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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 11:37

visuel selfati 2

 

A la galerie Talmart, à Paris, l’exposition « ARREST » présente une nouvelle série de toiles de l’artiste marocain Ilias Selfati. Accrochées en diptyques, les œuvres, dans lesquelles s’exprime, comme souvent, la fascination de l’artiste pour le noir, confrontent pour la première fois deux univers que l’artiste a certes exploré dans des séries de travaux passées, mais sans jamais les mettre ainsi en regard. Cette rencontre inédite ouvre alors à de nouveaux horizons de réflexion et inaugure une dynamique interne aux images et un sens qui se précise, un discours aussi. Par ce choix, davantage que purement scénographique, Selfati dévoile de manière plus explicite qu’il ne l’a jamais fait ce qui le préoccupe et l’agite, et le regard, d’homme engagé, qu’il pose sur le monde contemporain.

 

On reconnaît, bien sûr, en chaque volet des diptyques présentés, l’attention particulière que Selfati porte à la représentation de la nature, botanique ou zoologique. La figure animale, récurrente, comme par exemple la représentation du cheval, agit tant au niveau figuratif que dans sa dimension symbolique, la vie animale pouvant être imaginée –fantasmée- comme symbole de liberté mais aussi, dirons-nous, d’une liberté primitive, « sauvagerie sans intention ». Encore qu’il ne soit sans doute pas vain de rappeler que si ce cheval, que Selfati a pu peindre ou dessiner si souvent, est sans doute un des animaux les plus symboliquement chargés, depuis les mythes chtoniens jusqu’au récits initiatiques, il incarne néanmoins la domestication et la « sauvagerie domptée ».

 

Chez Selfati, ces figures ou motifs issus de son inclination pour la nature reviennent sans cesse ; mais les voici ici confrontés à des images nouvelles, comme un incessant ballet, un va et viens permanent entre deux types d’images liées entre elles par la forme en deçà, ou au-delà, des sens qu’elles semblent opposer.

 

Images exhumées de la mémoire, bribes de souvenirs, échos de son enfance, impressions.

D’abord, donc, les sensations au contact de la nature.

Et puis le noir, la puissance du  noir, sous toutes ses formes et dans toutes ses nuances. Voile de noir sur noir, ou noir profond sur fond clair, Selfati engage des jeux d’ombres, s’ingénie à des matités absorbant la lumière, des contrastes la restituant, des clairs-obscurs moins graphiques que délicats. « Le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre » écrivait Tanizaki*. Etrange fascination pour la beauté de l’ombre, pour un homme ayant vécu son enfance sous le « suaire blanc » de la lumière de Tanger, pour reprendre le mot de Pierre Loti ? Bien plutôt que les croisements des Orient, Selfati produit une esthétique nourrie de son cosmopolitisme, qui d’une manière ou d’une autre a appris la beauté des contrastes.

 

A ces images songeuses intimement liées au passé et à l’enfance, se juxtaposent d’autres images, de celles qui surgissent dans le monde médiatique dans lequel nous vivons, aussi évanescentes et fugaces que les impressions du passé peuvent s’avérer tenaces.

 

Depuis quelques années, Ilias Selfati archivait des photographies, la plupart issues de la presse quotidienne espagnole, montrant des arrestations, photographies le plus souvent prises sur le vif et sans qualité plastique, constituant ainsi le matériau qui allait lui servir pour « Arrest ». Passées au filtre de son énergie créatrice et de son art, ces images « documentaires »  d’arrestation, presque méconnaissables en tant que telles, se voient donc transvaluées plastiquement et esthétiquement, Selfati cherchant à en exfiltrer leur permanence.

On retrouve là ce qui parait s’affirmer comme une préoccupation majeure chez l’artiste. Dans la palette des noirs, des silhouettes se dessinent, presque minimalistes. Les formes archétypales, parfois au bord de l’abstraction, semblent aspirer à dégager une essence des formes, comme une tentative de saisir « l’essence même des choses », quelqu’en soient leurs variations réelles.

En territoire de reconnaissance, l’objet réel importe sans doute moins que la sensation de sa présence.

Dans la sobriété, la rigueur, des œuvres de Selfati se diffuse un essentialisme subtil,  ambitionnant de tirer les images hors de l’actualité, vers une forme de l’éternité.

 

Ce souci formel de l’artiste ne doit pourtant pas occulter la nature politique de la réflexion de l’artiste, mise ici en évidence par la présentation en diptyques des œuvres laissant en surgir avec clarté les antagonismes.

D’un côté, une représentation, récurrente dans l’œuvre de l’artiste, de la nature, perçue comme lieu par excellence du mystère, des mythes et des symboles mais également et surtout comme principe de protection, de pacification et de permanence.

De l’autre, montrant le fonctionnement des appareils répressifs étatiques en pleine action, la représentation paroxystique de la violence humaine, et en particulier, et ce n’est sans doute guère un hasard, de la violence instituée, impermanente et sujette à l’arbitraire.

Bien sûr, il faudrait éviter l’écueil du manichéisme en se figurant une nature dénuée de toute puissance destructrice et une humanité politique vouée au règne de la loi du plus fort, si une telle opposition des forces en présence ne mettait en lumière la question de l’intentionnalité de la violence de l’homme sur l’homme, des problèmes de pouvoir et de domination qu’elle soulève et dont le monde contemporain est loin de s’exempter.

Dans ces « arrestations », la contrainte des corps figurée par Selfati manifeste le fameux paradoxe de la répression étatique, dans le totalitarisme comme en démocratie, « violence légitime » dont les Etats détiennent le monopole, selon l’expression de Max Weber**.

Contre, tout contre, cette liberté contrainte par la probable nécessité d’un ordre que nous avons à produire, semble s’ériger pour Selfati celle d’une nature dessinée comme une utopie, ou qui (re)deviendrait une utopie nouvelle, un paradis perdu peut-être, qu’il s’agirait de reconquérir comme une nouvelle Arcadie.

 

Artiste engagé dans son temps, Selfati nous invite à observer le monde présent sous le prisme de son art, romantique à sa manière, plus mélancolique que nostalgique, d’un romantisme contemporain nourri de l’observation des dérives de nos sociétés, de la guerre à l’obsession de la sécurité, du terrorisme à l’impérialisme marchand contre le vivant.

 

* Junichiro Tanizaki, Eloge de l’ombre, 1933

** Max Weber, Le savant et le politique, 1919

 

"ARREST" - Une exposition de Ilias Selfati à la Galerie Talmart

Du 29 janvier au 9 février 2013 -

Vernissage jeudi 31 janvier à partir de 18h

22 rue du Cloître St Marri - Paris 4ème

www.talmart.com

 

Photo: courtesy Ilias Selfati

 

Texte réalisé à l'occasion de cette exposition

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 00:28

 

defile-1.jpg

 

Le défilé-performance de Majida Khattari s'est déroulé Place de la Concorde, ce samedi 6 octobre, dans le cadre de la Nuit Blanche parisienne.

