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21 novembre 2014 5 21 /11 /novembre /2014 15:20

Dans le cadre de l'exposition "Mutation obligatoire", l'artiste Christophe Lambert présente sa nouvelle oeuvre-concept, "Superphénix", réflexion sur le myhthe de la renaissance, à l'occasion de laquelle j'ai rédigé un texte...

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Qu'est-ce que « Superphénix »? Un « concept global », un opéra tragi-comique, un ouvrage de développement personnel à l'usage des candidats -nombreux, plus nombreux chaque jour- à la renaissance, une accroche mi-artistique, mi-marketing pour les fidèles de la résurrection... ? Un précis de survie en attendant, pour dire que malgré tout, « après les emmerdes, les radiations, la mort, le cancer, l’AVC, la trahison sentimentale, il faut fiévreusement traverser les flammes et renaître de nos cendres »parce qu'il y va, pour soi comme pour les autres, de la suite déjà incertaine de notre humanité, en vertu de ce « vouloir-vivre » qui nous tenaille quoi qu'on fasse, déborde de toute chose, en raison de cette tension à l’œuvre dans l’univers tout entier, principe unique, aveugle, anonyme, universel, de cette volonté d'être, qui ne découle pas du monde mais dont le monde est issu, « l’initiale et l’inconditionnée », « la prémisse de toutes les prémisses. » *

Un manifeste pragmatique et esthétique, parce que, comme dirait Schopenhauer, « si le monde est mauvais à être, il peut être beau à voir. »

 

Pour Christophe Lambert, « Superphénix » est le troisième épisode de la série « Au troisième jour », un épisode « prétentieusement abscons » de son propre aveu, dans lequel, transfiguré en « Captain White », meilleur ami d'un Michael Jackson réincarné et à nouveau plus que vivant, il s'évertue à rassurer ses contemporains sur l'existence réelle du futur et du bonheur domestique. Ainsi, par glissement, il en appelle aux techniques contemporaines, peintures numériques et sculpture à l'imprimante 3D, auxquelles s'ajoutent une série de vidéos et un ouvrage, colonne vertébrale de son projet.

Dans ce fatras visuel et sonore, au sens médiéval du terme, les mots et les images se superposent, s'entrechoquent, s'explosent mutuellement façon « Street Fighter », entre satire et parodie, avec une haute dose de lucidité, de dérision, et d'autodérision.

 

 

Revivre malgré les flammes et le temps qui passe, le nucléaire et les amours trahies ? Même les héros de notre enfance sont mortels, même le Phénix finit en cendres sans s'en remettre, à l'instar de Christopher Reeves pour qui l'artiste nourrit une tendresse particulier et dont le destin, au-delà de l'ironie du sort, rendu paraplégique celui qui incarna le parangon du superhéros, le Übermenschnietzschéen selon la légende : Superman.

Au delà de la feinte surprise et de l'amer mais convenu constat d'un monde en déliquescence – ce que Christophe Lambert n'ignore pas, lui qui place sa réfléxion dans un mouvement traversant toute l'histoire de l'humanité depuis ses antiques mythes- revivre, renaitre, se rédimer, resurgir, rebondir est un défi dont on a tous l'illusion de la nécessité, et l'artiste le premier.

Christophe Lambert semble vouloir tout bruler sur son passage, nos espoirs et nos désirs de certitude, avec un entrain de kamikaze, si ce n'était l'acte créatif lui même qui le trahit : vouloir vivre encore, et produire, créer, jeter hors de soi des images et des mots, fussent-ils rageurs et même plus désespérés, c'est encore être vivant. Alors ses vidéos un peu foutraques, ses peintures fabriquées à coup de pinceau Artpad, son ouvrage qui tient autant du recueil d'artiste que d'un digest qui compilerait de manière très personnelle Histoire de l'Antiquité et recettes de self-coaching, se livrent en réalité à nos yeux comme autant de gestes de résilience, de tentatives d'un artiste – d'un homme- pour « persévérer dans son être »**.

 

Mais, depuis l'usage de la parodie jusqu'à l'ironie infuse dans tout son travail, c'est aussi peut-être pour l'artiste une stratégie de subversion, un moyen d'éveiller – de réveiller- les consciences, une tentative pour marquer « la fin de l'inconscience », une forme de sagesse pour parer à l'inévitable désillusion. Car l'ironie, nous le savons, est surtout lucidité : c'est savoir ce qui est et savoir que ça finira. " Nous savons bien comment tout cela finira, et le jour même où le sentiment se déclare, nous prenons nos dispositions pour n'être pas surpris par son déclin "***. Le travail de Christophe Lambert n'est pas un travail désenchanté pour la bonne raison que l'ironie, toujours selon les mots de Jankélévitch, « se refuse à l'enchantement, devançant ainsi toujours le désespoir »***. « Pour ne pas mourir de sincérité » ***, l'ironie est un jeu, un jeu nécessaire comme le sont la plupart de nos illusions, que l'ironie démasque mais ne détruit pas. Car Christophe Lambert comme tous les « ironistes » est un grand romantique, et, derrière le spleen nourri de la « triste opulence » et de la « vide plénitude » qui marquent la vie contemporaine, probablement amoureux des plus grands idéaux. Jankélévitch encore : « L'ironie (…) nous exerce à ne respecter que l'essentiel ; elle simplifie, dénude, et distille ; épreuve purifiante en vue d'un absolu jamais atteint, l'ironie fait semblant afin de ruiner les faux-semblants ; elle est une force exigeante et qui nous oblige à expérimenter tout à tour toutes les formes de l'irrespect, à proférer toutes les insolences, à parcourir le circuit complet des blasphèmes, à concentrer toujours d'avantage l'essentialité de l'essence et la spiritualité de l'esprit. L'ironie, en somme, sauve ce qui peut être sauvé. "***

 N'est-ce pas cela, exactement, qu'incarne ce « Superphénix » ?

  *Arthur Schopenhauer- Le Monde comme Volonté et comme Représentation-, 1819 - chap. XXVIII ** Baruch Spinoza – Ethique, 1677 - Ethique III, Propo VI ***Vladimir Jankélévitch – L'ironie, 1964  

 

"Mutation Obligatoire" - Avec Rodolphe Baudoin, Corine Borgnet, Jean-Luc Caradec, Christophe Lambert sur un commissariat de Anne-Claire Plantey

DU 13 au 29 novembre 2014 -

Espace Galeria Area - 50 RUE D’HAUTEVILLE 75010 PARIS 
2EME ETAGE AU FOND DE LA COUR
TEL : (+33) 1 45 23 31 52 
DU MERCREDI AU SAMEDI, DE 15H A 19H ET SUR RENDEZ-VOUS

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