au nord de l’Argentine, dans la province de Jujuy. C'est de là, dit-elle, que naîtra le début de sa longue série des "Chiens errants” (à partir de 2010). 

Il y aurait bien aussi cette tentation tirée de l’étymologie, que ne renierait pas un amateur de jeux de mots signifiants et autres glissements sémantiques (Freud ou Lacan en tête), d’analyser ce qui inspire l’artiste comme une réponse cynique -au sens propre- à ses interrogations ontologiques. En effet, quand on parcourt l'œuvre de Milakis, on ne peut qu’être frappé par ce doute, cette hésitation qui le surplombe, à propos d’un “statut de l’humain” qu’on ne saurait définir, essentiellement. “Je cherche un homme”, clamait Diogène de Sinope, parcourant les rues d’Athènes, sa lanterne brandie en plein jour sous le visage des passants. A l’instar du “chien céleste” (2), il n’est pas impossible qu’Hélène Milakis souscrive à ce mystère. Cela expliquerait, dans le même temps, cette pléthore de chiens et de chevaux sans cesse à nouveau représentés, comme si, avec Diogène, elle voyait bien “le cheval, et non la caballéité” ou encore comme si, se soumettant à l’infortune du concret, il lui fallait soit effacer soit représenter sans cesse ce qui existe (Dasein) à défaut de ce qui est (les grecs diraient ‘To ti esti”)

 


Cette hypothèse, pourtant, si elle esquisse un univers, ne suffit sans doute pas encore à élucider cette massive présence animale dans l'imaginaire de Milakis. Dans ce parcours d’indices, ce jeu de mystères, il reste encore à parier sur la dimension symbolique de l’animal, et de profondes réminiscences, qui s'étendent bien au-delà de la simple métaphore.

 


Si sa symbolique est riche et multiple, le chien possède, dans de nombreuses cultures, en Egypte, en Amérique du Sud, en Afrique subsaharienne comme en Orient un rôle de messager entre l’au-delà et le monde des vivants, mais aussi de protecteur et de passeur. Dans la culture mexicaine ancienne, les chiens étaient le plus souvent sacrifiés à la mort de leur maître, car eux seuls avaient le pouvoir d'accompagner le défunt à l'image de Xolotl, le Dieu-chien, afin d’aider à franchir les neuf fleuves qui séparent le défunt de Chocomemictlan, le royaume des morts. Le chien représente donc le psychopompe par excellence, c'est-à-dire, guide des âmes au bout de la nuit... Dans le panthéon grec, le chien participe à cet univers chtonien, porteur et portier d’un passage vers les mondes souterrains, ce qui implique aussi quelque chose de l’ordre de la renaissance, d’un lien entre les mondes. 

Les chiens parfois errants d’Hélène Milakis, nous regardent, nous invitent, se détachant d’un fond sombre presque monochrome si ce n'étaient des formes distinguées dans la pénombre et ici, là, un trait de lumière - le papier déchiré comme un voile-, une couleur acide comme un réveil.

Et puis, à partir de 2016, apparaît un autre animal, le cheval, représenté le plus souvent de manière frontale, sans mouvement, calme et serein, grave et silencieux. 

Il est probablement l’animal le plus représenté dans l’Histoire de l’art, de l'art pariétal à Byzance, de l'Egypte à Vinci, de David à l’art contemporain. Le portrait équestre, dès le 16ème siècle, constitue même un genre en soi. 

 

Comme le chien, le cheval occupe souvent, dans les mythologies et cultures anciennes, une fonction de psychopompe et se déploie depuis toujours autour de lui un riche imaginaire, questionnant notamment la dualité de force et de raison, d'instinct et d’intelligence, dont la figure du centaure réalise la synthèse.

Il ne paraît donc pas hors de propos d’hypostasier que la présence massive, tant formellement qu'en nombre, de ces animaux dans la peinture de Milakis puisse constituer l’expression métaphorique ou symbolique de ce qui draine et nourrit son oeuvre et sa réflexion, cette question lancinante de la présence, de la disparition, de l’absence, et de la concordance des mondes.


 

Lieux d'êtres 2020, acrylique et collage sur toile 27x35 cm

Lieux d'êtres 2020, acrylique et collage sur toile 27x35 cm

Papier déchiré, papier collé

Un trait de lumière tout contre le secret du masque


D’autres éléments, d’abord plastiques, viennent attester de ce souci récurrent. Ainsi, la technique de collage dont l’artiste fait usage de manière régulière bien que non systématique dans la composition de ses œuvres.  

Ce rajout de papier sur la toile s’avère parfois peu visible au premier regard, caché sous la peinture. Parfois au contraire, la déchirure du papier collé ponctue la composition, comme une zébrure de lumière dans un ensemble chromatique souvent sombre, ou encore, le collage se fait manifeste, produisant par la superposition un volume inattendu dans la toile. Le papier, posé sur la tête ou le visage, devient alors comme un masque sur les représentations figurées, redoublant cette sensation de mystère qui entoure les toiles de Milakis. 