A cette occasion, une plaquette a été publié, avec mon texte, que voici:

 

Dans la scène inaugurale du film de Roger Vadim « Et Dieu créa la femme », les courbes du corps nu de  la Brigitte Bardot de 1956 se dessinaient derrière un voile, drap blanc tendu entre le regard de Curt Jurgens et la nudité de la jeune femme. Voile virginal de pudeur posé sur l’ l’héroïne, équivoque érotique de ce corps dissimulé au regard, nourrissant  fantasme et  désir – il la sait nue sous le voile- : ce portrait de femme, créée par Dieu et la magie du cinéma, il y a plus de cinquante ans, attira tant les foudres des ligues de vertu que les spectateurs furent menacés d’excommunication et que le Vatican, lors de l’Exposition Universelle de 1958, choisit l’image de l’actrice comme incarnation de la luxure. Sans réelle intention, l’auteur de ce film opposait à une vision intégriste du corps féminin comme objet diabolique, celle d’un féminisme « dangereusement » féminin, incarnation originelle de l’émancipation et de la liberté sexuelle, théorisées quelques années plus tôt, avec scandale, par Simone de Beauvoir. Une femme nue et un voile.

 

Dans le défilé-performance « Ceci n’est pas un voile », des femmes défilent, peut-être nues, entre deux rangées de voiles, foulards de soie colorés et richement calligraphiés en arabe. Le titre, clin d’œil au surréalisme magrittien, recadre ainsi l’action dans l’histoire de l’art, tout en avançant l’idée que le voile islamique, dont il serait question ici, pourrait se dédramatiser en accessoire de mode.

Majida Khattari reprend ainsi à son compte le titre de l’œuvre de Magritte à laquelle elle se réfère, « la Trahison des images ». Donnant à voir un énoncé contestant « l'identité manifeste de la figure et le nom qu'on est prêt à lui donner. »*, son action appelle à une réflexion sur la sémiologie de la représentation dans le monde contemporain, et dans ses proliférations médiatiques instrumentalisant le corps des femmes.

 

Majida Khattari a souvent montré, dans des défilés-performances dramatiques et dramaturgiques, jouant de vêtements-sculptures comme autant de manifestes, la souffrance et l’aliénation des femmes entravées par les burqa, hijab et autres niqab.  Autant de démonstrations de l’ oppression , de l’ enfermement auxquelles elles sont soumises. L’artiste surmonte ainsi la difficulté d’évoquer le corps féminin dans l’Islam, y compris à travers l’art – comme le montrait avec humour le vêtement « Louvre- Abu Dhabi ».

Artiste engagée, et féministe, Majida Khattari a bien des raisons objectives de fonder son travail sur une réflexion à propos de ces centimètres de tissu qui séparent la femme voilée d’elle-même, qui protègent et/ou soustraient, dans toute l’ambivalence de sa fonction, son corps et son visage au regard des autres, régénérant sans cesse cette dialectique pornographique, du visible et de l’invisible, de la présence et de l’absence, de l’interdit et du désir, telle que nous le decrit Gombrowicz..

Mais pour elle, le problème du voile islamique, qui agite tant la classe politique française, réactivant les conflits autour du sens de la laïcité, des  crispations identitaires nourries de peurs primitives, n’est qu’une sorte d’épiphénomène.  Son travail ouvre à un questionnement plus vaste :  la dimension profondément politique du corps de la femme , à travers les violences qu’ il subit.

Car ce phénomène d’enfermement du corps des femmes, nous dit-elle, n’est pas seulement liée au voile. La dictature du visible, l’impérialisme de la norme et du modèle, systématisé par l’industrie de la mode, pèsent sur les femmes, au travers du regard des hommes, mais aussi de celui qu’ elles portent sur elles-mêmes. Ces modèles d’aliénation sont amplifiés, par le prisme des médias, et génèrent une culture schizophrène, à la fois puritaine et cynique, véhiculant rêves et obsessions de désincarnation, d’atemporalité,  de vérité absolue, en même temps qu’ individualistes et dogmatiques.  

 

« Ceci n’est pas un voile » joue, ici avec  légèreté, sur ces multiples tableaux. Si le défilé-performance évoque la question du voile musulman en le détournant, le ramenant à hauteur d’un objet possible de mode, il est aussi un hommage au cinéma, aux femmes et à l’art. Hommage, ainsi, à Daniel Buren, dont la création de foulards chez Hermès en 2010 lui avait donné envie de travailler le carré de soie. Ici tendus comme évoquant ses palissades et la rue, qui fut son premier atelier, et reprenant dans leurs fonds graphiques les célèbres et désormais iconiques rayures  de l’artiste français.

 

Un défilé sans robes, comme un paradoxe : les femmes qui déambuleront entre les voiles seront libres, libérées de toute parure, délestées de toute robe-manifeste, simplement coiffées d’un foulard, clin d’œil à la mode et à l’histoire de l’élégance, noué à la Grace Kelly, à la Brigitte Bardot, à la  Liz Taylor ou à la Jackie Kennedy.  Les voiles, qui ne sont pas des voiles, occulteront leurs corps au regard des spectateurs, créant une tension peut être  érotique, présupposé sexuel déjà polémique. Questionnant  le statut et l’image des femmes, ce défilé d’un autre genre suggérera ainsi que les totalitarismes insidieux ne se glissent pas que dans les préceptes théologiques.

 

* « Ceci n'est pas une pipe: Sur Magritte » - Michel Foucault – 1973, Ed.Fata Morgana

 

 

Quelques images du défilé

 

 

 

 

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28 septembre 2012 5 28 /09 /septembre /2012 18:03

On ne m'a jamais cité en ma présence ( pour rappel de l'idée: http://mariedeparis-yafil.over-blog.com/article-on-ne-m-a-jamais-cite-en-ma-presence-96738740.html )

 

http://www.printempsdeseptembre.com/r2.php5

 

fatmi histoire

 

Ca fait plaisir, tout de même, d'être cité au lieu qu'on vous pille votre boulot en oubliant votre nom...

