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17 novembre 2010 3 17 /11 /novembre /2010 22:47

 

Dans ce monde de compétitivité, qui est celui du sport comme le nôtre au quotidien, le dépassement de soi et des autres, le record et la sur performance se développent. Le culte de l’extrême et du dépassement des limites font de l’exploit un acte logique.

Dans le détournement, les artistes, faisant appel à l’humour, au non-sens et au sens de l’absurde, remettent ainsi en question le véritable sens de la performance, comme une expérience du monde, dont le décalage fait œuvre.

 

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longball.jpgS’il est un objet sportif familier, c’est bien le ballon de foot ! Aussi, lorsque Laurent Perbos décide de s’attaquer au record du « plus long ballon du monde », en créant un objet comme génétiquement modifié, il « projette directement le spectateur dans une situation surréaliste », face à cette métamorphose inattendue. Est-ce encore un ballon s’il n’est plus jouable ? Est-il alors devenu une œuvre d’art ? Et sa forme devenue virile n’est-elle pas une manière de moquer le machisme de l’univers footballistique ? Mais surtout : pourquoi vouloir établir un tel record, a priori absurde ? Laurent Perbos explique : « Je détiens plusieurs records du monde. Par ce biais, je tente de montrer que chaque individu est exceptionnel, il suffit juste de savoir en quoi. De façon obsessionnelle, je répète, j’amplifie un acte ordinaire, aussi simple que celui de mettre un chapeau par exemple, afin que le résultat devienne à son tour contraire à l’usage, hors du commun, insolite. Je transgresse l’acte de valeur, l’action difficile et digne d’admiration, l’exploit, en métamorphosant l’acte dit « banal ». (…) Le record n’est autre que la matérialisation d’un acte ordinaire exagéré. L’histoire des records du monde que je développe dans mon travail est une métaphore de l’œuvre d’art. Certaines caractéristiques du record sont en tous points similaires à celles de l’œuvre d’art : unique, exclusif, rare, insolite... Mes pièces sont quand même plus des œuvres que des records, la prouesse n’est qu’un mobile pour produire de l’art. Donc pour produire il faut que je batte les records précédents, c’est un peu le but du jeu. »*

 

« Laurent Perbos travaille sur des champs et des médiums divers et diversifiés, touchant principalement à des activités de masse et de divertissement, issues de cultures populaires (tel le jeu, le sport, les records…), à ce qu'il appelle des « mythologies sociales ». Usant des déplacements et des décalages pour mettre en question son environnement et perturber l'ordinaire, il fait du détournement un véritable système de travail ».**

Par cette manière de détourner les codes, de s’éloigner de la raison d’être et des règles des jeux et des objets, Laurent Perbos donne à réfléchir sur des enjeux sociaux tels que la soumission à la norme, la compétitivité, la performance, ou l’échec. Une « extension du réel » qui, derrière une stratégie d’ironie, est peut-être plus sérieuse qu’il n’y paraît.

Cette attitude de dérision et d’idiotie, en tant que manière de lutter contre l’esprit de sérieux et forme subtile de subversion, le pousse donc à briguer au Guiness Book quelques titres des plus absurdes. Ainsi, le 18 janvier 1997, à Bordeaux, il réalise le record du monde du plus grand nombre de bonnets mis sur la tête, soit 51 bonnets, ainsi que le record du plus grand nombre de blousons portés les uns sur les autres, avec 37 blousons. Dans le même ordre, il est également l’heureux détenteur du plus grand nombre de petits pois mis côte à côte (551 980). Par ces activités absurdes, en dissonance avec la rationalité du monde réel contemporain, il projette, au-delà de l’échappée poétique, un monde des possibles qui, lui, reste encore à construire.

 

* Entretien avec Valérie Paillé

** Leila Quillacq, pour l'exposition «Marseille Artistes Associés 1977-2007» au Musée d'Art Contemporain de Marseille, 2007."

 

(Texte extrait du catalogue de l'exposition)

 

Le plus long ballon du monde - Ballon de football en cuir- 175 x 35 x 35 cm -– 2003 – Acquisition Domaine de Chamarande, 2004 – N° d’inv : 2004.1.6

Photo: courtesy Laurent Perbos

 

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