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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 23:47

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Oeuvres présentées

« Birdie » - Série de 4 photographies, tirage sur aluminium, 40x40 chacune, 2011

« The fish inside me » - Vidéo 1’04– 2011

« Grosse tête en chute libre » - Vidéo 16’ – 2011

 

Résumer en quelques mots ce qui se passe dans les œuvres de Yassine Balbzioui présentées ici serait difficile : dans « Birdie », un homme à tête d’oiseau, à moins qu’il ne fut masqué,  scrute avec curiosité des balles de tennis devant vraisemblablement lui servie à jouer au golf. Dans « The fish inside me », un homme rame tant bien que mal dans sa baignoire d’enfant pour atteindre quelque rivage impossible, et la « Grosse tête en chute libre » dévale une colline en un slapstick de 16 secondes. Faut-il nécessairement chercher un sens, qu’il soit narratif ou symbolique, ou au moins quelque chose de rationnel et de rassurant, à ces images ? Hélas, il est à craindre que non…

 

Par delà le non-sens et le décalage, le comique du geste, en terme de rupture de cohérence, qui pourraient suggérer le monde de l’enfance, ces absurdes performances manifestent l’invisible- et incommode- envers des êtres, sur le fil ténu entre l’étrangeté et la folie. Et les êtres hybrides qu’affectionne l’artiste – ici, lui-même, masqué-,  aux confins de l’humain et de la bête, interrogent l’animalité en nous, révèlent cette part inexplorée, occultée par la pensée et le polissage de la civilisation, et pointent les basculements toujours possibles.

Car dans cette esthétique proche du carnavalesque, tendant vers la catégorie du grotesque, se dessine un art de la transgression et du renversement comme forme de « radicalité négatrice », dans le rejet des normes, de la bienséance et des évidences.

Mais l’hyperbole, construite avec humour et ironie, retourne tout pessimisme en rire salvateur. « Le rire causé par le grotesque a en soi quelque chose de profond, d'axiomatique et de primitif » disait Baudelaire (1). Yassine Balbzioui a compris en quoi la nature même du déguisement est comique, qui, se détachant du « corps habituel », pour reprendre l’expression de Bergson (2), produit le décalage et l’inattendu.

 

Sacrifiant son amour-propre sur l’autel de la dérision, Balbzioui n’a peur ni du ridicule ni de l’absurde, et son art est une manière de lutter contre la gravité, dans tous les sens du terme, et l’esprit de sérieux. Il est ainsi une forme de subversion, qui oppose sa force de résistance, au travers de ce geste régressif, de ce retour à la nature, aux idéalismes parfois dangereux et aux théories vides d’humanité. Alors le rire, plus que jamais grinçant et d’essence « satanique » (1), que provoquent les performances vidéo ou les photographies de Yassine Balbzioui exprime intensément les tiraillements de notre «nature contradictoire », entre ces deux infinis en nous, l’angélique et le diabolique, le sublime et l’animal.

Mais ce rire-là, résultant de la propension de l’artiste à user du non-sens, constitue, s’il faut en croire Bergson et d’autres avant lui, l’essence même de l’intelligence et de la créativité humaine, un pont jeté résolument entre la vie et l’art.

Car pour Balbzioui, il n’y a pas d’autre équation que celle de l’art à la vie, et, à la manière de Filliou, sans doute oserait-il proclamer que dans l’art comme dans la vie, rien n’est sérieux…bien qu’il n’y ait rien de plus sérieux. Cette idiotie de l’artiste, dont parlait Jouannais (3), est clairement pour lui un combat, une posture stratégique, une attitude construite et jouée, fondée dans la lucidité d’un homme engagé dans son art, dans la vie des formes comme dans celle des hommes de son temps.

 

 

 (1)Charles Baudelaire – « Curiosités esthétiques - De l'essence du rire (et généralement du comique dans les arts plastiques) » –publié en 1855 dans « Le portefeuille »

(2)Henri Bergson – « Le rire- Essai sur la signification du comique » - Ed.Alcan,1924 et PUF, 1959

(3)J.Y. Jouannais – «  L’idiotie » -  Ed Beaux-Arts Magazine, 2003

 

 

"SEULES LES PIERRES SONT INNOCENTES" - GALERIE TALMART - 22 Rue de Cloître St Merri- PAris 4ème -

DU 13 AVRIL AU 12 MAI 2012

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