 

Allez, pour mémoire, le texte complet pour "L'homme sans cheval", texte que l'on peut trouver sur le site de l'artiste

 

hsscheval3b.jpg

 

  

« L’homme sans cheval », 01, 02, 03


L’homme sans cheval se présente comme une trilogie autour de trois formes connexes de chute, physique, métaphysique, historico-politique. Elle s’offre comme une réflexion globale sur la condition précaire d’une humanité ancrée dans ses certitudes de maîtrise, mise en danger tant par un « principe d’indétermination », que l’on pourrait tout aussi bien appliquer à l’existence humaine comme forme de l’absurde, que par les options historiques qu’elle détermine et oriente dans cette illusion historiciste dénoncée par Popper : confronté à une destinée sans finalité, le pouvoir de l’homme vacille sur ses fondements.

 

mouvement 03


Un homme (le même que dans le mouvement 02) sanglé dans une impeccable tenue de cavalier apparaît en haut d’un chemin, dans un paysage semi urbain désaffecté et humide. Ce cavalier « se met à donner des coups de pied dans un livre, qu’il repousse devant lui au rythme de la marche. Coups de pied violents, systématiques – comme une revanche ou un acte de dépit, on ne sait. »*

Ce livre porte un titre : Histoire. Mais quelle Histoire ce cavalier entend-il bousculer ou détruire ? Est-ce cette « construction fantasmatique (…) que l’on serait censé maîtriser, celle que l’on conquiert et que l’on plie à sa volonté »* ? Est-ce, comme l’écrit Hegel cette Histoire vécue comme « énergie, passion des peuples et, conjointement, bousculade informe des évènements »** ou pensée comme « réalisation progressive de l’Esprit », d’une rationalité dont nous ignorerions la finalité ?

L’homme sans cheval 03 invite à tenter sa propre herméneutique. S’agit-il de dissiper les illusions de la notion de « progrès » historique, ou de penser au contraire qu’il faut croire au progrès historique comme une idée directrice « pratique », refusant de voir notre propre histoire nous échapper, œuvrant en vue d’un état futur et meilleur de l’humanité ?

Est-ce la « fin de l’histoire » ? Dans ce geste rageur d’un livre détruit et traîné dans la boue, semble s’affirmer le refus d’une Histoire comme « justification de tous les sacrifices », « principe d’arbitraire et de terreur », la résistance à cette Histoire qui « suggère un autre royaume, dogme sans fondement qu’on se verra imposé par ceux à qui le dogme profite »***. « L’homme », postule mounir fatmi à la fin de la vidéo, « est le seul héros de sa propre histoire ». Postulat existentiel auquel ne saurait s’opposer aucun déterminisme.

Mais l’individu résistera-t-il à l’Histoire ? Si assuré dans son pas, si acharné dans sa destruction, à la fin pourtant, l’homme s’effondre dans la boue.

Acte de résistance, cette destruction du livre sonne comme l’affirmation de la liberté humaine dans la prise de conscience de son aliénation et l’acharnement à échapper aux déterminismes. Mais la liberté, in fine, n’est jamais que le pouvoir de résistance à la mort, comme une réalité ontologique indépassable qu’il s’agit toujours de reconquérir.

 

 

*Paul Ardenne- Préface au catalogue « Mounir Fatmi – sans histoire » – Musée National Pablo Picasso, la Guerre et la Paix, Vallauris, 2007

**GWF Hegel-La Raison dans l’Histoire

***Albert Camus – L’homme révolté

 

 

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25 septembre 2012 2 25 /09 /septembre /2012 09:55

«  Dans la glorification du «  travail  », dans les

infatigables discours sur la «  bénédiction du

travail  », je vois la même arrière pensée que

dans les louanges adressées aux actes

impersonnels et utiles à tous : à savoir la

 peur de tout ce qui est individuel. Au fond,

 ce qu’on sent aujourd’hui, à la vue du travail

 – on vise toujours sous ce nom le dur labeur

 du matin au soir -, qu’un tel travail constitue

la meilleure des polices, qu’il tient chacun en

 bride et s’entend à entraver puissamment le

développement de la raison, des désirs, du

goût de l’indépendance. Car il consume une

extraordinaire quantité de force nerveuse et

la soustrait à la réflexion, à la méditation, à

la rêverie, aux soucis, à l’amour et à la haine,

il présente constamment à la vue un but

mesquin et assure des satisfactions faciles

 et régulières. Ainsi une société où l’on travaille

 dur en permanence aura davantage de sécurité :

et l’on adore aujourd’hui la sécurité comme la

divinité suprême.

F. Nietzsche - Aurores (1881), Livre III, § 173 et § 206,  trad. J. Hervier, Gallimard, 1970.

 

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« Ego factory », c’est un entrepôt désaffecté qui se mue le temps d’une exposition personnelle en une frénétique usine à création, en une fabrique d’œuvres d’art, toute personnelle.

On pourrait penser que Corine Borgnet s’offre avec « Ego Factory » - et le titre qu’elle a choisi le confirmerait- une sorte d’ « ego trip ». Sans commissaire ni galeriste, si ce n’est un certain Edmond Lesieur, Londres, qu’on ne connaît de nulle part, elle monte « son » exposition dans « son » espace, comme un cadeau qu’elle se ferait. Et on aurait tôt fait, en  pénétrant dans l’espace brut de l’usine désaffectée qu’elle transformera bientôt en lieu de vie et de travail, d’y voir quelque chose comme l’exhibition de son paysage mental.

Mais ce serait méconnaître le sens délicat de la distance dont sait jouer Corine Borgnet, et la conscience qu’elle manifeste que le processus de réflexion, de création, de travail mis en acte pour réaliser « son » œuvre demande à tout artiste un solide « ego », une forme élaborée de narcissisme. C’est aussi de cela que Corine Borgnet s’amuse, pas dupe de ce levier plus ou moins secret qu’est le désir d’être reconnu, et admiré, pour son œuvre,  moteur essentiel de toute création et plus particulièrement de la création artistique, comme prolongement de soi. "Le narcissisme », écrit ainsi Paul Ardenne, « est fondateur de l'art. (…) L'artiste agit toujours en demande de reconnaissance, et en manque d'amour. » Elle pressent aussi la nécessaire confiance que l’artiste doit fonder dans le subjectivisme, pour oser imposer au regard du monde sa manière de l’informer, à la recherche de ce « point de rencontre de deux narcissismes, celui de l'artiste et celui de qui regarde; le point où ces deux amours-de-soi peuvent se mêler, se toucher »*

Et pour cela, comme elle le fait ici, mettre tout en œuvre : désir, énergie, passion, mais aussi orgueil et croyance…

Ce n’est donc pas son seul ego qu’elle évoque ici avec humour, mais bien celui de tous les artistes du monde…

 

Son « Ego factory » est donc une fabrique à rêve, une usine à créer, et Corine Borgnet a visiblement pris plaisir à mettre en abîme cette idée de « factory » et à en filer la métaphore, jusqu’à, promet-elle, vendre ses œuvres « à prix d’usine ».

