Même endormi, Salman Rushdie est apparemment toujours un danger !
La preuve en image:
"sleep" - mounir fatmi, 2005-2011
Mauvaise passe (ou non) pour mounir fatmi, dont l'oeuvre "Sleep", vidéo montrant des images numériques de Salman Rushdie endormi, vient d'être refusée, ou "censurée", si on entend par là qu'elle devait être présentée dans le cadre de l'exposition "25 ans de créativité arabe", qui ouvre la semaine prochaine à l'Institut du Monde Arabe, et ne le sera pas, parait-il selon la presse remplacée par l'oeuvre retirée à Toulouse la semaine dernière! Allez comprendre...
On est étonné de ce qu' une oeuvre montrant Salman Rushdie assoupi puisse encore provoquer, presque un quart de siècle après les Versets Sataniques, un tel malaise, dans un lieu qui n'est pas une obscure officine islamiste mais une prestigieuse vitrine de la Culture du Monde Arabe.
Soit dit en passant, j'ai lu quelque part que la prime offerte pour la mise à mort de Rushdie avait été augmentée le mois dernier, suite à la diffusion sur le net du film à la con L'innocence des musulmans, s'élevant maintenant à plus de 3 millions de dollars. A ce tarif, l'argent et la religion ont la même odeur d'opium, non?
On est étonné que cette oeuvre ait pu être montrée dans les conditions les plus paisibles dans cette bonne ville de Charleroi (Belgique) pas plus tard qu'il ya quelques jours, dans le cadre de l'exposition "Intranquillités" au BPS22, sans que personne ne s'en émeuve...La province du Hainaut plus courageuse (ou moins paranoïaque) que l'IMA?
Il y a quelques années, je me souviens avoir écrit les premières lignes sur ce projet, je disais:
"Depuis 2005, mounir fatmi développe un projet baptisé « Sleep », en référence directe au film expérimental pop et minimaliste d’Andy Warhol qui, en 1963, montre durant 6 heures l’image continue du poète John Giorno en train de dormir.
32 ans plus tard, mounir fatmi cherche à réactiver ce dispositif, la figure du dormeur incarnée aujourd’hui par Salman Rushdie en modifiant la perception. Du sommeil « obsolète » de John Giorno devant la caméra de Warhol, le repos de l’écrivain britannique, dans son contexte litteraire et polémique, se fait nécessaire et paradoxal.
Le « Sleep » de mounir fatmi (titre provisoire) suggèrera l’ambivalence de cet abandon physique, tranquille et intranquille à la fois. Compte-tenu des menaces qui pèsent sur sa vie depuis tant d’années, plonger dans le sommeil reste une manière pour Salman Rushdie de se mettre en état de vunérabilité. Mais dans le même temps, ce temps d’inconscience accordée exprime force et confiance : le sommeil du juste.
Depuis 2005, l’artiste a tenté à maintes reprises de rentrer en contact avec Salman Rushdie, sans succès. Face à la difficulté que représente une telle rencontre, eu égard au secret qui entoure l’écrivain, mounir fatmi a opté, afin de réaliser cette vidéo performance, pour la technologie de l’imagerie numérique en 3D, avec laquelle il a commencé à réaliser un certain nombre d’images."
Cette oeuvre, sur laquelle l'artiste travaille donc depuis des années, est-elle censée enjoindre aujourd'hui les intellectuels arabes à se réveiller? De quoi l'IMA a-t-il donc peur? Que Rushdie se pointe au vernissage pour contempler son double numérique?
Mystère, mystère...
Et quelles autres oeuvres, jugées trop polémiques - étonnant pour un lieu qui monta l'année dernière "Résistances", en hommage aux printemps arabes - sont ou vont passer à la moulinette de la nécessité d'apaisement , ou de la bien pensance?
(soit dit en passant - bis-, mounir fatmi n'a jamais rencontré Rushdie alors que selon la légende, moi, si.)
(soit dit en passant -ter-, les gens qui dorment, c'est le top de la hype en ce moment, non? Pour ma part, après Stefano Cassetti inconscient dans la cave de la Galerie Talmart pendant la Nuit Blanche, j'embraye sur un projet d'exposition intitulé "Beyond my dreams", et là encore, promis, y aura des dormeurs! Rien de tel qu'un sommeil bien profond quand partout le monde s'agite follement...)