Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 juillet 2009 2 21 /07 /juillet /2009 23:08



Depuis 2006, Richard Trian inscrit son travail dans une recherche axée sur la picturalisation du langage graphique urbain. Ses œuvres, aux confins de la peinture, du graphisme, de l'écriture et du graff, empruntant l'énergie et la gestuelle de l'expressionnisme abstrait, interrogent les signes de ces esthétiques populaires et urbaines pour les décontextualiser et en réinvestir plastiquement les codes.

Le travail de Richard Trian, nourri d'une véritable culture de l'action painting, cherche ainsi à pointer le lien -le chaînon manquant- entre l'expressionnisme abstrait américain et le street art. Il se réapproprie et connecte les codes de ce double langage plastique.

D'une part, la picturalisation de l'écriture, par laquelle mots, nombres, phrases, citations, abstractisés, illisibles désormais, s'impriment en un processus élaboré : le premier dripping voit sa trace confirmée au pinceau, dans une approche calligraphique, puis se fixe au chalumeau.

D'autre part, la rapidité du geste, les traces et les coulures, l'éclatement des formes, l'énergie d'un Pollock. Dans sa manière de capturer la dynamique du signe, de le saisir sans le figer, il allie la performance du mouvement, du flux rapide, l'urgence de l'expression à la spontanéité définitive du geste (la rigueur même du shodô).

Avec Urban tattoo, l'importance du travail chromatique se confirme. Sur fond de blanc optique, les couleurs se lovent, se dissolvent, dans la transparence ou les opacités, la peinture raclée ou reliefée au contraire.

Urban tattoo peut se lire comme une synthèse d'un certain nombre de questionnements au cœur de l'expressionnisme abstrait, poursuivie dans le street art et en particulier dans le graffiti contemporain.

Il y a d'abord la question du support et de ses limites, question récurrente dans l'histoire de l'art. Avec l'action painting, et ses all over, s'exprimait le désir de s'affranchir des limites de la toile, de dépasser mentalement ces limites en hors champ, dans un effet d'expansion. Expansion que l'on retrouve dans l'art de la rue, qui, en s'appropriant les murs de la ville, se libère concrètement des bornes de la toile. Au premier regard, on pourrait penser que les Urban tattoo entretiennent des affinités avec cette extension du domaine pictural. Mais il semblerait au contraire que la proposition de Richard Train tienne de l'hypothèse du Big Crunch. La question du support, de la surface et de sa limite, se résout ici ramassée, presque contrainte dans son cadre, dans une présence, une densité, comme une sorte de pendant pictural de compression à la César.

L'expressionnisme abstrait comme le graffiti opèrent une déconstruction des formes, des images, des signes. Ici, on assiste aux prémices d'une dissolution du déconstruit.

Au travers de cette esthétique de l'enchevêtrement, de fouillis dense presque dérangeant  dans lequel se dissout toute lecture, se dessine l'image d'un monde certes cosmopolite mais à la prolifération contenue...à la fois comme en apesanteur sur son fond blanc et au bord de l'effondrement.

Dans cette désintégration de l'image se joue une très symptomatique liquéfaction des signes, une sensation d'énergie implosive, tandis que partout micro explosions, coulures, flaques comme autant de tentatives d'échapper à la finitude du cadre, opposent leurs forces de résistances contraires. Chacun des Urban tattoo est une bombe.

Plus que chaînon manquant entre l'expressionnisme et le street art, il est possible que le travail de Richard Trian esquisse les premiers pas d'un post-mouvement qui n'en finit plus de rejoindre les cimaises des galeries et des musées. Une destination logique, au fond, ce qui n'enlève rien à la puissance de la bataille que constitue tout mouvement artistique dans l'Histoire. Richard Trian montre au contraire que la peinture est toujours un évènement et que l'espace de la toile reste, et plus que jamais, « une arène dans laquelle agir »*.

 

*Harold Rosenberg - « The American Action Painters »-1952

photo: Richard TRIAN - Peinture ayant remporté le Prix du Public à l'occasion du Salon 2009 de l'Art Contemporain de Cognac

Partager cet article
Repost0

commentaires

Recherche

Liens