Bien sûr, pas de « Factory » sans référence à Warhol, elle qui vécut longtemps à New-York et dont le travail, et en particulier l’ « Office Art » qu’elle montre ici, entretient une parenté avec le Pop et l’art américain.

Dans cette « Factory » provisoire, transformée le temps d’un projet en lieu de matérialisation des productions de l’ego, Corine Borgnet s’est essayée à recréer, toutes proportions gardées, quelque chose de l’esprit warholien, rassemblant des énergies, des idées, des personnes, pour produire une série photographique inédite. D’une certaine manière l’ « « ego » factory » est une pirouette, car ici elle n’a pas travaillée seule et le revendique.**

Mais la Factory warholienne n’était-elle pas aussi une usine à produire du « mythe » et de la « superstar », de la notoriété et du quart d’heure de gloire ? Voici des ambitions qui contrastent singulièrement, non sans ambiguïté, avec le propos même de l’exposition, qui s’intéresse justement aux anonymes travailleurs, aux acteurs de la production de masse, aux pions sur l’échiquier, prisonniers d’un système hiérarchique qui, soyons en bien sûr, veille sur eux…Ainsi tente-t-elle ici de rendre à ces invisibles, aux travers de ceux qui leur ont prêté leur dénuement générique et leurs visages, leur individualité, leur intégrité transcendée en oeuvre d’art.

Voici donc l’indomptable « Ego de l’artiste » en prise avec les images d’un monde sans pitié, celui du travail et de la vie de bureau, celui là même dont elle a choisi de fuir les codes et les contraintes, en lutte contre le glissement bureaucratique et souvent désenchanté du monde contemporain. « Ego factory » procède donc de cette position de résistance, mais aussi, comme elle le dit souvent, d’une lutte perpétuelle contre la perte de la liberté d’esprit et des rêves de l’enfance, cette sorte de « parenthèse enchantée », dans laquelle le principe de plaisir, source de tous les imaginaires, ne s’est pas encore heurté à la rationalité, au principe de réalité et aux nécessités économiques. Le détournement en matériau plastique du Post-it, qu’elle travaille depuis plusieurs années, pris comme symbole du monde de l’entreprise, s’offre alors comme une alternative, une ligne de fuite poétique, et parfois ludique, hors de cette ultime manifestation de la société du spectacle, pour reprendre la terminologie de Guy Debord.

Au travail bureaucratique, « moyen le plus rationnel que l’on connaisse pour exercer un contrôle impératif sur des êtres humains »***, au travail aliéné, selon la dichotomie marxienne, Corine Borgnet oppose le travail créatif qui est le sien, portant un regard acéré sur ce que le monde du travail peut avoir de déshumanisant. Ici, le visiteur se trouve happé par des pense-bêtes, listes et notes urgentes surdimensionnés, hanté par les corps nus de travailleurs rudes à la tâche, traités en Post-it, au lieu de revêtir le costume de leur fonction. lndividus réduits à l’état de force de travail, à une fonction aussi obsolète qu’un objet peut le devenir, réifiés. Corps vulnérables donc, et fragiles, aussi jetables et éphémères que des post-it usagés. Des Post-it humains. On les découvre, rangés dans leurs casiers comme des dossiers, le regard vague à la fin du labeur, le corps fatigué, avides de retrouver dehors cette partie de la vie gagnée pour avoir accepté d’en perdre l’autre partie, comme dirait Marx, tentant donc vainement de s’échapper de quelque prison, office men et working girls sans glamour, petite armée de spectres, parfois franchement inquiétants, crucifiés sur l’autel de la productivité, de la rentabilité et du travail bien fait, le tout dans l’univers rude et sans apprêt, ni open space ni plantes vertes,  de l’usine désaffectée. Et l’on se demande quelle place pour l’ « ego » dans cette « factory » ?

 

Avec force et lucidité, dans un langage plastique abouti, Corine Borgnet se dégage d’une représentation réaliste de l’univers du travail, pour en proposer une vision onirique, aux confins du fantasme et du fantastique, une vision puissante et en tout cas fascinante.

 

 

 

*Daniel Sibony - Création. Essai sur l'art contemporain, Paris, Seuil, 2005

**Corine Borgnet remercie à ce titre pour leur précieuse collaboration : PIERRE LEBLANC, photographe, PHILIPPE PUISIEUX, remanieur photo et CHRISTOPHE LAMBERT, consultant artistique

***Max Weber – Les catégories de la sociologie, tome 1 : Economie et société (1921) – Plon, 1971

 

 

EGO FACTORY -CORINE BORGNET

Du 28 septembre au 27 novembre 2012

Vernissage vendredi 28 septembre à partir de 18h

67 rue Désiré Chevalier - 93100 MONTREUIL

 

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 10:25

DEFILE-PERFORMANCE « Ceci n’est pas un voile » 

 Majida Khattari

 

Nuit Blanche 2012

 

En cette 11ème Nuit Blanche, c’est sur la Place de la Concorde, symbole s’il en est de Paris mais aussi de la République et de la France réconciliée, là où s’achève le défilé du 14 juillet et sur fond d’Assemblée Nationale, que Majida Khattari, artiste marocaine, engagée et connue pour ses « défilés-performances-manifestes », installera son catwalk.

Entre deux rangées de vaporeux foulards de soie sur lesquels seront projetées quelques scènes mythiques du cinéma, ou richement calligraphiés en arabe et en français, de la phrase « ceci n’est pas un voile » comme un oxymore et un clin d’œil au surréalisme magrittien, des mannequins défilent, foulards noués à la Bardot, Hepburn ou Kennedy.

Majida Khattari réactive avec humour et audace la question de ce voile qui continue d’agiter la classe politique, voile ici dédramatisé en accessoire de mode. C’est aussi un hommage au cinéma, à la liberté des femmes et à l’art, de Magritte à Buren, à qui elle emprunte les rayures graphiques, pour inviter en cette nuit sans sommeil à une révolution cette fois  joyeuse et colorée.

 

Un texte que j'ai signé sera publié sur un livret en cette occasion - texte à paraitre ici sous peu...

 

Ceci n'est pas un voile

Samedi 6 octobre 2012

Défilé sur invitation à 19h, puis défilés publics à 21h, 22h, 23h

Place de la Concorde, Paris 8ème

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 23:58

Figures marquantes de l’avant-garde néerlandaise, Hilarius Hofstede (né en 1965) et Berend Hoekstra (né en 1953) se sont associés pour former un duo artistique sous l’acronyme P.I.G - « Polynesian Instant Geography » -, et développent sous ce nom depuis la fin des années 90 des projets communs d’exposition.

