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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 23:24

 

Au cours de cette riche année 2004, j'eus l'occasion d'observer de près - et de participer dans une moindre mesure- à l'élaboration d'une exposition. Après la désormais mythique exposition de J.H. Martin "les magiciens de la Terre" en 1989, et avant "Africa remix" en 2005 qui, au Centre Pompidou, consacrèrent la création africaine contemporaine, "Les Afriques" , au Tri Postal, à Lille, se proposait de livrer un panorama foisonnant de la création contemporaine, entre artistes africains et artistes inspirés par les cultures et/ou les problématiques socio-politiques du monde africain. 

 

La sélection des artistes, menée par le commissaire belge Laurent Jacob, était intéressante: Fernando Alvim, Bili Bidjocka, Guillaume Bilj, Bodo, Zoulikha Bouabdellah, Frédéric Bruly Bouabré, Lisa Brice, Philippe Cazal, Chris Cunningham, François Curlet, Messieur Delmotte, Mohamed El Baz, mounir fatmi, Michel François, Meschac Gaba, Kendell Geers, Groupov, Patrick Guns, Kay Hassan, Alfredo Jaar, William Kentridge, Isek Bodys Kingelez, Jacques Lizène, Toma Muteba Luntumbue, Michèle Magema, Moke, Steve Mc Queen, Johan Muyle, Ingrid Mwangi, Olu Oguibe, Bruno Peinado, Fabien Rigobert, Cheri Samba, Franck Scurti, Yinka Shonibare, Pascale Marthine Tayou, Barthélémy Toguo, Oliviero Toscani, Minette Vari, et sans doute quelques autres que j'aurais omis...  

 

L'espace, vaste, et les moyens mis en oeuvre par Lille2004 avaient permis au commissaire de développer une scénographie signifiante et intelligente.

 

Pour ma part, ce fut une belle occasion de découvrir les enjeux de l'activité curatoriale; et l'envie de m'y confronter naquit alors. Deux ans plus tard, je"commissariais", plus modestement mais..., ma première expo.

 

Parmi les artistes et les oeuvres présentées dans l'exposition, me reviennent:

 

La vidéo "dansons" de Zoulikha Bouabdellah, iconoclaste, intelligente, clin d'oeil joyeusement révolutionnaire à Delacroix et à sa "liberté guidant le peuple", qui eut une belle carrière

 

Impossible de faire une exposition sur l'Afrique contemporaine de l'art sans quelques dessins de Frédéric Bruly Bouabré, doyen et patriarche, avec son célèbre alphabet "bété" et son encyclopédie des "Connaissances du monde"
frederic_bruly_bouabre.jpg                 frederic-bruly-bouabre-papaye-et-papayer.jpg
J'avais évidemment trouvé simple, drôle, efficace les 3 djellabahs de François Curlet, siglées sport, que j'aurai bien aimé avoir pour 'Figure libre" mais ce ne fut hélas pas possible...
 afriquecurletgeers.jpg

Rencontre avec le travail surpuissant du sud-africain Kendell Geers (mais qui m'a, si on peut dire, un peu déçue par la suite par trop de facilité trash)

 

Ce fut aussi ma première rencontre avec le travail de mounir fatmi...

 

fatmiobstacles.jpg

 

Les "Obstacles" furent ensuite présentés de multiples manières et en divers lieux, tout le monde se souvient de l'entrée en matière de "Africa remix" au Centre Pompidou...

 

J'ai aussi gardé un bon souvenir de ma rencontre avec Meschac Gaba, artiste béninois, et de son installation "Poulet morgue", pointant le cynisme des relations nord-sud au travers de l'importation de poulets de l'Europe vers l'Afrique...

 

gaba.jpg

Oeuvre de Gaba au premier plan, au second plan, oeuvre de Bilj Bijocka..

j'ai peu revu d'oeuvres de Meschac Gaba par la suite...dommage.

 

kay.jpgJ'avais aussi trouvé intéressante l'installation de Kay Hassan, artiste sud-africiain, intitulée "The Shebeen", et reproduisant un de ces bars clandestins que l'on trouve dans les townships de Johannesburg (photo ici au Migros Museum en 2003)

 

 

jaar.jpgDix ans après, le travail d'Alfredo Jaar sur le Rwanda était plus que jamais saisissant et poignant. Je reste aujourd'hui toujours très intéressée par l'oeuvre très engagée de cet artiste chilien, qui vient, je crois, d'exposer chez Kamel Mennour.

 

On en vit à nouveau des variations, dans "Africa remix" puis dans une autre exposition sur l'architecture utopiste au Centre Pompidou, et en d'autres lieux encore: les villes fantasmées de Bodys Isek Kingelez, rêvant, à partir de matériaux de récupération, du Kinshasa d'un autre millénaire,

 

bodys_isek_kingelez_01.jpg  

La vidéo "Blanc-Noir"  ( dont je n'ai pas trouvé d'image) de Michèle Magema, née à Kinshasa et diplômée de Cergy,  avait eu beaucoup de succès, le processus était d'une grande simplicité et d'une belle efficacité. cette année-là, Michèle Magema avait remporté le 1er prix de la Biennale de Dakar.

