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10 septembre 2014 3 10 /09 /septembre /2014 11:22

Estelle Lagarde

Série "Maison d'arrêt": "Le parloir", "Matricule R0013-1", "Le mitard », photographies argentique, 80 x 100 cm chaque, 2010

 

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La série « Maison d’arrêt », dont sont issues les trois photographies présentées ici, a été réalisée en 2010 à la prison Sainte Anne à Avignon, prison désaffectée depuis plus de dix ans.

Au travers de ces images à l’ambiance fantomatique, réalisées à la chambre, l’artiste cherche à exprimer un certain rapport physique entre la prison en tant que lieu réel et l’aura, la mémoire, des personnes qui y furent enfermées. Ces images confrontent la brutalité d’un espace aujourd’hui vide mais encore plein de son ancienne fonction et hanté de son histoire humaine chargée. Au-delà ou au travers de l’atmosphère onirique, elles donnent à voir, certes sous un angle particulier, l’univers carcéral dans ce qu’il est : privation de liberté, solitude, violence latente, qu’elle soit institutionnelle ou générée par la cohabitation et l’enfermement, folie…

Estelle Lagarde raconte sa rencontre avec la prison Sainte Anne :

« 15 novembre – 7h32 – Gare de Lyon – TGV pour Avignon. C’est le grand jour: j’ai rendez-vous avec la prison Saint-Anne. (…)J’entre dans le hall. L’ancien hall. Tout de suite, une grille.

Du hall, trois couloirs. Aucun n’est engageant. Ils semblent se terminer dans une pénombre froide et humide.

La peur commence à monter.

             Me demande encore  pourquoi je viens dans ces endroits. Seule. Qu’est-ce que j’y cherche en fait ?

L’endroit me fascine.

Quelques minutes passent. Ce qui me fascine et me fait peur, c’est tout ce qui s’est passé ici pendant toutes ces années. Ne peux m’empêcher d’y penser. Ressens une trés grande solitude et une trés forte promiscuité mêlées à une violence sourde. Puissance des murs semblant s’écraser contre moi.

Après la visite de dizaines de cellules, je me rends dans les cours de promenades. Ces cours me paraissent à peine plus grandes que les cellules. Toutes de béton, aucune végétation n’y est présente hormis ces herbes sauvages qui poussent entre les pierres comme dans tous bâtiments désertés. Suis stupéfaite des centaines de chaussettes sombres suspendues aux barbelés et remplies d’on-ne-sait-quoi. Elles pendent là telles de vieilles figues séchées et noircies par le temps, sordides témoins d’échanges ratés entre détenus.

Un soudain sentiment de claustrophobie m’envahit. Nulle vision vers l’extérieur, vers la ville.

Je me souviens d’un ciel plombé fermant le cinquième côté de la boîte à promenades. Mon corps me semble trop étroit. Jamais senti ça.

Si, même le ciel, de par la façon dont il est cadré par les bâtiments, ne permet pas l’Echappée, seul l’esprit peut encore le faire ? Je me surprends à penser que si j’étais détenue, je préfèrerai rester dans ma cellule. Mais supporterais-je de rester ainsi enfermée pendant des jours, des mois, des années ? Aucune réponse bien sûr.

Quelque chose se passera ici. Je reviendrai.»

 

Architecte de formation, Estelle Lagarde débute dans la photographie en 1996. Elle réalise des séries photographiques dans des lieux à l'abandon – château, hôpital, maisons promises à la démolition. « Ce n'est pas la poésie des ruines qui l’attire, mais le fait que ces endroits chargés de la présence de leurs anciens locataires constituent des sanctuaires propices à l'évocation d'êtres disparus. »* Ainsi, « Dame des Songes » (2006) et « Contes Sauvages » (2007), évoquaient le deuil et une tentative de retour dans le monde des vivants. Dans Hôpital (2007-2008), les spectres cédaient la place à des êtres de chairs et de sang. Estelle Lagarde y révélait allégoriquement les peurs, le dénuement, l’impression d'être dépossédé de soi, que l'on ressent dans les établissements hospitaliers.

Estelle Lagarde vit et travaille à Paris.

 

* Luc Desbenoit pour Télérama, n° 3089

"Liberté mon amour" - Le prisonnier politique et son combat

Fête de l'Humanité

Parc Départemental Georges Valbon - La Courneuve

12, 13, 14 septembre 2014

http://fete.humanite.fr/

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