 

hoekstra 160

 

En parallèle du troisième volet de P.I.G, que l’on pourra découvrir au Musée de la Chasse et de la Nature, à Paris, l’arsenicgalerie organise, du samedi 29 septembre au samedi 27 octobre 2012, une exposition – rétrospective, montrant des pièces récentes mais aussi des pièces plus anciennes, permettant de découvrir un aperçu de l’oeuvre conjointe des deux artistes. Les peintures, dessins, sculptures animales en papier mâché de Berend Hoekstra, les dessins et les installations de mots de Hilarius Hofstede y côtoieront un certain nombre d’oeuvres primitives d’Océanie, cherchant à rendre une atmosphère, un environnement propre à P.I.G. En regard de ce qui sera présenté au Musée de la Chasse, le monde animal, et en particulier les animaux marins, par excellence représentatifs du monde de P.I.G, seront privilégiés.

Si les modes d’expression et les travaux de ces deux artistes, qui se sont rencontrés en 1988 à Paris, diffèrent, P.I.G exprime une vision commune, autour de points sensibles récurrents : d’abord, une intention expérimentale sans cesse renouvelée, cherchant à échapper à « l’art néerlandais officiel », celui issu du constructivisme. Ensuite, un même souci et une inquiétude partagée pour la manière dont se dégrade la nature sous l’action humaine. Et enfin, et avant tout, une passion infinie pour les arts primitifs : art brut, art premier et surtout, art et culture de la Polynésie.

 

Se revendiquant en quelque sorte héritiers de CoBrA, dans cette dimension expérimentale dépassant la dichotomie abstraction-figuration, Hoekstra et Hofstede ont choisit P.I.G comme d’autres Copenhague, Bruxelles, Amsterdam, localisant ainsi leur inspiration (Polynesian Instant Geography) et rendant leur projet nomade : après Amsterdam, en 1999, Bruxelles, en 2002, Paris, aujourd’hui. Les deux artistes partagent aussi avec leurs prédécesseurs une critique vivante de la « culture rationaliste occidentale, dont la décomposition est devenue évidente », recherchant les sources premières de la création au travers des totems et des signes magiques des cultures primitives. Ainsi, l’art et la culture de Polynésie les fascinent depuis de nombreuses années, curiosité intimement liée à leur attirance pour les expressions de l’animalité, dont ils revisitent sans cesse les différentes figures dans des oeuvres étranges, hybrides, nourries d’une charge spirituelle et un peu magique. Des oeuvres parfois « néo-primitives », masques, casse-têtes et tatoos moko maoris, dans des matériaux pauvres et bruts, qui pourraient être « le résultat d’une recherche ethnographique fantasmée »…

 

Mais c’est plus encore à une sorte de voyage que nous invitent Berend Hoekstra et Hilarius Hofstede, un « voyage bleu », la recherche d’un nouvel horizon, une démarche d’exploration hors des sentiers de « notre » culture. Cette manière unique d’appréhender le rapport du monde contemporain, et de l’art contemporain, avec l’art primitif élude tout exotisme, et rejette la tentation de singer les formes de l’art primitif qui ont tant inspiré les artistes depuis le siècle dernier. Car il s’agit bien plutôt de se reconnecter avec quelques forces indicibles, dans des strates de conscience des cultures et de ce qui nous relie au monde, profondes et différentes, dans le « reconnaissance et l’acceptation de la brutalité de la nature et de l’insécurité de la vie ».

 

Une résistance de l’imaginaire, l’espoir fou d’une nouvelle Arcadie.

 

P.I.G/ Berend Hoekstra et Hilarius Hoestede à l'arsenicgalerie

Du 29 septembre au 28 octobre 2012

vernissage le samedi 29 septembre à partir de 17h30

14 rue Guénégaud - Paris 6ème -

www.arsenicgalerie.com

 

Texte réalisé pour l'arsenicgalerie à l'occasion de cette exposition

 

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Et au Musée de la Chasse et de la Nature

 

P.I.G

DORMIR AVEC LES ANCETRES

Berend Hoekstra - Hilarius Hofstede

 

L’exposition au Musée de la Chasse et de la Nature  constitue le troisième acte d’une action internationale  entreprise en 1999, d’abord au Stedelijk Museum d’art  moderne d’Amsterdam, puis, en 2002, aux Musées  royaux d’Art et d’Histoire - Porte de Hal, à Bruxelles.  Dans l’esprit de modernes cabinets de curiosités, le duo de  P.I.G y accumulera des références transculturelles, confrontant  les icônes du pop et de l’art contemporain (Joseph Beuys,  Andy Warhol, Damien Hirst…) aux collections naturalistes  ou aux objets provenant des Iles Marquises. A ce titre,  arsenicgalerie & la galerie Schoffel-Valluet, en tant  que galeriste et collectionneur, participera à l’élaboration de  l’exposition du musée par le prêt d'oeuvres primitives. Dans  un désordre provocateur et stimulant qui se joue de l’ordre  établi et des taxonomies, P.I.G distille ses propres créations  (peintures de Berend Hoekstra, installations d’Hilarius  Hofstede) dans les collections historiques.  Outre les thèmes couramment développés par Berend  Hoekstra et Hilarius Hofstede autour des tensions entre  la nature et l’artifice, la création et la destruction, le  rationalisme et la superstition, la raison et la folie, l’animal  et l’humain, l’histoire et la modernité, une place particulière  sera réservée aux questions environnementales en écho aux  risques encourus par la planète.

 

MUSÉE DE LA CHASSE & DE LA NATURE

P.I.G (POLYNESIAN INSTANT GEOGRAPHY)

DORMIR AVEC LES ANCÊTRES

Du 25 septembre au 9 décembre 2012

62 rue des Archives - Paris 4ème

www.chassenature.org

Le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi et les jours fériés, de 11h à 18h,

de 11h à 21h30 le mercredi.

 

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 10:24

"Des mots, des formes, une rencontre"

 

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Pour accueillir en douceur la fin de l’été, l’Espace 111 nous convie à une promenade poétique, entre cime et abîme. L’exposition « Des mots, des formes, une rencontre », nous mène à la découverte croisée des univers de Martine Salavize, sculpteur et de Sabine Péglion, poète.

 

Sur le sol, un chemin lumineux de mots. Autour et entre les mots, les sculptures de Martine Salavize. La poésie sera partout, ici un mobile aux « couleurs des mots », là, des mots jetés, éparpillés comme les feuilles tombantes à l’automne, des poèmes de Sabine Péglion, à glaner et à emmener avec soi, tels d’heureux souvenirs. D’autres mots encore, projetés ou accrochés aux murs, poèmes spécialement imaginés par l’auteur pour entrer en résonance avec les peintures de paysage, entre abstraction et figuration, de Martine Salavize.

