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17 août 2013 6 17 /08 /août /2013 22:41

Ce sera sans doute un des premiers vernissages de la rentrée et c'est à ne pas manquer!

 

En attendant de retrouver d'autres oeuvres de Corine Borgnet, que j'ai choisies pour "Au-delà de mes rêves" (des infos très bientôt!), on va pouvoir découvrir, à la Galerie Talmart, le deuxième volet, ou la suite, de "Ego Factory", qui avait eu lieu à Montreuil à l'automne dernier.

 

Voici donc "The Cure", davantage réflexion sur la valeur curative du travail et sur ce "monde impitoyable" qu'est le monde du bureau, que clin d'oeil au groupe anglais de notre jeunesse!

 

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«  Dans la glorification du «  travail  », dans les infatigables discours sur la «  bénédiction du travail  », je vois la même arrière pensée que dans les louanges adressées aux actes impersonnels et utiles à tous : à savoir la peur de tout ce qui est individuel. Au fond, ce qu’on sent aujourd’hui, à la vue du travail – on vise toujours sous ce nom le dur labeur du matin au soir -, qu’un tel travail constitue la meilleure des polices, qu’il tient chacun en bride et s’entend à entraver puissamment le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car il consume une extraordinaire quantité de force nerveuse et la soustrait à la réflexion, à la méditation, à la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine, il présente constamment à la vue un but mesquin et assure des satisfactions faciles et régulières. Ainsi une société où l’on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l’on adore aujourd’hui la sécurité comme la divinité suprême. "

F. Nietzsche - Aurores (1881), Livre III, § 173 et § 206,  trad. J. Hervier, Gallimard, 1970.

 

 Après « Ego Factory », Corine Borgnet présente à la Galerie Talmart « The cure », le deuxième volet de sa réflexion critique autour du travail, de ses objets, de ses codes et de ses représentations, au croisement d’une réflexion sur la place de l’art dans ce monde sans pitié pour les rêveurs.

 

Corine Borgnet choisit ici d’offrir leur quart d’heure de gloire wharolien à ces sujets peu explorés dans la création contemporaine –celle-là même qui a pris la liberté d’une autre voie-, à tous les anonymes travailleurs, aux acteurs de la production de masse, aux pions sur l’échiquier, prisonniers d’un système hiérarchique qui, soyons en bien sûrs, veille sur eux…Ainsi tente-t-elle ici de rendre à ces invisibles, aux travers de ceux qui leur ont prêté leur dénuement générique et leurs visages, leur individualité, leur intégrité transcendée en œuvre d’art.

 

Voici donc l’artiste en prise avec les images de l’impitoyable univers du travail et de la vie de bureau, dont elle a justement choisi de fuir les codes et les contraintes, en lutte contre le glissement bureaucratique et souvent désenchanté du monde contemporain. Le projet de l’exposition « The cure » procède donc de cette position de résistance, mais aussi, comme le dit souvent Corine Borgnet, d’une lutte perpétuelle contre la perte de la liberté d’esprit et des rêves de l’enfance, cette sorte de « parenthèse enchantée », dans laquelle le principe de plaisir, source de tous les imaginaires, ne s’est pas encore heurté à la rationalité, au principe de réalité et aux nécessités économiques. Le détournement en matériau plastique du Post-it, qu’elle travaille depuis plusieurs années, pris comme symbole du monde de l’entreprise, s’offre alors comme une alternative, une ligne de fuite poétique, et parfois ludique, hors de cette ultime manifestation de la société du spectacle, pour reprendre la terminologie de Guy Debord.

 

Au travail bureaucratique, « moyen le plus rationnel que l’on connaisse pour exercer un contrôle impératif sur des êtres humains »*, au travail aliéné, selon la dichotomie marxienne, Corine Borgnet oppose le travail créatif qui est le sien, portant un regard acéré sur ce que le monde du travail peut avoir de déshumanisant. Ici, le visiteur se trouve happé par des pense-bêtes, listes et notes urgentes surdimensionnés, hanté par les corps nus de travailleurs rudes à la tâche, traités en Post-it, au lieu de revêtir le costume de leur fonction. lndividus réduits à l’état de force de travail, à une fonction aussi obsolète qu’un objet peut le devenir, réifiés. Corps vulnérables donc, et fragiles, aussi jetables et éphémères que des post-it usagés. Des Post-it humains. On les découvre, rangés dans leurs casiers comme des dossiers, le regard vague à la fin du labeur, le corps fatigué, avides de retrouver dehors cette partie de la vie gagnée pour avoir accepté d’en perdre l’autre partie, comme dirait Marx, tentant donc vainement de s’échapper de quelque prison, office men et working girls sans glamour, petite armée de spectres, parfois franchement inquiétants, crucifiés sur l’autel de la productivité, de la rentabilité et du travail bien fait, le tout dans l’univers rude et sans apprêt, ni open space ni plantes vertes,  d’une usine désaffectée.

 

Au sous-sol de la galerie, on découvre l’œuvre « The cure », une impressionnante composition de Post-it de près de 5 mètres de long. Chaque carré de papier coloré est griffé d’un signe, une figure elliptique, une ligne bouclée, que seule une secrétaire –une secrétaire old school, qui saurait encore prendre des notes écrites- pourrait déchiffrer. Car il s’agit là en fait du compte-rendu en Gregg shorthand, la technique de sténographie la plus courante aux Etats-Unis, d’une heure de thérapie. Réalisée après les attentats du 11 septembre, à une époque où Corine Borgnet résidait encore, avec sa famille, à New-York, « The cure » déroule ses 3600 post-it, un par seconde de thérapie à distance, minutieusement retranscrit d’après la conversation que l’artiste eut, à propos d’elle-même, de ses enfants, des New-York et des attentats vécus en direct, avec une thérapeute iranienne vivant en Suède.

 

On serait fort tentés de faire un parallèle entre le pouvoir de la thérapie sur le traumatisme et les vertus curatives de l’art sur un monde en crise. Schopenhauer ne disait-il pas lui-même que l’art est la plus salvatrice des illusions, l’ultime et nécessaire remède au pessimisme qui résulte inévitablement de l’intuition de l'essence du monde ?

 

A partir de cette intuition, Corine Borgnet s’efforce de transvaluer les affres et les totalitarismes plus ou moins insidieux du monde contemporain en œuvres d’art, dans un langage plastique abouti, avec force et lucidité, comme une échappée nietzschéenne.

 

 *Max Weber – Les catégories de la sociologie, tome 1 : Economie et société (1921) – Plon, 1971

 

 

THE CURE

 

EXPOSITION PERSONNELLE  de CORINE BORGNET

 

DU 7 au 28 septembre 2013

 

VERNISSAGE LE VENDREDI 6 SEPTEMBRE à partir de 18h

 

Avec

 

Une perfomance participative exceptionnelle

 

"LE DUEL"

une partie d'échec à taille humaine/inhumaine

animée par le collectif UME

 

GALERIE TALMART
22 rue du Cloître St Merri Paris 4ème

 

(Dossier de presse de l'exposition sur demande)

 

Photo: "Pôle emploi", 2012 - Copyright: Corine Borgnet - Prise de vue: Pierre Leblanc - Post production: P. Puisieux

Texte réalisé pour l'exposition

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