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29 août 2023 2 29 /08 /août /2023 10:46
Naji Kamouche - "Seul" - Copyright Fred Hurst

Naji Kamouche - "Seul" - Copyright Fred Hurst

Il faut bien, en quelques mots, expliquer "l'intention" de l'exposition, et l'exercice, toujours difficile, s'avère plus que périlleux lorsqu'on aborde ce rivage. J'ai fait de mon mieux pour dire deux trois choses, et que l'on comprenne à quel point il est essentiel que l'art contemporain, aussi, se manifeste sur le sujet.

Rentrée littéraire oblige, voici déjà que sortent deux ouvrages sur le sujet: celui de Neige Sinno, "Triste tigre", chez POL, dont tout le monde parle déjà. Dans Vogue, chez les Inrocks, on nous exhorte à lire ce livre... Et celui d'Amélie Nothomb, "Psychopompe", chez Albin Michel. Début octobre, le livre de Vanessa Springora,- qui me fait l'honneur de soutenir l'exposition -sera adapté en film...

Pourquoi ne serait-il pas aussi nécessaire d'aller voir des artistes plasticiens dire aussi des choses?

Qu'on ne me dise pas que ce sujet n'intéresse personne ou qu'il est "immontrable"

bref..

 

Voici donc ma note d'intention

Bien que fléau menaçant tous les enfants du monde, à tous les niveaux des sociétés, et à des degrés divers de barbarie, la violence sexuelle faite sur enfant reste un sujet éminemment tabou, tant sur les plans politique que culturel.
L'art lui-même, à diverses époques, a pu se faire l'écho bienveillant, sinon complice, de pratiques dont on connait pourtant les ravages physiques et psychologiques sur l'adulte que l'enfant abusé sera devenu.
Il est temps, aujourd'hui, que cela cesse, et que l'on puisse aussi entendre et voir la parole des artistes qui, d'une manière ou d'une autre, luttent pour que la parole des victimes soit entendue et reconnue.
Cette exposition collective, une première sur ce sujet, constitue un moyen d'objectiver la question, au travers de propositions artistiques contemporaines fortes, donnant matière – au propre comme au figuré- à réflexion, ambitionnant de contribuer à faire bouger les lignes.

QUI NE DIT MOT... se réfère explicitement au proverbe d'origine latine qui tacet consentire videtur («qui se tait semble consentir»), laissant au lecteur le soin de finir lui même la phrase, et posant ainsi deux questions cruciales, intimement liées: celle du consentement, celle du silence.
La locution populaire fait écho à cette tenace présupposition que celui qui n'objecte pas de refus donne tacitement son accord, préjugé si souvent répété dans les entourages des victimes, depuis «Tu aurais pu dire non» à «Pourquoi n'a-t-il/elle rien dit pendant toutes ces années?»...C'est le «non» qui n'a pas pu être dit, ou n'a pas été entendu, dont la victime devra sans cesse se justifier, c'est le long silence, dont il faudra se justifier encore, face à une ignorance et une suspicion persistantes des raisons profondes qui nourrissent un secret durant parfois des décennies. C'est aussi l'injonction au silence régnant dans les entourages, les familles...toute une mécanique des yeux et des oreilles tacitement fermés, socle parfois inattaquables des structures familiales et sociales...
«Qui ne dit mot...consent», est aussi un principe de droit, à la racine même de principe de prescription, qu'il nous faut aujourd'hui ré examiner et requestionner.

QUI NE DIT MOT... pour prendre à rebours donc, cette croyance que celui qui se tait consent, pour affirmer que le silence d'une victime ne vaut évidemment pas consentement, que rien n'est moins tacite que la domination par le silence.
Mais «Qui ne dit mot...» fait aussi allusion au silence de «ceux qui savent». Aujourd'hui, peutêtre plus que jamais, savoir et ne rien dire doit pouvoir être appréhendé comme une forme de consentement au délit ou au crime. Cette parole là aussi doit être libérée. Dans le même temps,
on ne peut – encore une fois- voler la parole à la victime, ni extorquer sa vérité. Les enjeux sont complexes.


Evitant l'écueil de l'angélisme, opposant une image édulcorée de l'enfance à une réalité sordide, comme celui du voyeurisme, refusant toute ambiguïté complaisante, cette exposition, premier moment d'un projet d'ampleur, entend ne laisser le moindre doute sur les intentions des artistes et du commissaire.


Au travers d'oeuvres de médiums divers, l'exposition explore différentes approches, entre corps et esprit, réalité et mémoire, traumatisme et résilience, violence et réparation, avec une attention particulière portée à l'histoire : celle des enfances volées, des vies de famille spoliées, des adolescences mortifères, des adultes devenus avec peine, à qui on n'offre le plus souvent ni le droit de souffrir, ni la reconnaissance de cette blessure que rien ne viendra suturer.
Elle parle de manière plus générale, des systèmes et mécanismes de domination à l'œuvre dans cet asservissement et cette réification du corps de l'autre, de l'emprise et de la manipulation, du silence et du secret, et prétend en ce sens à l'universel.
Elle engage, enfin, sur la voix de la résilience celles et ceux qui croient en le pouvoir cathartique de l'art.


QUI NE DIT MOT... est une victoire sur le silence, et la première exposition rassemblant des artistes contemporains pour dire non.

 

QUI NE DIT MOT... (Une victoire sur le silence) - Une exposition à la Galerie Marguerite Milin - Vernissage le 7 septembre à partir de 18h.

Avec 

Jessy Deshais, Naji Kamouche, Sylvie Kaptur-Gintz, Sandra Krasker, Monk, Piet.sO, Anne Plaisance, Virginie Plauchut, Erik Ravelo, Camille Sart, Maïssa Toulet, Tina Winkhaus.

https://galeriemargueritemilin.wordpress.com/

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