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7 décembre 2010 2 07 /12 /décembre /2010 22:49

*Sans dessus dessous, sens dessus dessous : les artistes jouent avec les matières, les images et les représentations, et détournent les sens, histoire de jouer !

 

Jouer sur les matières, utiliser un matériau sportif pour en faire autre chose ou au contraire, produire un objet à usage apparemment sportif mais dans un matériau inattendu, comme le font Cyril Hatt, Bruno Peinado, Guillaume Poulain, Emmanuel Régent ou Luna, c’est détourner le sens initial donné à l’objet du sport et par extension, redessiner les contours de l’univers qui va avec. Puisant dans ce que le sport a à voir avec la culture populaire aujourd’hui, les artistes libèrent les objets de leur « valeur d’usage », s’en réapproprient les signes, télescopent, mixent et métissent. Des casques de moto deviennent grappe sculpturale et colorée chez Lionel Scoccimaro, et Sophie Dalla Rosa invente des trophées d’une matière nouvelle.

 

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Lionel-Scoccimarro.jpgStrictely décorative object n°2 pourrait, s’y l’on s’en tient à son titre, être vu comme un bel assemblage coloré, une sculpture pop et acidulée. Mais cette sculpture, réalisée à partir de casques de moto, customisés de différents motifs et suspendus en une grappe comme une sorte de chapelet, raconte sans doute bien autre chose. Ici, il s’agit d’abord pour Lionel Scoccimaro de réinterpréter, dans ce travail d’hybridation qui lui est propre, « des traditions populaires tout en les ré envisageant sous un angle nouveau ». En effet, cette œuvre semble s'inspirer d’une pratique populaire mexicaine, dans laquelle on accroche dans les arbres, au bord des routes, des objets ayant appartenu aux défunts accidentés, et en particulier les casques des motards. Tradition mixée avec celle, italienne cette fois, que l’on peut voir dans certaines chapelles, d’ex-voto en chapelets de casques de motards défunts. Le travail de Lionel Scoccimaro donne souvent à voir dans une même œuvre des éléments contradictoires. Ici, semble s’opposer de manière implicite, à cette débauche de couleurs policées et de motifs flambants, l’idée de la mort, idée qui est aussi éminemment présente dans l’univers, réel et esthétique, des motards. Puis se joue la dimension autobiographique, ligne de fond dans la démarche de Lionel Scoccimaro, lui qui fut motard et surfeur, et voyagea longtemps d’une rive à l’autre, de la Californie au Mexique, de l’Indonésie ou Sénégal. Enfin, la beauté formelle de l’œuvre, dans ses volumes et ses lignes, relève du souci de l’artiste de manier et de parvenir à fusionner des esthétiques a priori hétérogènes.

 

L’œuvre de Lionel Scoccimaro s’inscrit toujours dans une dimension profondément ludique, sans doute plus ou moins liée à l’enfance et à la nostalgie fantasmée qu’elle peut susciter, mais peut-être davantage encore à la fuite de l’esprit enfantin et libre. Ses œuvres prennent alors souvent une tournure sinon subversive, pour le moins dénué de censure bien-pensante,  qu’il s’agisse de ses culbutos géants, jolis jouets prenant la forme de sex-toys géants (Custom made, 2003-2007), ou de ses Octodégénérés (2002-2007), octogénaires malicieusement retombés en enfance.

L’hybridation d’images et de signes, puisés dans les différentes expressions de la culture populaire et de la contre-culture depuis les années 60, relevant à la fois de passions personnelles et d’un regard sur le monde contemporain, est au cœur de la stratégie artistique de Lionel Scoccimaro. Il ne craint ni la véritable « culture pop », ni le kitsch, ni ce que les contre-cultures ont pu produire. Ainsi, le monde des bikers, du rock, du surf, du skate, tout comme celui des telenovelas, des playmates, du custom ou du tuning, du catch, ou encore du cinéma érotico-kitsch des années 70, lui sont familiers. L’œuvre de Lionel Scoccimaro peut s’appréhender comme un laboratoire de chocs des cultures et des esthétismes, dans lequel le vulgaire et la violence peuvent espérer côtoyer le délicat et le sublime. Car il y a chez l’artiste une certaine sorte de formalisme, un intérêt et un goût pour la « belle œuvre », le travail des matières (le bois, le métal), des textures (le lisse, la surface) et des couleurs (l’éclatement chromatique, le brillant). Une manière, peut-être, de fusionner, de gré ou de force et non sans ironie, les expressions de cultures considérées comme mineures avec le monde dit « des œuvres d’art ».

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(Texte extrait du catalogue de l'exposition)

 

Photo courtesy Lionel Scoccimaro

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