 

Bien sûr, le masque constitue une thématique filant toute l’Histoire de l’Art. Il est souvent, comme chez Goya, la marque des faiblesses et cruautés humaines, le symbole, comme chez Ensor par exemple, de la mascarade sociale. Délaissant cette dimension critique, Hélène Milakis recouvre ce que l’on ne verra pas d’une autre figure, jouant plutôt de la fonction autant négatrice que créatrice d'identité du masque, poursuivant cette quête-enquête du mystère de l’être, dans cette permanente dialectique entre montrer et dissimuler. Et puis ce masque de papier, redoublement de la figure en même temps que son effacement ne peut que faire écho à son usage chamanique. Le masque, objet transitionnel,  n’est-il pas alors comme un écran interposé entre deux mondes, matérialisation ou extériorisation des forces présentes, mouvantes et agissantes dans la nature? Outil d'anonymat universellement usité, ouvrant à une "métaphysique de la présence", le masque, au delà de sa présence sensible, opère en médiateur spirituel par lequel celui qui le porte - homme ou animal, se désincarne pour incarner “autre chose”. Au Japon, on dit que le masque que l’on pose, qui n'est pas porté, est "terasu", “ en sommeil ”(3). Ceux que Milakis colle sur ses figures, eux, sont  “vivants”, et c’est là que s’incarne vraiment le mystère de la continuité des deux mondes.


 

Des tableaux de rêve

Dans les profondeurs de la réminiscence


 

Sans être non plus monadique, ce qui interdirait probablement toute communication émotionnelle, la peinture d'Hélène Milakis est, ou était jusqu'il y a peu, une peinture “intérieure”, explorant essentiellement une vie intérieure plutôt que le monde, d’une certaine manière. Une peinture qui parle d’un monde du dedans, de l'occupation intime à se tenir au bord des deux mondes, celui de l'être, celui de l’absence. C’est sans doute la raison pour laquelle la notion de trace, d'empreinte, et donc de double, importe tant à l’artiste.. Ainsi emploie-t-elle souvent cette technique proche du monotype consistant à  peindre un motif sur un support pour venir l'imprimer, le dupliquer sur un autre, créant ainsi une image et son double, une figure et sa trace, un être et un autre ( “une autre histoire”, 2020).


 

Bien que dans sa pratique, la notion de mouvement, en tant que geste, geste pictural, physique, de la main et du pinceau sur la toile, compte, la peinture de Milakis en elle même ancre ses représentations dans un contexte perceptif suspensif: aucun élément n’indique de temps ou de lieu défini, ni non plus quelque espace fictionnel déterminé. Autrement dit, de manière générale, nous ne savons jamais ni où ni quand, ni dans quelle histoire se situent les œuvres que nous voyons, que n’entrent dans aucun schéma narratif clair. 

 

Ce sont des tableaux, presque au sens théâtral du terme, c’est-à-dire des scènes capturées, dans un décor donné, qui sans connaissance du contexte, ne donnent que peu d'indices hors du tableau lui-même. Le contraire du coup de théâtre selon Diderot (4), un état des lieux - des "lieux d’être”, dirait Hélène - un arrêt sur image ou encore, une manière d’aborder la scène qui nous fait écho aux “Rêves reconstitués” d’Edouard Levé (5). Dans cette série photographique, Edouard Levé avait demandé à ses proches de rejouer le plus fidèlement possible des scènes de ses propres rêves  afin d’empêcher leur évanescence naturelle. Cela donnait d'étranges images d'actions comme figées dans un espace-temps indéfini, comme souvent d'ailleurs le sont les images de rêves. Il y a un peu de cela dans les peintures de Milakis, quelque chose de l’ordre de l’image onirique - rêve ou cauchemar, d'ailleurs- flottant hors du temps et de l'espace conventionnels, hors de toute narration linéaire, un pur “moment” imaginaire, une durée décomposée, les fragments d’un temps discontinu.

 

Ici, rêve et souvenir se construisent et se maintiennent sur la toile de la même manière que présent et passé peuvent se superposer dans nos consciences et nos imaginaires. Hélène Milakis fait souvent référence au film de Carlos Saura, “Cria Cuervos” (6), dont l’univers peut éclairer celui de l’artiste, ou comment la force de la représentation - ces animaux, ces corps puissamment présents sur sa toile, hantés, dans leur présence même- , et  les images du monde réel se fichent dans le monde imaginaire, comme autant de rémanences, brouillant entre eux les limites. Entre rêve, vision et réalité, sans frontière, sans règles et sans échelle de valeur, avec toute la puissance de son imaginaire, Hélène Milakis nous fait ainsi pénétrer dans son monde intérieur, grondant dans le silence.


 

Du souvenir au “ressouvenir”, il n’y a qu'une plongée dans les profondeurs de l’âme que l’artiste, sans en avoir toujours la claire conscience, laisse ressurgir à la surface de ses toiles. Souvent dit-elle, il s ‘agit de se laisser porter par ce qui advient, de se laisser guider par cette inspiration, ce surgissement des images, qu’elle ne maîtrise pas toujours. Ainsi subsiste-t-il toujours un mystère indépassable, s’il n’était que, comme le souffle Platon par la voix de Socrate, le mystère des formes qu’elle peint ne soit que l’éveil d’images latentes qu’elle porte en elle, depuis toujours et au-delà.