 

J'avais été particulièrement sensible à l'installation "Ashes" de Olu Oguibé, artiste nigérian vivant dans le Connecticut, que je trouvais poignante, replaçant la tragédie du WTT dans une histoire des cendres...

« Ashes I » :Une chambre, intacte, lumières allumées, recouverte de cendres, comme un Pompéi moderne. C’est une « fiction », ressemblant fort à un souvenir de 11 Septembre. « Ashes II » : Un texte manuscrit illustré d’un dessin, prend place au pied de l’installation. Il parle d’un jour de printemps où les jonquilles étaient en fleurs...

 

olu22a.jpg  olu.jpg

 

 

Avait aussi été exposé le désormais célébrissime black Bibendum de Bruno Peinado "The Big One World", artiste dont j'apprécie depuis le sens du mix et de la créolisation... J'étais d'ailleurs satisfaite d'avoir pu obtenir auprès du FMAC de Paris une de ses oeuvres pour mon exposition "Figure libre"...

 

peinado.jpg

 

 

Pas non plus d'exposition sur les artistes africains contemporains sans le chéri des collectionneurs, le bien-nommé Chéri Samba, figure pour le moins haute en couleurs et redoutable critique!

 

Avec Bodo, et Moke, il représentait, dans l'exposition, la tradition picturale figurative populaire de Kinshasa.

 

CHERI-SAMBA-SIDA.jpg

 

 

Là aussi j'avais rencontré le travail et l'univers de Yinka Shonibare, brillant artiste anglo-nigérian et désormais très honorable Member of the British Empire. Il superpose, mixe et parodie avec humour et efficacité les archétypes de sa double culture, l'Histoire, l'histoire de l'art, du costume, des arts décoratifs, la littérature...Le commissaire avait choisi de montrer la série photographique "Journal d'un dandy victorien", dans laquelle il se mettait en scène en Dorian Gray noir...

 

SHO-Dandy-03hr.jpg

 

 

Dans le cadre des actions de médiation auprès des publics, et en particulier du public enseignant et scolaire, j'avais mis en place un petit abécédaire, simple, permettant de repérer diverses portes d'entrées et thématiques présentes dans l'exposition:

 

« LES AFRIQUES »... DE A à Z

 

 

A comme art, artiste, Afrique

L’Afrique, berceau de l’art moderne occidental, est aussi le lieu et le sujet d’un renouveau créatif, impulsé par son histoire récente. L’exposition « Les Afriques » propose donc de découvrir ces artistes souvent encore méconnus en France.

 

B comme béké

Frédéric Bruly Bouabré, « doyen » de cette exposition, penseur, conteur et artiste, inventa en 1956 un alphabet, le « béké » (du nom de Békora, son village à l’Ouest de la Côte d’Ivoire), pour donner à l’Afrique l’écriture qui lui faisait défaut, l’obligeant à utiliser l’écriture des colons.

 

C comme contemporain

Libres et inventifs, les artistes des « Afriques » utilisent tous les supports d’expressions contemporains. Ainsi, la photographie, la vidéo et le multimédia, les installations voisinent avec la peinture et la sculpture.

 

D comme diaspora, drapeau

Beaucoup des artistes présents dans cette exposition sont issus de la dispora africaine, des peuples d’Afrique condamnés à un moment de leur histoire à la dispersion et à l’exil. Ce déracinement est souvent le cœur et le ferment de leur créativité, manière de se réapproprier positivement ce qui fut perdu.

Ainsi, Fernando Alvim, Oladélé Bambgoyé, Zoulikha Bouabdellah, Franck Scurti ont choisi de représenter le drapeau, symbole de la nation et de la terre, dans leurs œuvres.

 

E comme écriture

L’écriture, en tant que signe et signification, est un élément récurrent des œuvres présentées. Depuis l’alphabet à vocation universelle de Frédéric Bruly Bouabré aux peintures « argumentées » de Chéri Samba, en passant par la calligraphie arabe, l’expression graphique fait partie du paysage esthétique africain.

 

F comme formes

Si la recherche formelle revêt toujours une grande importance, les artistes présentés ne se limitent souvent pas à une unique forme d’expression. Ainsi, Kay Hassan, Yinka Shonibare, Mounir Fatmi, Pascale Marthine Tayou, Philippe Cazal, Michel François, pour n’en citer que quelques uns, ajustent leur pratique au lieu, au projet, aux circonstances...Ils ne sont donc pas « seulement » photographes, vidéastes, ou performers, mais tout cela à la fois.

 

G comme griot

Peintres dits “populaires”, Moke, Bodo, Chéri Samba transposent et renouvellent la tradition des “griots”. Ces artistes , comme les griots, hommes de paroles, passeurs d’histoires, se font souvent pédagogues et critiques sous couvert de fables et de légendes.