 

« Il se pourrait que je dépose

Traits de crayon pinceaux de nuit

sur cette toile encore close

quelque éclat parfois saisi »

 

(Sabine Péglion)

 

L’exposition se découvrira comme un paysage dans lequel déambuler et s’imprégner du silence bruissant de formes et de mots.

 

L’inspiration issue de la nature est une donnée essentielle dans l’oeuvre de Martine Salavize. Elle en a souvent expérimenté la richesse dans son rapport avec son travail de sculptures, notamment au travers de nombreux projets de mise en espace de ses sculptures dans des jardins ou des parcs de sculpture paysagés, sensible, dit-elle, à « l’osmose » avec la végétation. Mais il s’agit là d’une sorte de mise en abîme de son intérêt pour la nature, qu’elle convoque au coeur même de son oeuvre, lorsqu’elle lie au béton SIKA* des éléments de métal, de bois ou de verre, lorsqu’elle s’empare d’un morceau de nature, pour en mouler les formes : Ainsi de la série Yotvata, du nom du kibboutz dans une oasis dans le désert du Néguev, d’où elle a ramené ces fragments d’arbres.

Dans sa quête de simplicité et d’épure, Martine Salavize parvient à concilier la nature et l’artifice, les pleins et les vides, la massivité et la fluidité, le béton et la légèreté de formes élancées, contrastant avec des bases plus massives mais en équilibre, souvent, invitant au mouvement, et au toucher. Rugueuses ou lisses, douces ou texturées, ses oeuvres portent en elles une dimension tactile, une sensuelle invite à l’effleurement.

 

 

L’oeuvre de Martine Salavize se veut sans frontière, toute entière ouverte à l’imprévu et à la rencontre avec les choses et les êtres, avec le temps, les lieux, et les histoires. Peinture, sculpture ou dessin, elle abolit les limites entre l’abstrait, l’organique, et le figuratif, qui peuvent, d’une oeuvre à l’autre ou dans la même oeuvre, se conjuguer, se compléter. Pour l’artiste, le travail des formes organiques ou abstraites n’est pas différent de celui qu’elle peut faire avec le corps et la figuration, car il y est toujours question d’équilibre des formes, de mouvement, d’évidence, et de sensualité.

Ses oeuvres nous appellent à « projeter nos rêveries et nos émotions dans ce qu'elle nous donne à voir et à toucher. (…) L'intensité de l'émotion qu'elles contiennent est adoucie par la caresse qu'elles appellent, (…) comme si le monde chuchotait autour de nous ».**

 

*Le béton Sika est un béton catalysé ciment et résine

**D’après Michelle Fellous, anthropologue au CNRS

 

Dans la petite salle sera présenté un film de 10 mn retraçant l’expérience menée par Martine Salavize dans son atelier de sculpture avec des handicapés visuels et des voyants. Il s’agit à la fois de se faire rencontrer des modes différents d’approches sensorielles et d’exprimer la volonté de créer du lien entre le handicap et le non handicap.

Les visiteurs pourront eux même se confronter à la matière et à ce mode d’appréhension de la réalité sculpturale avec des oeuvres à toucher dans la pénombre.

 

 

 

Née en janvier 1957 à Monaco, Sabine Péglion vit en région parisienne depuis plus de trente ans. Des études de lettres à Nice, un doctorat sur l’oeuvre de Philippe Jaccottet à la Sorbonne lui ont permis de concilier écriture, poésie et enseignement. Diverses revues et anthologies ont accueilli ses poèmes, parmi lesquelles Revue mouvance, Terres de femmes, Les carnets d’Eucharis, Revue Francopolis, ainsi que des anthologies de poésie parmi lesquelles «Anthologie voyageuse », Poèmes réunis par Zineb Laouedj et Cécile Oumhani (Éditions Espace Libre, Paris/Alger 2010) ou une « Anthologie poétique francophone de voix

 

Martine Salavize, née en 1955 à Paris, vit et travaille à Montreuil.

Après des études à l’Ecole Nationale des Métiers d’Art et des Arts Appliqués et à l’Université Paris VIII, elle entreprend une longue période d’apprentissage en atelier en France, mais aussi en Israël et au Canada. Son travail, à cette époque, évolue selon les voyages, les rencontres et la découverte de matériaux, si importants pour elle.

Ses oeuvres sont rentrées dans de nombreuses collections, comme le celle du FRAC  Limousin.

Elle expose très régulièrement depuis la fin des années 70, en intérieur (galerie ou musée) ou en extérieur (parcs ou jardins), comme au Château de La Ballue, à Bazouge la Pérouge, connu pour ses « Jardins inattendus ». Elle participe également à de nombreuses expositions collectives, notamment par exemple dans le cadre de Articité (de 2007 à 2010, à Fontenay-sous-Bois).

En outre, elle enseigne le dessin de paysage à l’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage de Blois.

 

« Des mots, des formes, une rencontre »

VERNISSAGE SAMEDI 22 SEPTEMBRE A PARTIR DE 18H / EXPOSITION 22 ET 23 SEPTEMBRE 2012 DE 14H A 20H

MARTINE SALAVIZE SCULPTEUR INVITE SABINE PEGLION POETE

111 rue de Stalingrad 93100 MONTREUIL / Tél : 01 48 59 64 11 / n.olivier@pictogram-serideco.com

 

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31 août 2012 5 31 /08 /août /2012 12:02

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« Ego factory », c’est un entrepôt désaffecté qui se mue le temps d’une exposition personnelle en une frénétique usine à création. Ici, l’indomptable « Ego de l’Artiste » se débat avec les images d’un monde sans pitié, celui du travail et de la vie de bureau. Happé par des pense-bêtes, listes et notes urgentes surdimensionnés, hanté par les corps de travailleurs rudes à la tâche mais fragiles, aussi jetables et éphémères que des post-it usagés.

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Et bientôt, le texte....

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 17:25

En 2012, Marseille expos, réseau dont fait partie la Galerie Saffir, avec laquelle je collaborerai sans doute en 2013,  et les Galeries Lafayette St-Ferréol s’associent pour la promotion de l’art Contemporain à Marseille, dans la dynamique de Marseille-Provence 2013 Capitale Européenne de la Culture.

 

Du juin à décembre, les membres de Marseille expos assurent la programmation du nouvel espace d’exposition du 5ème étage des Galeries Lafayette St-Ferréol, la Galerie du 5ème, pendant méridional de la fameuse "Galerie des Galeries" des Galeries Lafayette du Boulevard Haussman, avec trois expositions comme autant de volets d’une histoire inspirée du célèbre triptyque baudelairien « Luxe, calme et volupté ».