 

« Ainsi, immortelle et maintes fois renaissante l’âme a tout vu, tant ici-bas que dans l’Hadès, et il n’est rien qu’elle n’ait appris ; aussi n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que, sur la vertu et sur le reste, elle soit capable de se ressouvenir de ce qu’elle a su antérieurement. » (7)

 

Peut-être a-t-elle déjà vu la force tranquille de l’animal, la beauté antique des statues grecques et la puissance mythique du Minotaure, elle, que les origines ancrent dans ce pays, cette histoire, cette culture, sans y avoir jamais vraiment vécu. D’où lui viendrait sinon le surgissement du Taureau de Minos dans la bien-nommée série “Une autre histoire”(2018), ces paysages de ruines antiques qui peuplent ses fonds de tableaux, et dont le sens dépasse probablement le simple clin d’oeil à la tradition picturale ruiniste, ou encore ces corps masculins, tronqués de leur tête, que l'on retrouve dans son oeuvre de manière récurrente, massifs et mystérieux, rouge comme une argile ou un corps irrigué, vivant donc mais évoquant sans ambiguïté quelque chose de la statuaire grecque? 

La réminiscence, puisque c’est à cette hypothèse que nous souscrivons ici: une séduisante conjecture qui ne trouble pas tant le besoin de croire en la magie, et en la profonde poésie de l'inspiration.

Dès regards 2021, acrylique sur toile 27x35cm

Dès regards 2021, acrylique sur toile 27x35cm

Au hasard du destin

La sensation du paysage 


Récemment, pendant la pandémie, Hélène Milakis a entrepris un virage significatif dans son travail.

Cela commence avec la redécouverte d'une photo de sa sœur, enfant, et, sans qu’elle sache vraiment pourquoi, ce cliché sorti du tiroir et ressurgi du passé agit comme un déclic.

Dès lors, l’artiste réintroduit la figure humaine dans son travail, au travers de cette image de petite fille, toujours positionnée de la même manière, de trois quart, tenant dans ses mains  un oiseau au destin tragique, comme une sorte d’Anankè moderne (8), et qui constitue peut-être, a posteriori, une des clés du travail de Milakis....Plus tard, dans cette série intitulée “lieux d’êtres”, l’oiseau disparaît parfois, mais autre chose surgit...


 

Car, sans autre transition, l’artiste ouvre sa gamme chromatique à une palette de verts et de bleus peu usités jusqu’alors. Depuis toujours, elle avait privilégié une palette qu’elle définit elle-même comme sommaire, composée de tons rompus ou rabattus de noir, avec parfois une pointe acide. Cette échappée chromatique semble symboliquement signaler une ouverture plus globale de sa peinture vers un extérieur nouveau.

Sans arguer d’une peinture de plein air, on en est loin, Hélène Milakis semble ouvrir portes et fenêtres, offrir et s'offrir une forme de respiration et une sensation nouvelle, quelque chose comme une sensation de paysage. 


 

Ce faisant, la peinture à venir d’Hélène Milakis pourrait alors prendre le parti d’une réconciliation, de la pose et du mouvement, des figures humaines et animales, du dedans et du dehors, du mystère et du réel, du passé et du présent, de la tragédie et du bonheur.

 

(1)Selon le linguiste Albert Joris Van de Windekens, le mot “chien” prendrait une de ses origines dans l'idiome indo-européen Keu, qui signifie “luire, briller”  -Langue, dialecte, littérature. Études romanes à la mémoire de H. Plomteux, Leuven, Leuven Univ. Pr., 1983, pp. 455-458.

(2) Comme le nommait Kerkides de Megalopolis dans ses Poésies Mimiambes ( III av.JC)

(3) D'après Erhard Stiefel, in "Rencontre avec Erhard Stiefel et Ariane Mnouchkine" - Entretien réalisé par Béatrice Picon-Vallin, au Théâtre du Soleil, le 29 février 2004.

(4) Denis Diderot - Entretiens sur le Flls naturel (1757)

(5) Edouard Levé - Artiste plasticien et écrivain français, 1965-2007

(6) Cria Cuervos, réalisé par le réalisateur espagnol Carlos Saura, en 1976, avec Géraldine Chaplin et Ana Torrent

(7) - Platon dans Ménon, 81b

(8) - Dans la mythologie grecque, la déesse Ananké est à la fois un concept et la personnification de la destinée, de la nécessité inaltérable et de la fatalité.

LIEUX D' ETRES

Exposition du 22 au 30 octobre 2021 De 12h à 19h sauf le lundi

Présence de l’artiste les 23, 24 et 30 octobre 2

2, rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris

06 20 15 67 22

 

Vernissage et signature à l’occasion de la sortie de la monographie Lieux dEtres le samedi 23 octobre de 18h à 21h

 Un grand merci à Stéphane Boulin, pour sa passion de l'art et des artistes, et sa générosité.

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