 

H comme Histoire

« Les peuples heureux n’ont pas d’histoire » dit la maxime populaire, inspirée de Jean-Jacques Rousseau. L’Afrique a une Histoire, et les artistes présentés ici témoignent de la conscience que l’Histoire est avant tout devenir historique, et qu’il n’y a pas d’Histoire sans hommes qui agissent.

 

I comme identité

L’arrachement à la terre d’origine, l’exil, la guerre, ont fait jaillir chez la plupart des artistes africains la question de l’identité et de l’appartenance. Ainsi de Fernando Alvim, Alfredo Jaar, Oladélé Ajiboyé Bamgboyé, Minette Vari ou Michèle Magema, dans des perspectives chaque fois différentes.

 

J comme Johannesburg

La plus grande métropole d’Afrique du Sud est devenue le symbole de la résistance à l’apartheid, depuis qu’un jour de Juin 1976, les élèves des écoles de S0-WE-TO s’élevèrent contre l’imposition de la langue Afrikaans. Avec l’énergie de la contestation, les artistes de Johannesburg expriment les dures réalités de la vie dans les quartiers de cette cité ambiguë.

 

K comme Kinshasa

Sur le fleuve Congo, Kinshasa s’impose d’abord par son extraordinaire diversité de peuples, de langues, d’activités, de créativité. Dans un pays malmené par une succession de dictatures, Chéri Samba, Bodo, Moke nous offrent une vision réaliste de l’aventure quotidienne de la survie à Kinshasa, où « la débrouille se crée mille chemins » entre la violence et la précarité.

 

L comme libertés

C’est, dans l’ordre que l’on voudra, la liberté des formes d’expression visuelle, la liberté de ton de ces artistes souvent subversifs, parfois explosifs (Kendell Geers), montrant et dénonçant ce qu’ils savent des dysfonctionnements du monde et de l’Afrique. Liberté arrachée, enfin, s’il est vrai qu’elle est la condition nécessaire à une vie authentiquement humaine.

 

M comme mort

Elle est présente partout, comme un leit-motiv. Mort annoncée d’un peuple dans un coupable silence pour Alfredo Jaar (« Le projet Rwanda ») , mort rôdant autour d’une volupté empoisonnée pour Bodo, instinct de survie chez Lisa Brice (« Staying alive »), la peur de mourir et le test ELISA chez Bili Bidjocka.

 

N comme nomade

Le déplacement, la circulation sont des thèmes majeurs dans l’univers de ces artistes souvent voyageurs, parfois exilés. Ils portent un regard sur la mondialisation, dont ils ne sauraient s’exclure.

 

O comme Occident

Impossible d’échapper à la sensible problématique des rapports entre l’Afrique et l’Europe, où se mêlent inextricablement des questions politiques, économiques, religieuses et philosophiques.

 

P comme populaire

Le mot n’a ici rien de péjoratif, au contraire. La peinture populaire est une des expressions culturelles majeures de l’Afrique. Dans un langage et une esthétique particuliers, la peinture populaire décrit avec précision et ironie les aléas de la vie quotidienne avec une verve moraliste comparable à celle d’un Brueghel.

 

Q comme quotidien

Le quotidien est une source inépuisable d’inspiration. Les peintres populaires se font chroniqueurs de la vie des marchés, des bars, et des amours naissantes . Kay Hassan recrée au cœur de l’exposition un bar clandestin de Johannesburg. Zweleth Mtwethwa photographie des intérieurs habités. Philippe Cazal s’inspire de la signalétique urbaine .

 

R comme Rwanda

Le chilien Alfredo Jaar tenta de photographier « l’irreprésentable » : ce qu’il restait du Rwanda après les massacres de 1994, le troisième génocide du 20ème siècle. Dix ans plus tard, Alfredo Jaar nous renvoie ces images comme autant de raisons de ne pas se soustraire au « devoir de mémoire ».

 

S comme SIDA

Nul ne peut ignorer la tragédie sanitaire que vit actuellement l’Afrique, avec une épidémie touchant plus de 28 millions de personnes et réduisant leur espérance de vie à 44 ans dans certains pays . Manière de mourir que certains artistes tentent de transcender ou de prévenir.

 

T comme township

Des bidonvilles de Johannesburg ont pu naitre la rébellion . Des quartiers insalubres de Kinshasa ou de Luanda , défis au monde urbain  du 21ème siècle, renaissent chaque jour l’espoir et la créativité...

 

U comme utopie, urbanisme

...l’espoir d’une ville africaine transcendée, celle de Bodys Isek Kingelez. Cet artiste congolais hors du commun, habité par l’idée d’une Kinshasa du 3ème millénaire, « modèle et moderne »,  crée sans relâche des maquettes d’architecture utopique.

 

V comme violence

Celle des enfants des rues chez Chéri Samba, celle des guerres ethniques chez Alfredo Jaar, du terrorisme chez Olu Ogube, de l’homme pour l’homme chez Kendell Geers.

 

W... X... Y... Z.

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