 

Le premier volet, "Luxe(s)", fruit d'un commissariat collégial de 9 structures membres du réseau Marseille expos, accueille donc, par la Galerie Saffir, des oeuvres de Naji Kamouche et de Emmanuel Régent, ainsi que de Pascal Navarro !

 

 

 

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Rame de "luxe" dont la pale est couverte d'argent, que j'avais exposé dans "Figure libre" en 2010...

 

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Et très belle installation de Naji...

 

 

"Luxe(s)" - Galerie du 5ème – Galeries Lafayette 40/48 rue Saint Ferréol 13001 Marseille

du 29.06 au 18.08.12

 

photo 1: Emmanuel Regent, Raïssa, 2010 Courtesy Emmanuel Régent, Espace à vendre/Le Cabinet, I love my job - Caroline Smulders

photo 2: Emmanuel Régent, Aux bords du dehors, 2010 Courtesy Emmanuel Régent et Le Cabinet/Espace à vendre

photo 3: Naji Kamouche, Made in China, 2012 Courtesy Naji Kamouche et School Gallery/Olivier Castaing

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23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 23:54

Le 30 juin et le 1er Juillet, l’Espace 111 fête l’arrivée de l’été et clôt en beauté la programmation de la saison avec une exposition foisonnante dans laquelle l’art se déploie sous toutes ses formes!

Dessins, photos, installation, sculptures, vidéo et performance, les expressions se croisent et transcendent les limites.

Sara Grossert, Kim Lan Nguyen Thi, Véronique Petit (avec la collaboration de Lili Bel), Marie Tucat et Karine Zibaut : des femmes de tous les horizons liées, au propre comme au figuré, par un fil rouge, fil conducteur –trace, proximité, frontière- qui mènera le visiteur d’un univers à l’autre, d’un cri à l’autre.

 

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SARA GROSSERT

 

A l’Espace 111, Sara Grossert présente une dizaine de dessins de grand format de la série des « Mangeurs crieurs », ainsi que des sculptures jouant du visible et de l’invisible.

Les mangeurs crieurs sont nés de l’entremêlement, et du rapprochement, a priori incongru, de l’univers ménager et du processus de création, celui-ci faisant émerger l’œuvre depuis la banalité du geste quotidien. Sara Grossert explique : « Depuis une dizaine d'années, mon lieu de travail est à l'intérieur de mon lieu de vie. Vie familiale, tâches ménagères et création artistique se mélangent sans cesse, parfois jusqu'à se superposer. Les repas avec leur préparation et toutes les activités annexes qu'ils génèrent, suscitent des gestes parmi les plus fréquents et les plus répétitifs. » C’est ainsi que l’acte de se nourrir, et le geste de la nourriture porté à la bouche deviennent, sous son crayon et notre regard, « intéressants ». Dans le même temps, ces bouches ouvertes sont aussi celles du cri, dans une sorte de « contre-sens » : « En juxtaposant Crieurs et Mangeurs », dit encore Sara, « j'ai voulu rendre visible la double fonction de la bouche par laquelle les aliments rentrent pour subsister et les sons (cris) sortent pour dire notre existence. »

Les sculptures issues de la série « Etre Paraître », quant à elles, invitent le spectateur à dépasser l’évidence visible, à s’approcher pour découvrir, en deçà de l’éclat de leur apparence, la part d’ombre et d’intime qu’elles recèlent, comme une personnalité cachée.

 

 

Née à Bâle, Sara Grossert  vit et travaille à Montreuil. Après avoir étudié à l’Ecole nationale des arts Décoratifs  Aubusson et à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, elle collabore avec des décorateurs de théâtre. Entre 1984 et 1988, elle réalise des performances autour d’une peinture avec le musicien Hervé Bourde et le danseur Bruno Dizien. Elle commence à exposer, de la peinture, en 1989 et travaille le volume depuis 1994.

 

 

KIM LAN NGUYEN THI

 

Rouges aussi, les boîtes « En cas de danger, briser la glace » de Kim Lan Nguyen Thi, dispositifs originaux présentant, dans des boîtiers de sécurité, reliés à des écouteurs, des images réalisées à partir d’un protocole bien précis. Ici, les personnes, laissées seules du début à la fin de la captation, sont invitées à crier « jusqu’à épuisement physique ou psychologique », ainsi seules juges des limites de leur acte. Kim Lan Nguyen Thi expérimente ainsi, d’une manière formellement différente mais connexe à celles de Sara Grossert et de Karine Zibaut, la puissance symbolique et expressive du cri. Ici, les différentes vidéos se découvrent comme autant de « partitions visuelles et sonores, questionnant différentes formes d’urgence à exister ».

Sont également présentées des photographies de grand format issues du projet « Transe », mené entre 2007 et 2010, autour de l’univers de la « House dance ». Kim Lan Nguyen Thi explique : « ces instantanés de corps en mouvements sont la base d’une étude du phénomène de transe qui constitue une série de tableaux alliant photographie et travail du métal dans une recherche autour du dépassement des frontières et de l’explosion du cadre. »

 

Kim Lan Nguyen Thi vit et travaille entre Paris en Bruxelles. Elle est titulaire d’un diplôme de scénographie obtenue à l’ENSATT en 2004 à la suite d’études d’architecture intérieure suivies à l’ENSAAMA de Paris. Dans son travail artistique, Kim Lan Nguyen Thi s’interroge sur « les indices de notre existence », ce qui nous constitue, nous singularise, fait de nous un individu « propre », une individualité. Elle explore ainsi les différentes formes d’expression de notre identité, identité sociale aussi bien que sexuelle, par exemple, et questionne la notion de « reconnaissance », dans une tentative de « poétisation du réel ».

Elle montre son travail, en galerie d’art, mais aussi dans l’espace public ou au théâtre, depuis 2003.

 

 

VERONIQUE PETIT

 

Le soir du vernissage, Véronique Petit réalisera « Défilée », une performance chorégraphique, dans laquelle la robe qu’elle porte, créée par la plasticienne Lili Bel, se détricotera au fil de ses déplacements d’œuvre en oeuvre, laissant, comme une trace, une empreinte de son passage, 500 mètres de fil rouge au sol.

 

Conception de la performance: Toméo Verges

Le chorégraphe Toméo Verges créé la compagnie Man Drake en 1992 avec le spectacle « Chair de poule » présenté à la Biennale de la danse à Lyon . Depuis il a réalisé une dizaine de pièces  créées dans de nombreux théâtres en France et à l'étranger. A partir de 2000, il propose des performances "hors plateau" conçues en fonction des lieux ou d'un  événement spécifique.

Véronique Petit est une artiste polymorphe. Actrice, metteur en scène, performeuse,  danseuse, auteur, elle a joué sous la direction de Claude Merlin dans "L'enchanteur pourrissant" de Guillaume Apollinaire en 1985 et crée en 1987 la compagnie Théâtre à Grande Vitesse avec Evelyne Pérard, avec qui elle co écrit, met en scène et joue tous le spectacles jusqu'en 2005. Parallèlement, de 1991 à 1993, elle vit à Londres où elle rencontre les artistes du "performing art" et travaille au Place Theatre en tant que coordinatrice de projets, où elle découvre  la danse contemporaine. Elle participe avec Oonagh Duckworth et Jean-Marc Adolphe à la création du SKITE, festival des émergences européennes en danse. En 2008 et 2009 elle programme le festival de danse pour le Théâtre de l'Echangeur à Bagnolet et à partir de 2006, elle travaille  avec le  chorégraphe Toméo Vergès en tant que dramaturge et collaboratrice artistique. (Body Time, 2006, Idiotas 2008, Meurtres d'intérieurs 2010, Anatomia Publica création prévue en 2012)

Elle collabore également aux performances de la plasticienne Marie-Noëlle Deverre, ainsi qu’avec la plasticienne néerlandaise Karen Lancel et aux projets  du musicien Cyril Hernandez.

De 1995 à 1999 elle écrit dans les pages Arts/scènes  du magazine  "Les Inrockuptibles"  sous le nom de Véronique Klein.  Depuis 2009 elle tient un blog pour le quotidien en ligne Mediapart  et intervient depuis septembre 2010 en tant que chroniqueuse à l'émission La Grande Table sur France Culture. Elle a collaboré à la version française de l'ouvrage de Rose Lee Goldeberg "Performances " en 2000  (ed Thames and Hudson) et co-écrit le" Panorama des arts du cirque aujourd'hui' avec Pierre Hivernat (ed Textuels 2010)

 

 

MARIE TUCAT

 

Jeune artiste plasticienne, Marie Tucat présente à l’Espace 111 des sculptures réalisées en fil de fer, jouant sur les lignes et les vides, les volumes et l’espace.

Explorant les notions de corps et de matière, les petites sculptures de Marie Tucat invitent le regard à pénétrer, se perdre, puis s’échapper, des lacis métalliques. Ici à la fois structure et matière, la sculpture de fil tente de remplir son espace, de se faire chair, « être à part entière » dit Marie Tucat.

 

Après avoir étudié, notamment le travail de la terre et du plâtre, aux Beaux-Arts de la Ville de Paris, Marie Tucat choisit d’explorer essentiellement la sculpture, en 1999, continuant cependant à s’initier, en 2000- 2001 à l’Art mural, la fresque à l'ancienne et la couleur, puis, de 2003 à 2006,  au travail des écorces et d'autres matières. Elle expose de manière régulière, notamment dans le cadre de diverses « Portes ouvertes » et expositions collectives, depuis 2006.

 

KARINE ZIBAUT

 

C’est autour de la série photographique « Mujer, Tierra y Libertad », travail autour de la maternité, que se sont tissés les liens entre les différents univers des artistes présentées ici, et la récurrence du fil rouge.

Le fil rouge cordon, est, explique Karine Zibaut, «  à la base de ce travail, de mon désir de laisser s'exprimer les mères à l'aide de la symbolique. A travers le symbole, on habite la mémoire du corps. Avec « Mujer », créée en parallèle à mon film « Mère », nous explorons le fil de la filiation dans toutes ses dimensions. »

Présentée en 2011 à l’occasion de la Journée de la femme et à l’invitation de l’Espace Beaujon de l’hôpital  Beaujon, « Mujer » pose la question : « Etre mère qu’est ce que c’est ? De cette interrogation est né MUJER avec Myoho. C’est une des séances les plus éprouvantes de ma vie, d’une intensité rare. Elle fait écho à cette phrase de Claude Cahun « Je vais jusqu’où je suis, je n’y suis pas encore ». « Mujer, Tierra Y Libertad »  s’est « révélé » sur un mur. Dans l‘écaillement du mur, apparaît l’émotion et la vérité de ce que nous avons partagé. Ainsi la photographie délivrée est sincère et juste. Pour Myoho, mon travail est un « révélateur » de femmes. Je me sens simplement une « passeuse ». »

 

Entrant en résonance avec les dessins de Sara Grossert et les boîtes de Kim Lan Nguyen Thi, Karine Zibaut présente un diaporama de la série « Cri de joie ». Elle écrit : « Dans cette époque trop grise, j’ai rêvé ce projet effervescent, un immense CRI DE JOIE. Le cri si intime retire ce qui n’a pas à être et l’espace d’un instant nous remplit d’une énergie nou- velle, comme un torrent d’énergie pure. Un instant prendre conscience de cette source qui nous traverse et irrigue nos rêves et nos plus belles réalités. J’ignorais à quel point cette aventure humaine allait me nourrir. « Le cri » me ressemble et me rassemble. Il me permet d’être une passeuse. Au cœur du vivant dans ce qu’il a de plus noble et de plus encourageant. VIVANT JE SUIS VIVANT. Voilà ce qui est crié avec jubilation. Offert avec émotion. »

 

Auteur, interprète, comédienne, Karine Zibaut a également fait de la photographie un de ses moyens d’expression de prédilection. Photographe de l’intime et du corps, elle se fait connaître par « Body and Soul », en 2007, série dans laquelle, à travers le corps, elle cherchait à dévoiler « la vie qui passe, imprègne le cœur et l’âme » et à exprimer un cri muet, « message silencieux jamais délivré » dit-elle, que le corps exulte pourtant. Ses divers travaux font depuis régulièrement l’objet d’expositions et de publications.

« Ecriture, mise en scène, photographie… Depuis dix ans, Karine Zibaut, dans la forêt des expressions, trace son chemin de création. Avec la vidéo, elle a trouvé une « chambre claire » qui lui permet de repousser les murs trop pressants des émotions. A travers ces bulles de lumière, des personnages passent, incarnent des jours pleins de vie, des peurs incandescentes, des nuits peuplées des béances du passé.

Karine Zibaut est une femme qui créée, enfante textes et images dans un monde où les femmes sont toujours là pour divertir, travailler, materner. Trop rarement encore pour penser un monde réconcilié de tous les rôles de la féminité. La force de son travail a jailli dans la plénitude de « Body and soul » dont un premier ouvrage est né. De textes, en films, en happening, une nébuleuse est née. Un univers se créée. Déjà une oeuvre. » (Bénédicte Philippe, texte rédigé  lors de la sortie de « MERE » en mars 2011)

 

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